Takenori Ichihara: "tous les mangas produits selon la même méthodologie finissent par se ressembler"

Takenori Ichihara: "tous les mangas produits selon la même méthodologie finissent par se ressembler" Comment et pourquoi l'éditeur a-t-il lancé un magazine mensuel et, surtout, comment a-t-il fini par prendre les rênes d'un Shônen Sunday au bord du dépôt de bilan? Découvrez la seconde partie de notre entretien fleuve.

Dans le volet précédent de cette interview fleuve, vous avez pu découvrir comment et pourquoi Takenori Ichihara était devenu un éditeur de manga de premier plan. Une abnégation à toute épreuve, un investissement au détriment de sa vie personnelle et surtout un amour sans fin du manga lui ont permis de devenir l'un des éditeurs les plus influents de sa génération. Mais, frustré du manque de vision et d'investissement des responsables du célèbre hebdomadaire qui a vu naître Touch, Detective Conan, Urusei Yatsura etc, et anticipant un revers de médaille, il décide de donner un coup de pied dans la fourmilière. 

En désaccord avec la direction du magazine hebdomadaire Shônen Sunday, Takenori Ichihara convainc la direction de Shôgakukan de monter un magazine mensuel qu'il baptise Gessan Sunday. Ce visionnaire décide aussi de lancer un vaste programme numérique pour que les mangas de la Shôgakukan puissent rayonner à l'ère du web 2.0. Si l'histoire lui a donné raison, à l'époque c'était un pari très audacieux, voire une prise de risque très rare pour un pays où l'on est plus habitué aux ascensions verticales sans soubresaut. Fort heureusement pour les lecteurs de mangas du monde entier, Takenori Ichihara est un passionné de mangas avant d'être un éditeur. Il ne pouvait rester les bras croisés devant la déliquescence du lectorat de son magazine préféré…

Linternaute.com : Vous êtes parti du Shônen Sunday car le management n'encadrait pas assez les nouveaux (aussi bien employés que les auteurs). Pourquoi?

C'est parce qu'il faut sept à dix ans pour qu'un nouvel artiste se forme réellement, devienne un artiste sériel, ait dix tomes dessinées ou plus publiés au sein d'une série, soit adapté en dessin animé, et gagne un large lectorat. Il est impossible de maintenir une grande marque de manga sans avoir une vision à long terme pour le développement de nouveaux artistes. Il en va de même pour les éditeurs de mangas, car il leur faut au moins cinq ans pour devenir un éditeur à part entière. La formation est indissociable de la longévité d'un magazine.

Le bureau de Takenori Ichihara lorsqu'il était rédacteur en chef du Shônen Sunday © Takenori Ichihara

Pourquoi est-il illusoire d'imaginer qu'un artiste parfait arrivera à maturité par lui-même sans aucun guide?

Je trouve que l'idée reçue comme quoi "un génie n'a pas besoin de conseils" est un peu fausse. Cela prend beaucoup de temps pour devenir un artiste mature. Même avec le talent le plus précoce du monde, un auteur met deux à trois ans pour devenir un candidat à l'écriture d'une série. À partir de là, il faut au moins un an pour préparer une publication hebdomadaire d'un titre. Ensuite, quatre ou cinq albums sortent chaque année, il faut donc au moins deux ans pour en accumuler dix. Quel que soit le rythme de publication, et le talent initial, il faut compter en moyenne cinq ans entre le moment où vous entrez au sein d'une rédaction et la sortie d'une œuvre viable sur le marché.

En ce sens, vous aimez comparer le monde de l'édition avec celui du sport.

Dans ces deux univers, il faut du temps pour que des nouveaux talents arrivent à maturité. Il faut les accompagner, les aider dans leur développement. Pour le reste, ces deux univers sont des industries qui n'ont aucun point commun.

Vous lancez alors le magazine Gessan Sunday, un mensuel qui a vocation de former les auteurs débutants. Regardiez-vous les ventes du périodique?
Cela fait plus de sept ans que j'ai quitté Gessan, je ne connais donc pas moi-même les chiffres exacts. Mais, de nos jours, le nombre de magazines papier vendus n'est pas un chiffre très significatif pour une marque de manga.

Est-ce à dire que les ventes par tankôbon sont plus importantes aujourd'hui?

