"Nous resterons sur terre", les lieux

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Démantèlement de centrale nucléaire. Ukraine, 2007. © Cédric Delsaux

Comment avez-vous choisi les lieux photographiés ?

Nous avons parcouru l'Islande, le Brésil, les Etats-Unis, les Emirats arabes unis, l'Ukraine, la France, la Hollande, la Chine...

Mais cela pourrait être n'importe où. Plus qu'une simple contemplation de différents lieux, le livre est un autoportrait de la vision que j'ai du monde. C'est le lieu qui fabrique le sens du rapport que j'ai au monde.

En fait, je ne les ai pas choisis, ils se sont imposés à moi. Ils expriment malgré moi ce que je ressens.

Un lieu ne vaut pas pour ce qu'il est mais pour ce qu'il peut représenter

Quand j'arrivais sur certains lieux, j'avais l'impression de les retrouver : comme si je les avais rêvés avant, fantasmés, et je les découvrais en réel. Cela peut paraître un peu prétentieux, mais j'ai l'impression de créer une fonction mythologique des espaces modernes. Un lieu ne vaut pas pour ce qu'il est mais pour ce qu'il peut représenter. Je cherche ainsi à nous interroger sur le rapport que nous entretenons avec ces lieux.

Pourquoi les images ne sont-elles pas légendées ?

Les lieux que je montre parlent d'eux-mêmes, je ne souhaite pas les montrer pour ce qu'ils sont - comme un photojournaliste par exemple - mais pour ce qu'ils évoquent. On se retrouve dans un dédale de lieux dont je laisse la liberté d'analyse. J'ai simplement cadré le livre avec une introduction et une interview à la fin pour aider à l'appréhender.

Mon livre, c'est l'anti instant décisif

Depardon disait à propos de Salgado : "Il a fait de bonnes photos en Amazonie, mais pas en Afrique". J'admire énormément Depardon, mais je n'ai jamais compris cette phrase. Car pour moi il n'est pas indispensable d'être spécialiste d'un lieu pour savoir le restituer. Je ne crois pas en une forme d'objectivité. Il ne s'agit pas de voyager pour voyager, mais pour vérifier une idée, un rapport que l'on a au monde. Pour moi, ce qui prime c'est la perception des lieux, c'est pour cela que j'ai décidé de ne pas légender les images avec les noms des lieux. Dieu merci, le dogme de l'instant décisif et la soi-disant photo du réel, c'est fini. Il faut réussir à s'extraire de la réalité, en extirper quelque chose pour permettre à d'autres de le ressentir. Car le réel n'existe pas, il n'en existe que des perceptions. Mon livre, c'est l'anti instant décisif.