Race : le mot interdit fait encore débat

Race : le mot interdit fait encore débat L'Assemblée nationale a voté un texte visant à supprimer le mot race de la loi française. Un texte délicat qui ne le fera pas disparaitre partout.

Sur une proposition du Front de gauche, les députés ont voté à mains levées une loi visant à faire disparaitre le mot "race" de la loi française. Sont concernés le Code pénal, le Code de procédure pénale et la loi sur la liberté de la presse. Le but : lutter contre le racisme qui, par définition, établit une distinction entre les "races". Un "concept aberrant", selon Alfred Marie-Jeanne, le rapporteur de la loi, qui estime que ce mot n'a pas sa place dans notre ordre juridique". Concrètement, les rédacteurs des lois vont remplacer un à un les occurrences du mot "race" et de l'adjectif "racial" par les mots "racistes" ou "prétendument racial" dans chacun des textes de loi.

Rue89 rappelle que le mot "race" a été introduit dans le droit français par un texte de 1939 visant précisément à lutter contre le racisme et évoquant la " diffamation ou l'injure, commise envers un groupe de personnes appartenant, par leur origine, à une race ou à une religion déterminée". Il sera réutilisé momentanément par le régime de Vichy dans le but, cette fois, d'ancrer les principes antisémites dans la loi. Enfin, il sera repris en 1946 dans le préambule de la Constitution. Le site rappelle ainsi qu'aujourd'hui, les mots "race" et "racial" apparaissent 59 fois au total dans le droit Français. Le terme vise à alourdir les sanctions, quand une agression "est commise à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée." De même, l'interdiction de distinguer, de collecter des informations ou de stigmatiser des "races" ou des personnes en fonction de leur "origine raciale" est plusieurs fois évoquée dans la loi.

Supprimer le mot race : une mesure polémique

Reste que le mot "race" restera dans la Constitution, sa révision nécessitant un référendum ou l'approbation des 3/5e du Parlement dans une procédure spéciale. François Hollande avait pourtant promis, lors de sa campagne, que le mot serait rayé du texte fondateur des lois. L'article premier stipule en effet que "la France [...] assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion". Le député UMP Jean-Frédéric Poisson, a rappelé la contradiction que cela soulevait : "supprimer ce mot dans la législation sans l'éliminer dans le bloc constitutionnel pose un problème juridique" selon lui.

D'autres députés soulignent que la loi est inutile voire ridicule, comme l'UDI Philippe Gomez qui affirme que "supprimer un mot" ne suffira pas à faire reculer le racisme. Plus véhéments encore, d'autres députés estiment qu'il faut mettre des mots sur un phénomène pour le combattre. Selon eux, le mot "race" est utile à la loi, justement pour caractériser des actes racistes et ainsi les condamner. Par cette forme de censure du vocabulaire législatif, l'UMP Lionel Tardy a même fait référence au "totalitarisme", un régime où l'on préfère masquer la réalité. L'UMP dans son ensemble a voté contre le texte, certains députés de droite s'étant abstenus. L'UDI quant à elle a été divisée, une partie votant pour le texte.

Reste que si la "race" et "l'origine raciale" disparaissent bel et bien, la loi continuera à parler "d'origines prétendument raciales". De même, pour maintenir l'incrimination de racisme, les députés ont ajouté un amendement à la loi affirmant que "la République combat le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie. Elle ne reconnaît l'existence d'aucune prétendue race".

EN VIDEO - En 1996, la notion de race, évoquée par Jean-Marie Le Pen, a provoqué toute une polémique. Le mot "race" existe dans la constitution française, mais pas au sens où l'entendent certains.