Les facteurs clés sont un large éventail de choses, notamment les ventes de bandes dessinées, les ventes numériques et la force du système de formation des nouveaux arrivants.

Présentoir pour la série "Frieren", une des nouveauté qui a vu le jour au sein du Shônen Sunday sous la direction de Monsieur Ichihara © Valentin Paquot

L'identité "amour et courage" est liée à l'esprit du Sunday. Pourquoi, de nos jours, alors que les shônen de combat semblent prendre le dessus, est-il important de conserver une telle approche, une telle marque de fabrique?
Les lecteurs se lasseront si tous les magazines proposent le même goût en matière de "produits". Les lecteurs ont plus de chances de rencontrer un éventail diversifié d'œuvres de manga si chaque marque de manga a sa propre spécialité. Sa propre ligne éditoriale.

Avec cette vision industrielle, on pourrait penser au jusqu'au boutisme productiviste. Pourquoi est-ce crucial d'avoir un magazine mensuel
Il y a beaucoup de mangakas qui aimeraient sérialiser leurs œuvres sous la marque Sunday manga, mais qui ne peuvent pas le faire sur une base hebdomadaire en raison de la vitesse d'écriture. Afin d'encourager différents types d'artistes à travailler sous la marque Sunday, il est très important aujourd'hui de disposer d'une variété de supports, notamment des magazines hebdomadaires, des magazines mensuels et des applications manga.

Qu'est-ce que vous avez appris en exerçant le poste de rédacteur en chef?
Prendre le temps de vraiment réfléchir longuement et profondément à l'histoire et aux personnages.

Quel est votre meilleur souvenir de votre casquette de rédacteur en chef du Gessan?
C'était tellement dense que je ne peux pas le réduire à un seul. Je me souviens très bien que j'étais ridiculement occupé du printemps 2008, lorsque j'ai commencé à préparer le premier numéro, jusqu'à environ 2013.

Rétrospectivement, est-ce que vous changeriez quoi que ce soit ?
En 2007, j'ai personnellement formulé un plan sur vingt ans pour reconstruire la marque de manga Shônen Sunday. La première étape de ce grand projet a été le lancement de Gessan. En ce sens, le succès de Gessan, qui a fêté cette année sa 14e année d'existence, a été un premier pas très important. Je pense que Gessan a joué un rôle très important dans la forte performance actuelle de la marque Shônen Sunday.

En 2015, vous avez accepté de revenir au Weekly Shônen Sunday en tant que rédacteur en chef alors que le magazine traversait une crise historique: pour la première fois, ce dernier accusait d'un déficit. Pourquoi avoir relevé ce défi ?
C'est mon hebdomadaire préféré depuis que je suis petit et j'étais intimement convaincu que j'étais le seul à pouvoir réussir le défi de redresser ce magazine.

Quel était votre plan de redressement?
Le plan consistait à bâtir une nouvelle équipe à partir de zéro. Cette dernière était chargée de former correctement les nouveaux rédacteurs et les nouveaux éditeurs. Le plan s'étalait en fait sur vingt ans, j'ai donc pensé que je pourrais m'en charger pendant environ dix de ces années pour jeter les bases. Puis passer le relais.

Avez-vous suivi le plan?

Oui. Les parties du plan dont nous pensions initialement qu'elles prendraient dix ans ont été réalisées en cinq ans, ce qui nous a permis d'avancer assez rapidement.

Vous avez créé plein de choses lors de votre retour, comme le Sunday Supporter Club. Racontez-nous pourquoi et à quoi ça a servi…
C'est un club réservé aux collégiens et lycéens actifs. Il a été créé pour entendre les voix réelles des élèves actuels du collège et du lycée.

Vous avez aussi lancé le Webry, un site et des applications mobiles pour consommer le contenu de tous les magazines Sunday. Pourquoi était-ce important de rattraper le virage numérique?
Il était primordial de créer une plateforme numérique complète pour la marque Shônen Sunday, car il était clair qu'à notre époque, le moyen le plus facile d'accéder aux mangas était l'application manga.

Vous en avez fait la publicité en mettant l'intégralité des classiques comme Touch en lecture gratuite. Était-ce pour aller avec votre devise "apprendre du passé" ?


Les chefs-d'œuvre du passé étant difficiles à trouver en librairie, les services tels que les applications permettant de les lire en une seule fois sont très populaires

Vous avez déclaré qu'entre 2004 et 2009 le Sunday avait été virtuellement détruit. Pourquoi?


