"On n'oserait plus faire les mêmes présentations qu'il y a 30 ans"

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Le chef Michel Rostang © Restaurant Rostang

Vous souvenez vous de votre premier jour rue Rennequin ? Comment s'est-il passé et comment se sont déroulé vos débuts à Paris ?

Oui. C'était en août 1978. Le restaurant était petit à l'époque, 15 tables. Il y avait une copine attachée de presse qui m'avait dit "je vais t'aider" et finalement il y avait 13 tables de journalistes sur les 15 tables et 2 tables de clients que je connaissais. Tous les grands journalistes de l'époque étaient là et ce fut une vraie catastrophe. Heureusement, ils ne m'en ont pas tenu rigueur et sont tous revenus.

Vous êtes originaire d'Isère où votre famille avait un établissement, pourquoi êtes-vous venu vous installer à Paris ?

En effet, je suis originaire d'Isère, du Dauphiné. On avait un établissement familial qui vivotait et il y avait beaucoup de travaux à faire. J'avais fait mes classes à Paris, ça me plaisait bien. On a trouvé un petit restaurant "Chez Denis", connu à l'époque pour être le restaurant qui avait proposé le menu le plus cher de Paris. Je connaissais le propriétaire et quand j'étais jeune commis, je venais y déjeuner le dimanche. Et comme je voulais me débrouiller seul, sans l'aide de mes parents, je me suis arrangé avec lui.

Comment a évolué le restaurant depuis son ouverture ?

Il a doublé de surface. Il est passé de 30 couverts à 60/70 couverts, il y a plus de place et on a pu agrandir les cuisines. On l'a fait évoluer petit à petit. Dans le décor aussi. On a mis des boiseries dans chaque salle. On a toujours grandi petit à petit, avec nos propres moyens et les salons ont été faits à partir de pièces de ma collection (des pièces de René Lalique par exemple pour la salle Art Déco).

Qu'est ce qui vous a le plus marqué pendant ses 30 ans ?

L'évolution de la cuisine. Quand on regarde les photos de plats d'il y a 30 ans, on n'oserait plus le faire, je veux dire par rapport à la présentation. Aujourd'hui, on recherche quelque chose de plus épuré, plus raffiné.

Au niveau des produits, c'est pareil, on a toujours les mêmes bons produits, les goûts ont évolué mais surtout la présentation des assiettes, l'art de la table a évolué, on arrive à un raffinement qu'on n'avait pas.

Y-a-t-il un plat qui vous a fait connaître plus que d'autres ?

Plutôt un produit : la truffe fraîche. Je ne la travaille que du 15 décembre au 15 mars et je passe 200 kilos de truffes. On a des clients qui viennent spécialement. Nous proposons 10/12 plats dont le plus connu est peut-être le sandwich aux truffes.
On propose aussi le soufflé de quenelles, un plat d'autrefois remis au goût du jour qu'on vend beaucoup.

Votre meilleur souvenir ?

Il n'y a que des bons souvenirs, les mauvais s'effacent rapidement. Le meilleur est peut-être la première étoile après quelques mois d'ouverture, ou le fait d'avoir réussi à maintenir une qualité de maison.

Votre pire souvenir ?

On les oublie. Même le premier soir d'ouverture s'est transformé en bon souvenir, en anecdote.

Vous êtes le premier à avoir ouvert des bistrots de chefs, comment l'idée vous est venue ?

En effet, je suis un des premiers. J'en avais déjà ouvert un à Grenoble en 1975 car j'avais la place. A Paris, c'était en 1987, j'ai racheté une épicerie 1900 qui était à vendre à côté du restaurant mais on ne pouvait pas la joindre car il y avait une cage d'escalier alors je me suis dit que j'allais en faire un bistrot. Après on a développé d'autres affaires. On en a six au total aujourd'hui. 

Vous êtes issu d'une famille de restaurateur. Etait-ce important pour vous de transmettre votre passion à vos filles ?

Je suis la cinquième génération de cuisiner de la famille. C'était important de transmettre cette passion à mes filles mais pas une nécessité. Elles ont fait ça avec goût et plaisir et on est contents.

30 ans après, de quoi êtes vous le plus fier ?

De la réussite qu'on a eu et que mes filles aient accepté la transmission sans obligation.

Et comment voyez-vous le restaurant Michel Rostang dans 30 ans ?

Je ne sais pas. On va encore l'exploiter puis on verra si mes filles veulent l'exploiter à leur tour.

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