"Nous resterons sur terre", le cycle perpétuel

Le livre suit une progression lente : on passe d'un lieu sans trace humaine à une ville sombre, parsemée de néons publicitaires. Quelle interprétation donnez-vous à cette progression ?

Au départ, je souhaitais chapitrer le livre, pour expliciter mon parti pris. Mais je me suis rendu compte que cela créait des ruptures dans la lecture des images. J'ai préféré laisser les lieux se mélanger et se répondre entre eux, sans trop parasiter la lecture des images avec des noms de lieux réels.

C'est le cycle perpétuel d'un monde qui se régénère

En fait, ma série est en mouvement, elle montre le cycle perpétuel d'un monde qui se régénère. Le livre commence sur des paysages qui montrent la splendeur et la force de la nature, puis se termine sur sa disparition absolue. Il faut voir le livre comme une extraction du réel ordinaire, pour entrer dans une dimension tragique, presque mythique.

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La salle de classe. Pripiat, Ukraine, 2007. © Cédric Delsaux

L'Homme devient omniprésent, omnipotent. Comme le résume cette citation du poète Christian Bobin : "Le monde est perdu et la vie est intacte". Nous somme là, fragiles et capables de grandes choses à la fois, mais dans un destin qu'il nous reste à construire...

Les dégradations que nous infligeons à la nature prennent une place importante. Doit-on y lire un message écologiste ?

Elles prennent une place importante car c'est nous qui avons voulu qu'elles prennent une place importante. Je voulais éviter l'opposition trop souvent colportée entre l'homme méchant et la nature gentille. Comme je le disais, ce n'est pas un livre d'écologiste militant. Je ne fais que constater.

Il ne s'agit pas d'une réflexion sur la nature, mais sur la nature humaine

Par exemple, ce n'est pas mon dispositif photographique qui a vidé Pripiat, mais bien nous-mêmes, qui nous sommes interdits d'un territoire pour des milliers d'années. La nature retrouvera toujours ses droits. La question est de savoir si nous voulons vivre avec elle. Il ne s'agit pas d'une réflexion sur la nature, mais sur la nature humaine.