Pendant vingt ans, la direction de la rédaction n'a pas réussi à mettre en place un système de formation des nouveaux arrivants et n'a pas réussi à présenter une politique claire, ce qui a conduit à l'effondrement complet de la rédaction de mangas.

Quels étaient les causes?

Ils ont complètement cessé d'investir de l'argent pour former les nouveaux arrivants, n'ont pas valorisé les rédacteurs qui faisaient de leur mieux pour former les nouveaux arrivants, et ont démissionné les uns après les autres. Ils ont même mis fin aux numéros hors-série qui permettaient d'offrir de la place à de nouveaux auteurs.

Vous avez déclaré que la ligne éditoriale serait sous votre seule responsabilité. Certains ont pu croire que vous étiez un tyran, mais vous déclariez ça pour endosser la responsabilité d'un potentiel échec. Pourquoi était-ce important pour vous de protéger vos équipes?

Le seul atout unique d'une marque de mangas est la confiance dont elle jouit auprès de ses auteurs et de ses lecteurs. Il n'y a pas un seul autre actif qui soit plus important. Cette confiance s'était complètement effondrée. Le plus important était donc de reconstruire une équipe qui avait la confiance des auteurs, des nouveaux auteurs et des lecteurs.

Est-ce que ça a marché?
Tout à fait. La plupart des écrivains et des éditeurs de mangas m'ont écouté sérieusement et ont commencé à soutenir le Shônen Sunday à tout prix.

C'est aussi votre responsabilité d'expliquer aux mangakas pourquoi telle ou telle série est annulée / terminée?

Tout à fait, et ça n'est jamais une décision prise sans considération.

Quand vous avez repris le Weekly Sunday, vous avez rencontré chacun des artistes du magazine, actifs et inactifs, pour leur expliquer votre vision du magazine. Plus de 300 entretiens. Comment avez vous trouvé la force?

J'aime travailler avec les gens, donc ces entretiens n'ont pas été une difficulté pour moi, au contraire. C'était un travail agréable.

Comment ces entretiens ont-ils été perçus?

Je pense que les 300 ont compris que ce leader d'Ichihara était sérieux dans sa volonté de réforme.
 

Lors de vos 18 premiers mois au poste de rédacteur en chef, vous avez mis fin à 50 séries. Comment analyser qu'une série n'a pas rencontré son public? Quels sont les critères?

Je considère diverses choses sous tous les angles et je prends des décisions. Les sondages de popularité et les ventes de bandes dessinées sont importants, bien sûr, mais ce qui compte pour moi, c'est de savoir si l'auteur a du talent et si telle ou telle série conduit à une progression de la carrière de l'artiste.

Comment expliquer à un auteur qui a mis son âme dans son manga qu'il n'est pas assez " bon"?

Je ne mens jamais à mes auteurs. Je leur donne mon évaluation précise de tout, honnêtement. Par conséquent, certaines personnes ont une autre chance et d'autres non, mais c'est le monde des professionnels.

Aujourd'hui les éditeurs du Shônen Sunday organisent des "meet up" partout dans le Japon, pour déceler les futurs talents en devenir.

Vous avez dit qu'il faut 5-7 ans pour qu'un jeune auteur atteigne maturité.  Quelles sont les étapes clés de la progression d'un auteur?
Chaque étape est importante. C'est la même chose que pour l'éducation des enfants ou l'agriculture, il n'y a donc pas besoin d'être bon dès le départ.

Comment savez-vous qu'un auteur est "prêt" ?
C'est difficile à expliquer avec des mots, mais il faut un éditeur de BD compétent pour le repérer.

Vous avez mis en place des formations au sein du Sunday pour les jeunes auteurs. Avec des cours donnés par Kazuhiro Fujita et Gôshô Aoyama, entre autres. Comment ces cours ont-ils été imaginés?

Je l'ai fait en me basant sur mon expérience personnelle acquise au fil des ans, en considérant les éléments nécessaires à la croissance des nouveaux mangakas. Pour moi, ce sont des évidences qui se sont imposées. Comme les autres formations mises en place.

Par exemple?
La première priorité était de former des éditeurs de mangas. Nous avons donc organisé un groupe d'étude pour les éditeurs de mangas chaque lundi pendant deux heures. J'ai été le seul instructeur pendant cinq ans.

