"Nous resterons sur terre", la forme
Avez-vous effectué un travail de retouche important ?
Je n'ai réalisé aucune mise en scène. J'ai simplement travaillé la chromie.
Contrairement à mes précédentes séries, comme Star Wars par exemple, où j'effectuais beaucoup de mise en scène, pour cette série, je ne suis pas intervenu sur les lieux. Il fallait qu'ils se suffisent à eux-mêmes. Je n'ai rien retiré, rien ajouté.
J'ai simplement effectué un travail sur la chromie. Je suis revenu avec des images de lieux aux lumières assez hétérogènes. Le but était de les unifier pour ne pas rompre la progression dont nous parlions avant. Comme si un accord musical avait été plaqué au début et qui se poursuit tout le long, permettant de faire le lien entre des lieux très disparates.

Pour appuyer l'ambivalence des images, j'ai donc travaillé sur la demi-teinte. Les lieux chargés émotionnellement évoquent également une certaine douceur. J'espère avoir créé une "poésie triste", dans laquelle on trouve de la beauté dans les lieux tristes, ou l'inverse.
N'avez-vous pas peur que l'esthétique prenne le pas sur le fond ?
Au contraire. Ce n'est pas un étalage d'un savoir-faire ou d'un discours esthétique du monde. Il s'agit d'un travail plus profond. Le travail d'esthétisation se fait au service d'une réflexion. Je me sers peut-être inconsciemment de mon expérience en photo publicitaire. L'objectif n'est pas la forme, mais bien le fond. Pour cela, il est nécessaire de construire son propos avant de shooter. Mais penser par l'image passe nécessairement par la forme.
Nous manquons cruellement d'éducation à l'image
Cela devient peut-être un exercice aride, peut-être trop élitiste, mais à mon avis, nous manquons cruellement d'éducation à l'image. La multiplication des images de toutes parts accentue le rapport superficiel et épidermique aux images. Les images se noient dans un flot permanent. Le problème est de savoir ce que l'on veut faire. Aujourd'hui, grâce au numérique, n'importe qui peut faire de la photo. Mais pas n'importe quoi.