Réserve parlementaire : Patrick Balkany a versé 100 000 euros à sa ville de Levallois-Perret (et autres bizarreries)

Réserve parlementaire : Patrick Balkany a versé 100 000 euros à sa ville de Levallois-Perret (et autres bizarreries) L'Assemblée nationale vient de mettre en ligne l'intégralité des subventions versées par les députés en 2016 au titre de la réserve parlementaire. Et certains montants laissent perplexes...

[Mis à jour le 28 février 2017 à 16h04] L'opération transparence continue. A quelques semaines désormais de l'élection présidentielle, mais aussi des législatives 2017 qui vont suivre, l'Assemblée nationale a diffusé la répartition de la réserve parlementaire pour l'année 2016. Autrement dit le détail des subventions versées par les députés, jusqu'à présent en toute discrétion. Pour cette raison, la réserve parlementaire est devenue en quelques années la cible de bien des critiques voire une hérésie pour les détracteurs des privilèges des élus comme les observateurs de la dépense publique. Il faut dire qu'à chaque publication, plusieurs dépenses intriguent.

Cette année, on trouve par exemple une subvention de 100 000 euros de Patrick Balkany à Levallois-Perret, la ville dont il est le maire depuis 2001. Dans le détail, on apprend que cette somme, assez importante au demeurant, a servi à la "mise en lumière du parc de stationnement place 8 mai 1945", dans la ville de banlieue tenue depuis des années par le couple Balkany. Cette installation de "matériel d'éclairage LED" aura été pour le moins coûteuse puisque dans un compte rendu de conseil municipal de Levallois-Perret, en date du 5 avril 2016, le coût de l'opération était estimée à 348 817 euros hors taxe. Le conseil municipal autorisait d'ailleurs ce jour là "Monsieur le Maire à solliciter une subvention de l'État au titre de la réserve parlementaire" pour mener le projet à bien. Le "maire Balkany" aura donc fait appel au "député Balkany" pour obtenir cette généreuse somme, qui compte tout de même parmi les 25 subventions les plus élevés de la réserve parlementaire en 2016.

Des députés-maires généreux avec eux-mêmes

Bien d'autres députés-maires ont utilisé leur réserve parlementaire pour subventionner leur ville. Parmi les champions de ce sport national, Gilles Carrez  a versé pas moins de 200 000 euros au Perreux-sur-Marne, ville dont il était maire lors de l'attribution de la réserve et 50 000 autres euros à la ville voisine de Nogent. Le président des députés LR Christian Jacob a versé 60 000 euros à sa chère Provins, Jacques Myard a versé 57 500 euros à sa ville de Maisons-Lafitte, Patrick Ollier a versé 50 000 euros à Rueil-Malmaison, Dominique Baert 50 000 euros à Wattrelos, Jean-Louis Bricout 20 000 euros à Bohain-en-Vermandois... L'utilisation de la réserve parlementaire par un député pour subventionner une ville dont il est lui-même le maire est pourtant sujette à caution. Pour preuve : le HuffPost rappelle qu'en 2014, Patrick Balkany s'était vu refuser une demande de subvention pour rénover le système de vidéosurveillance de Levallois (déjà). Le ministère de l'Intérieur, qui contrôle toutes les demandes de ce genre, avait alors considéré que sa requête "ne pouvait entrer dans le cadre de la réserve parlementaire". Elle avait été requalifiée en "demande de subvention ministérielle". Le Huff précisait que le maire de Levallois avait versé l'année précédente 110 000 euros au Levallois Sporting Club. Décidément une belle preuve d'amour pour sa ville.

Les associations symboles d'une politique clientéliste ?

Les subventions aux associations sont d'ailleurs l'autre versant de cette utilisation de la réserve parlementaire, souvent jugée clientéliste. D'après un rapide traitement de données, 7,2 millions d'euros au total ont été versés à près de 2000 organismes ayant pour nom "association" en 2016. 1,1 million d'euros ont été accordés à des "Unions" ou "Amicales sportives" diverses. Côté sport, le football a d'ailleurs la cote puisque 730 000 euros lui ont été consacrés en 2016 par les députés contre "seulement" 112 000 euros pour le volley par exemple. Contribuables Associés liste sur son site Web et sur les réseaux sociaux d'autres agrégats qui font réfléchir : 150 000 euros ont ainsi été consacrés à la pétanque ! Les associations subventionnées sont aussi cultuelles, comme l'Association cultuelle Israelite Gironde subventionnée à hauteur de 15 000 euros pour ses frais de fonctionnement par la socialiste Marie Réclade. L'UDI Jean-Christophe Fromantin a lui versé 5000 euros de son enveloppe à l'Eglise Réformée de Neuilly pour la "mise en conformité des locaux pour les personnes à mobilité réduite". 

Des dépenses farfelues et des cadeaux aux amis

En 2016, les députés ont acheté au total pour près de 200 000 euros de tondeuses à gazon, rappelle également Contribuables Associés, qui, parmi les autres bizarreries, liste aussi 160 000 euros versés à la Fondation Jean Jaurès par le groupe PS. Cette fondation, proche des socialistes, a également reçu 230 000 euros de Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale, qui dispose d'un budget accru dans son enveloppe. Pas en reste, l'Institut François Mitterrand, autre think-tank "ami", a reçu 119 000 euros de la part de députés socialistes. Chez les stars de l'Assemblée, on remarque les 30 000 euros versés par François Fillon au Comité des fêtes du Ve arrondissement de Paris, dans sa circonscription, ou encore les 5000 euros versés par Benoît Hamon au syndicat étudiant Unef, dont il fut l'un des membres historiques (Pouria Amirsahi, qui en fut le président, a versé quant à lui 10 000 euros au syndicat). Le socialiste Christophe Caresche n'a pas hésité à donner 20 000 euros à l'Institut d'Etudes Politiques de Grenoble, dont il est diplômé. Plus polémique sans doute, l'écolo Jean-Louis Roumegas a attribué 3 000 euros de sa réserve parlementaire à une antenne locale de "France Palestine", organisant des boycotts de produits israéliens dans sa circonscription.

La réserve parlementaire, c'est quoi ?

La réserve parlementaire est une somme allouée chaque année aux députés et aux sénateurs, en plus de leurs diverses indemnités, pour aider des associations et des projets dans leurs circonscriptions. Allant de 100 000 à 150 000 euros en moyenne selon les années, cette enveloppe est régulièrement décriée pour l'usage, relativement opaque qu'en font les parlementaires. L'Assemblée nationale précise sur son site Internet que chaque parlementaire a pu proposer en 2016 "l'attribution de subventions à hauteur de 130 000 euros en moyenne, la modulation de la répartition entre les députés relevant de chaque groupe politique". Un régime spécial est accordé aux membres du Bureau de l'Assemblée nationale (140 000 euros de réserve), aux vice-présidents, aux questeurs, aux présidents de groupe et aux présidents de commission qui "disposent de 260 000 euros". Le Président de l'Assemblée nationale, lui, a droit à 520 000 euros. Au total en 2016, ce sont 81,86 millions d'euros, sur une enveloppe totale de 90 millions d'euros votés en loi de finances qui ont été distribués. "Le reliquat - soit 8,14 millions d'euros – a été reversé au budget de l'Etat", comme les trois années précédentes, indique le Palais Bourbon.

Avant de dévoiler la liste des 16 551 subventions versées en 2016, l'Assemblée nationale avait déjà fait preuve de transparence en diffusant, il y a quelques jours, la liste des attachés parlementaires de chacun des députés.