Vous avez formé trois éditeurs pour les nommer éditeur en chef et créer trois pôles éditoriaux. Qui sont-ils?
Tous les trois étaient des éditeurs aguerris mais encore jeunes, à la fin de leur trentaine. Deux d'entre eux sont des enfants du Sunday, ils y ont fait toute leur carrière et le dernier est aussi un éditeur spécialisé dans le manga.  Aujourd'hui, ces trois éditeurs montrent la voie de la création de manga au sein de la rédaction du Shônen Sunday.

Comment les avez-vous identifiés comme "éditeurs à grand potentiel"?
Après une assez longue période d'observation, notamment la richesse des relations qu'ils entretiennent avec les mangakas, le nombre de fois où ils ont lancé de nouvelles séries, leur expérience dans la formation de nouveaux auteurs et leurs qualités humaines.

Comment les avez-vous formés ?
D'abord, une séance d'étude des mangas. Ensuite, je leur ai donné l'occasion de relever divers défis et d'acquérir de l'expérience. Nous avons affiné leur "capacité manga" par des conseils et des discussions répétés sur leurs succès et leurs échecs.

Beaucoup de filles lisent des mangas shônen, même s'il y a peu d'éditeurs féminins. Pensez-vous que cela devrait changer?
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de forcer un changement. Si les lecteurs et les dessinateurs le demandent, cela se fera naturellement. Pour l'instant, il n'y a pas encore beaucoup de demandes fortes. C'est une question de rencontres humaines avant tout.

Vous avez décidé de lancer des spin-off de Détective Conan, une série très populaire. Pouvez-vous nous raconter comment et pourquoi vous avez décidé de les développer?
Il y avait deux raisons. D'abord parce que je pensais que Détective Conan avait encore un pouvoir explosif. Gôshô Aoyama a fait du très bon travail et je pensais que Shônen Sunday pourrait rendre Conan encore plus excitant. L'autre raison était qu'un spin-off de Conan était la meilleure stratégie lorsqu'on réfléchissait à la manière de soutenir la direction de Sunday pendant les cinq années nécessaires à la formation de nouveaux nouveaux artistes au milieu de la situation commerciale catastrophique du Shônen Sunday.

Les dessins animés tirent-ils les ventes de mangas de nos jours?
Ce n'est pas exactement un médium qui aide l'autre. Je pense que c'est une relation symbiotique où les deux s'aident mutuellement.

Mettez-vous en place quelque chose pour encourager la production de films d'animation?
Il existe un département spécial au sein de Shôgakukan, nous leur laissons donc le soin de le faire. En effet, le département éditorial des mangas doit se concentrer sur la création de mangas.

Vous avez multiplié par 17 le financement de la formation des nouveaux arrivants. Comment avez-vous réussi à modifier les allocations budgétaires?
Une grande partie du budget était gaspillée sur des projets totalement inefficaces. Nous avons donc mis au rebut plus de dix projets en six mois et avons investi tout l'argent qui leur avait été consacré dans la formation de nouveaux rédacteurs et mangakas.

Comment?
La majeure partie du budget est utilisée pour publier un grand nombre de lectures et de one-shots de nouveaux auteurs. En publiant un grand nombre d'histoires courtes, les nouveaux mangakas peuvent s'entraîner et leurs revenus sont stables. Aujourd'hui, il y a dix fois plus d'histoires de nouveaux auteurs qui sont publiés dans le Shônen Sunday, le supplément S, le supplément MINI Sunday ou sur le Webry qu'en 2014.

Vous avez résisté à la vague de popularité des mangas de type isekai…

Je ne suis pas particulièrement attaché aux modes et tendances des dessins animés ou mangas. Ce qui m'importe, c'est de découvrir le genre que le dessinateur en face de moi a le talent de dessiner. De pousser ce dernier au paroxysme de son art.

Vous avez déclaré que les shônen étaient prisonniers d'un carcan trop rigide. Quel est ce carcan?
De nombreuses rédactions de mangas étaient ancrées dans la "méthodologie pour créer des mangas à succès" construite dans les années 1980 et 1990, une époque où les mangas se vendaient incroyablement bien. Mais de nos jours, en 2023, cela semble considérablement moins présent.

Comment l'avez vous brisé?
Il était important de créer en toute liberté, de faire abstraction des règles de bon sens, ou d'idées reçues sur des recettes de succès.

