Affaire Pormanove : déjà saisie et accusée d'inaction, l'Arcom pointe un manquement de Kick

Affaire Pormanove : déjà saisie et accusée d'inaction, l'Arcom pointe un manquement de Kick Accusée d'inaction malgré la saisine de la LDH en février 2025, l'Arcom se défend en mettant en cause un manquement de Kick, corrigé le 20 août face à l'ampleur de l'affaire.

L'Arcom est sous le feu des critiques après la mort du streamer français Raphaël Graven, alias "Jean Pormanove". Le 18 août, l'homme de 46 ans est décédé à l'issue d'un live marathon de douze jours sur Kick, plateforme de streaming australienne, dans lequel il se faisait violenter et frapper par ses deux acolytes, "Naruto" et "Safine".

Ces scènes de violences et d'humiliations, diffusées en direct devant des milliers d'internautes, avaient été révélé par une enquête de Mediapart en 2024. Le média y dénonçait le "business de la maltraitance", soulignant que de nombreux streamers privilégiaient Kick à son concurrent Twitch, attirés par une modération plus permissive, un contenu plus trash et un partage des revenus issus de dons bien plus avantageux (95 % pour les streamers, 5 % pour la plateforme). 

A la suite de ces révélations qui avaient entrainé l'ouverture d'une enquête par le parquet de Nice, la Ligue des Droits de l'Homme avait saisi en février l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), l'appelant à "veiller sur le territoire français au respect par les opérateurs de plateforme en ligne, de leurs obligations en matière de modération des contenus illicites".

Kick doit se conformer au règlement européen sur les services numériques

Le compte Kick avait été supprimé pendant un temps, avant d'être rouvert il y a quelques mois. Suite au retentissement de l'affaire "Jean Pormanove", la ministre chargée de l'Intelligence artificielle et du Numérique, Clara Chappaz, a indiqué le 19 août avoir également saisi l'Arcom. "La responsabilité des plateformes en ligne sur la diffusion de contenus illicites n'est pas une option : c'est la loi", a affirmé la ministre qui avait déjà été sollicitée en 2024 par Médiapart, sans réponse. Une enquête a été ouverte par la police judiciaire de Nice afin de connaitre les causes de sa mort.

"L'Arcom a appris avec un très vif émoi le décès de Raphaël Graven", a déclaré le régulateur dans un communiqué publié le 20 août. "Ce drame (...) pose en premier lieu la question de la responsabilité pénale des protagonistes, qui relève des autorités judiciaires". L'autorité a indiqué s'être "rapprochée de l'Office anti-cybercriminalité (Ofac) afin de vérifier si celui-ci a, par le passé, demandé le retrait de contenus sur Kick.com". Reste une question que beaucoup se pose : comment de telles dérives ont-elles pu durer aussi longtemps ? Auprès du Figaro, l'Arcom a reconnu une forme d'impuissance, notamment face à l'absence complète de représentant légal de Kick en Europe, pourtant obligatoire.

Le règlement européen sur les services numériques (RSN) impose en effet à toutes les plateformes disponibles au sein de l'Union Européenne des obligations strictes en matière de modération et de transparence. Même si Kick, avec moins de 45 millions de visiteurs mensuels dans l'Union, n'entre pas dans la catégorie des "très grandes plateformes en ligne", elle reste soumise au RSN et doit, à ce titre, désigner un représentant légal sur le territoire européen. Sans cette désignation, "l'ensemble des coordinateurs pour les services numériques – dont la France – seront compétents pour mettre en œuvre les obligations auxquelles la plateforme est tenue en vertu du RSN", a rappelé l'Arcom le 19 août, rapporte France Info.

Un représentant légal désigné à Malte

En janvier 2025, le régulateur allemand (BNetzA) avait d'ailleurs adressé à Kick une demande formelle en ce sens. Mais la plateforme avait tardé à se conformer. Ce n'est que le 20 août, au cœur de la polémique, qu'elle a finalement désigné un représentant légal basé à Malte. L'Arcom a aussitôt pris contact avec lui, ainsi qu'avec le régulateur maltais chargé de la supervision des obligations de la plateforme. Le but ? Obtenir "des informations détaillées sur les moyens dédiés par le service à la modération francophone" et sur "le cas spécifique de la chaîne 'Jeanpormanove'" : "signalements ou plaintes reçus, mesures prises contre des contenus potentiellement illégaux, etc". 

L'Arcom a pris "acte de la première réponse fournie par la plate-forme, qui s'est engagée à collaborer pleinement avec le régulateur" et a annoncé qu'un "échange avec Kick.com est prévu dans les prochains jours". De son côté, la plateforme a indiqué à l'AFP ne pouvoir communiquer "aucune information en raison de [sa] politique de confidentialité". Dans ses conditions d'utilisation, le site australien souligne que "bien que la violence puisse être contextuelle et avoir des conséquences variables, nous interdisons tout contenu représentant ou incitant à une violence odieuse". 

L'Arcom "salue le rôle" de la LDH

"Profondément attristés" par la disparition du streamer, la compte X Kick France a annoncé mercredi 20 août avoir banni "tous ses costreameurs", dont ses deux acolytes "Naruto" et "Safine", dans l'attente de l'enquête en cours. "Nous nous engageons à collaborer pleinement avec les autorités dans le cadre de ce processus", a écrit la plateforme, ajoutant avoir mis fin à sa collaboration avec l'ancienne agence française de réseaux sociaux et entreprendre une révision complète de son contenu en français. Leur priorité étant "de protéger les créateurs et de garantir un environnement plus sûr sur Kick".

La LDH a rappelé auprès du Figaro avoir signalé la situation auprès de l'Arcom dès février 2025. "Nous n'avons pas eu de réponse", a regretté sa présidente Nathalie Tehio. Elle a souligné un "problème de manque de moyens et d'effectifs", une mise en garde prenant "six à sept mois" avant d'être traitée. Un délai "très long" quand il s'agit "d'une question d'atteinte à la dignité humaine" selon la présidente. L'autorité de régulation a pourtant bien entendu leur appel puisque dans leur communiqué, "l'Arcom salue le rôle de La Ligue des Droits de l'Homme (LDH)" dont la saisine a poussé le régulateur à entamer des échanges avec ses homologues allemands et avec la Commission européenne au sujet de Kick.