"Alien", à l'origine du mythe que reprend "Prometheus"
A l'occasion de la sortie de "Prometheus" de Ridley Scott le 30 mai 2012, retour sur le film culte "Alien", du même réalisateur, dont "Prometheus" se revendique comme un préquel. "Alien", le summum du frisson spatial au cinéma, c'est le sujet de cette chronique rétro.
"Dans l'espace personne ne vous entend crier". Une accroche qui synthétise toute l'âme d'Alien, qui sort sur les écrans en 1979. C'est un choc énorme pour les spectateurs, le cinéma d'horreur et de science-fiction, et le cinéma en général, qui rencontre au passage un succès phénoménal ! Alors que le cinéma de genre de l'époque - comprendre le cinéma d'horreur - se tourne de plus en plus vers le gore complaisant, le film de Ridley Scott, qui n'est que le second film du réalisateur et le premier à rencontrer le succès, marque durablement par ses choix. Il n'y aura jamais aucun moment où la créature sera visible entièrement, elle sera toujours tapie dans l'ombre, faisant toujours attendre et craindre chacune de ses rares apparitions. Un choix cinématographique génial qui va devenir l'essence même du film de monstre : Alien sera souvent imité, jamais égalé.Cependant, ce qui devient véritablement la marque de l'identité de la saga, ce que les autres ne pourront pas lui prendre, c'est son aspect visuel, notamment celui de la créature, et la nature insidieuse de cette dernière. Pour faire simple, l'équipage du vaisseau spatial Nostromo est réveillé de son "hypersommeil" et détourné de son parcours initial par l'ordinateur de bord, qui a perçu un signal de détresse d'origine inconnue. Signal qui va s'avérer être décrypté, trop tard, comme un signal non pas de détresse, mais d'avertissement. L'équipage du Nostromo découvre, nimbée de brume, dans la nuit d'une planète morte, une épave, qui n'est jamais totalement visible, aux formes improbables. À l'intérieur se trouve un extraterrestre littéralement fossilisé sur son siège de pilotage, la cage thoracique béante. C'est l'un des membres d'équipage du Nostromo qui par la suite va pénétrer dans les soutes de l'épave, y découvrir des milliers d'œufs étranges, dont l'un produira un parasite qui s'accrochera à son visage. La suite est bien connue : après la chute et la mort apparente du parasite, le même membre d'équipage est pris de convulsions au cours d'un repas et un ver jaune monstrueux s'échappe de sa poitrine avant de s'enfuir dans le vaisseau, d'évoluer rapidement pour devenir un monstre gigantesque qui décimera le reste de l'équipage un à un.
Ce qui crée le malaise et la fascination provoqué par cette créature, et tout ce qui se rapporte à elle, est dû au talent de l'artiste H.R. Giger, qui invente pour l'épave, son occupant et le monstre, un style qu'il qualifie lui-même de "biomécanique". L'Alien et tous les matériaux extraterrestres ressemblent à des os et des blindages calcifiés ou polis imbriqués les uns dans les autres : ils n'ont rien d'organismes normalement vivants, ils sont foncièrement étrangers à l'homme. Et pourtant c'est ce même homme qui par sa mort donne "naissance" à cette créature monstrueuse, insaisissable, insensible, qui est ainsi la personnification de l'aspect le plus noir de l'être humain et qui n'est pas une forme de folie, mais une rationalité extrême. La peur la plus pure, indicible parce que son objet est impossible à concevoir, est le cœur et l'élément fondateur de la réussite d'Alien.
La fin parvient à contrebalancer toute la noirceur réelle et symbolique du film, puisque le salut ne vient pas de la fuite lâche, par ailleurs impossible, mais bien de la confrontation courageuse, en l'occurrence incarnée par une Sigourney Weaver dont les talents d'actrice seront rarement aussi bien exploités par la suite et qui, au cours de ce final mémorable, va devenir tout aussi emblématique de la saga à venir que son monstre éponyme. Alien en anglais signifiait à la base juste "étranger", au sens de foncièrement déplacé, mais après la sortie du film, il désignera tous les extraterrestres venus du fond de l'espace, espace profond, obscur et froid, sur lequel s'impriment dès le générique d'ouverture les cinq lettres fatidiques qui deviendront mythiques.
Prometheus permettra-t-il de résoudre le mystère des origines de la créature de façon grandiose ou sera-t-il une simple reprise à la conclusion décevante ? Réponse le 30 Mai.
Alien, de Ridley Scott, 1979, avec - entre autres - Sigourney Weaver, Ian Holmes, Tom Skerrit.
Prometheus, de Ridley Scott, 2012, avec - entre autres - Noomi Rapace, Michael Fassbender, Charlize Theron.