Rob Stewart "Il faut changer l'image des requins pour les protéger"

Rob Stewart a réalisé un documentaire, "Sharkwater", pour sensibiliser le grand public à la surpêche dont les squales sont victimes. Un combat difficile mais très urgent.

Quand avez-vous vu un requin pour la première fois ?

J'étais très jeune. Je pratiquais alors la plongée uniquement avec un masque et un tuba, et je rêvais de voir un requin depuis toujours. Et un jour, en longeant un récif, j'en ai vu un. Il était assez grand, il a disparu au large dès qu'il m'a vu.

Expliquez-nous votre combat. Pourquoi sauver les requins ?

Le requin est le plus grand prédateur des mers. Il a façonné la faune aquatique autour de lui : il a obligé les poissons à se regrouper en bancs, à trouver des techniques de camouflage, de communication pour fuir le danger. Le requin a survécu à cinq grandes extinctions animales, et aujourd'hui il va disparaître parce qu'on le pêche à outrance. Et on a l'impression que les gens ont tellement peur des requins qu'ils ne veulent pas tellement les sauver.

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Rob Stewart nage avec les requins depuis son enfance. © Sharkwater productions

Pourquoi les gens ont-ils si peur des requins ?

Les médias y sont pour beaucoup. Des films comme "Les dents de la mer" ont énormément contribué à la réputation du requin mangeur d'hommes. Les rares attaques sont également surmédiatisées, et le requin y est toujours décrit comme un prédateur impitoyable et sanguinaire. Or, la vérité est bien différente, les requins sont des animaux plutôt peureux, des charognards. De plus les chiffres attestent qu'en un an, les crocodiles dans le monde ont tué autant de personnes que les requins en cent ans.

Pourquoi le requin est-il chassé à outrance ?

La raison principale de cette chasse à outrance est le "shark finning". Cette pratique odieuse consiste à couper à un requin son aileron et ses nageoires, des mets très appréciés et de grande valeur dans la cuisine asiatique, et à le remettre, vivant mais condamné, dans l'océan. Les requins ainsi mutilés meurent au fond de l'océan dans des souffrances atroces.

Qui pratique le "shark finning" ?

Nous nous sommes rendus pour le film au Costa Rica, et nous avons découvert que les ailerons de requin sont au cœur d'un véritable trafic, sous tutelle de certaines mafias asiatiques. De grosses sommes d'argent sont en jeu, dans des pays ou le "shark finning" est totalement interdit.

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Rob Stewart au milieu des requins. © Sharkwater productions

Vous avez pris des risques personnels durant ce tournage, vous avez même été gravement malade ?

C'est vrai que nous avons été accusés de tentative d'homicide au Costa Rica alors que nous étions là sur invitation du président de ce pays. Ensuite, j'ai souffert d'une infection à la jambe, qui aurait pu être fatale, mais tout a fini par rentrer dans l'ordre heureusement.

Pour finir, dites nous ce que vous espérez que les gens retiennent de ce film ?

J'espère que me voir nager au milieu des requins permettra aux gens de comprendre que même si le requin est un poisson potentiellement dangereux, il ne chasse pas l'homme intentionnellement. D'ailleurs, la majorité des attaques ont lieu sur des surfeurs, qui sur leur planche, dans les vagues, ont vraiment la silhouette d'otaries, une des proies favorites des requins. Il faut enfin dire que l'importance du requin est essentielle au niveau de la chaîne alimentaire : le requin est tout en haut de la chaîne, et sa disparition modifierait de façon dramatique les équilibres au sein de la faune marine.

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