Pourquoi était-ce primordial de rendre sa liberté de ton et de sujet aux shônen?

Tous les mangas produits selon la même méthodologie finissent par se ressembler. Chaque nouvel ersatz est plus petit que le précédent et à la fin il ne reste plus grand-chose d'intéressant, et les lecteurs s'ennuient.

Mao et Mix, deux séries en cours de publication des mangakas vétérans Rumiko Takahashi et Mitsuru Adachi. © Valentin Paquot

Est-ce pour cela que le Shônen Sunday est un endroit dont la vocation principale est de donner naissance à des mangakas plutôt que des mangas?

Oui. Historiquement, Shônen Sunday est une marque de mangas qui excelle à développer des artistes qui produisent de multiples chefs-d'œuvre, comme Mitsuru Adachi, Rumiko Takahashi et Gôshô Aoyama, plutôt que des mangakas qui produisent un unique grand succès.

Tout en pilotant la renaissance du Shônen Sunday, vous lisiez tous les manuscrits avant de valider si une série ou non devait être publiée. Comment trouviez-vous le temps?

J'ai supprimé tout le temps inutile, comme les réunions internes et les événements auxquels je n'avais pas besoin de participer. J'ai également réduit mes heures de sommeil à la minute près.

Avec le temps, les pages en bichromie ont disparu des magazines au profit des pages couleurs. Avez vous songé à les remettre au goût du jour?
Pas une seule fois. La charge de travail pour le mangaka est trop grande, et aujourd'hui ce n'est plus un facteur clé pour les lecteurs, alors c'est vraiment inutile.

Les ventes à l'étranger représentent maintenant un revenu non négligeable. Est-ce que cela a eu un impact sur la ligne éditoriale ?

Rien de particulier. Je pense que les mangas qui sont intéressants au Japon le seront aussi à l'étranger.

Comment percevez-vous cette évolution ?

Je suis heureux que les gens du monde entier connaissent l'excellence des mangas.

Si vous pouviez débaucher un auteur d'un concurrent, qui aimeriez vous voir dans le Sunday?

Je ne souhaite débaucher personne. Au contraire, je préfère garder un slot de publication pour un nouvel auteur du Sunday.

Le métier de mangaka est très exigeant et il arrive que des auteurs ne puissent plus écrire ou dessiner. Est-ce une hantise pour un rédacteur en chef?

Je ne sais pas si c'est une hantise, mais je souhaite que les mangakas puissent exercer leur métier non seulement en étant en bonne santé, mais aussi dans la joie et la sérénité.

Y a-t-il des procédures mises en place pour s'assurer de la santé des auteurs?

Personnellement, je fais l'effort d'avoir des contacts avec les meilleurs médecins dans différents domaines. En effet, je peux les présenter à des mangakas lorsque le besoin s'en fait sentir. Aussi bien des dentistes, acupuncteurs, masseurs, chirurgiens, coachs sportifs, etc.

Comment réagit-on quand un auteur éprouve un de ces problèmes?
Nous en discuterons en profondeur avec l'artiste et faisons de notre mieux pour le soutenir afin qu'il puisse à nouveau dessiner avec une vigueur renouvelée.

Takenori Ichihara à un match de baseball (lors des Japan Series de 2021) aux côté de Mitsuru Adachi et Buronson © Takenori Ichihara

Vous avez même été conférencier pour l'école de manga " Manga Juku" à Saku (Nagano). Comment cela s'est-il passé ?

J'ai été invité par un auteur dont je suis proche, Monsieur Buronson. Nous avons donné un cours commun avec Mitsuru Adachi à sa demande.

Deux mangas de Shogakukan (Touch & Major) ont été choisis pour incarner l'esprit des Samurais Japan : est-ce que vous ressentez une fierté à ce sujet ?

C'est une immense fierté, mais avant tout je suis heureux pour ces œuvres.

Depuis 2020, on constate une explosion des collaborations entre les licences de manga et la NPB voir avec des clubs. Racontez-nous par exemple comment s'est passée la collaboration entre Adachi-sensei et les Yakult Swallow ?

Adachi Mitsuru-sensei est un célèbre fan de Yakult, aussi la rédaction du manga reçoit-elle une demande de l'équipe de baseball, dont le rédacteur en chef discute ensuite avec Adachi-sensei pour réaliser un projet de collaboration.

On a vu récemment des collaborations de la NPB avec des licences qui n'ont aucun lien avec le baseball comme Spy x Family, ou Tokyo Revenger. Pourquoi à votre avis ?

Je pense que c'est pour amener les gens qui ne connaissent rien au baseball à devenir des fans.

Comment s'organisent des évènements croisés entre deux auteurs, par exemple le Battery Day (12/12) entre Adachi-sensei et Mitsuda-sensei ?

C'est un projet mené conjointement par le département éditorial et le département marketing.

Comment est-ce que l'on arrive à organiser une rencontre entre deux auteurs aux calendriers aussi chargés ?

Les écrivains ne se rencontrent pas entre eux. Les rédacteurs en charge des uns et des autres ont une réunion approfondie au nom des écrivains.

Vous avez participé à un quiz sur NTV sur les protagonistes d'Adachi ?  Mais vous n'avez eu aucune réponse de bonne…

Il est très difficile de reconnaître les visages des personnages principaux d'Adachi Mitsuru (rires).

En plus c'était le jour de son anniversaire,  avez vous eu un gage ?

Non, il a beaucoup ri en apprenant ça.

Le grand magazine rival le Weekly Shonen Jump, propose bien plus de merchandising (boutique jump, etc). Pourquoi n'est-ce pas dans l'ADN de Shogakukan ?

C'est l'échec de ce mauvais pilotage pendant 20 ans…  Mais depuis 2014, nous faisons en sorte de rattraper notre retard sur ce domaine.

Après tant d'année à guider des auteurs et éditeurs pour qu'ils subliment leurs histoires, le génial éditeur a eu envie de raconter ses propres histoires. Fidèle a ses principes, une fois la décision prise, il ne perd pas de temps et se lance dans l'aventure : c'est décidé, il va devenir scénariste de manga. En avril 2022, stupeur et tremblement dans le microcosme de l'édition au Japon, Takenori Ichihara vient de démissionner de la Shôgakukan.

Vous avez démissionné en avril dernier pour devenir mangaka. Est-ce que vous avez déjà avancé sur votre manuscrit ?

De nombreux nouveaux projets de sérialisation sont en cours. Quant au contenu, je ne peux pas l'annoncer, alors attendez une annonce dans le magazine (rires).

Quand vous avez accepté le poste vous aviez déjà écrit votre lettre de démission et l'aviez rangé dans un tiroir. Est-ce que c'est celle là que vous avez utilisé ? 

Non, j'ai écrit une nouvelle lettre. Le contexte n'était pas le même.

Est-ce que vous savez déjà qui s'occupera des dessins ?

Pour certains projets oui, pour d'autres pas encore.

Ça semble une évidence, mais vous comptez publier votre futur manga dans le Weekly Shonen Sunday ?

Bien sûr, il ne saurait en être autrement.

Est-ce que Takashi Nagasaki est une inspiration pour votre envol en tant que mangaka ? (lui aussi a été tanto de Naoki Urasawa et rédacteur en chef du Big Comic Spirit)

Non, non. C'est une personnalité respectée de haut niveau, mais il n'a rien à voir avec ma décision.

Hiroki Goto a écrit ses mémoire sur l'age d'ôr du Shonen Jump avec tout ce que vous avez vécu chez Shogakukan n'avez vous pas songé à écrire un livre ?

Pas du tout.

Punch, le chien iconique de la série Touch qui prends la pose au café éphémère Urusei Yatsura. © Valentin Paquot

Vous êtes encore le conseiller de Rumiko Takahashi et Mitsuru Adachi. Racontez-nous votre meilleur souvenir avec chacun d'entre eux.

Chaque moment que nous avons passé ensemble est un souvenir précieux.

Pour nous, lecteurs de manga, ce sont deux dieux vivants.  Et pour vous, comment sont-ils au quotidien ?

Mitsuru Adachi est ma superstar depuis que je suis à l'école primaire. Aujourd'hui plus encore.

Quelle est la qualité de chacun que vous préférez ?

Leur amour inconditionnel et sans fin des mangas.

Vous êtes parti l'année du centenaire de la Shogakukan, avouez, vous n'aviez pas envie d'organiser ce super géant anniversaire ?

Ce n'est pas vrai du tout. C'est juste une coïncidence que ce soit à cette période de l'année (rires).