Mali : histoire en marche ?

Falaises du Pays Dogon, main de Fatma de Hombori, mosquée de Djenné, portes du désert à Tombouctou, immensité des déserts Sahariens... L'activité touristique faisait vivre dignement des populations dans des zones fragiles et favorisait les échanges. Aujourd'hui, le renforcement des criminels fanatiques d'AQMI, le retour des mercenaires touaregs de Kadhafi au pays touareg, la démission d'un état, un putsch qui fait Pschitt... ont arrêté net cette activité. L'auteur tente de donner des perspect

                                                    (Photo: Roger Hémon)             

« L’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire » faisait dire à son président le « nègre » Henri Guaino. Cela se discute… Et cela a été effectivement pas mal palabré de Dakar à Brazzaville par des hommes  et des femmes qui, non vraiment, ne se sentaient pas à la porte de l’Histoire.

Mais de quelle histoire parle t-on ? De celle des Occidentaux qui ont longtemps cru que le soleil tournait autour d’eux ou de celle des Africains qui imaginaient que le soleil puisait sa force dans les étoiles pour chasser les nuages ?  Histoire des croyances ou de l’imagination ?

Alors que les chevaliers Normands partaient à la reconquête de Jérusalem, des « petits hommes rouges » venus du Sud, les Tellem, s’installèrent sur les à-pics de l’interminable falaise de Bandiagara, édifiant des villages et des nécropoles troglodytes perchés au dessus du vide.

                                                  (photo Roger Hémon)

Trois ou quatre siècles plus tard, les Dogons, fuyant l’islamisation forcée, chassèrent les Tellem qui furent assimilés ou s’en retournèrent dans le Sud. Les  anciennes maisons perchées des Tellem devinrent alors les nouvelles nécropoles des Dogons, quitte parfois à hisser les morts à l’aide de cordes ! La roue tourne… Certains prétendent que les Hogons (chefs religieux) connaissent les secrets des planètes et des étoiles. On dit même qu’ils devinèrent, bien avant nos astronomes, que Jupiter avait des satellites !

                                                     (photo Roger Hémon)

C’est à cette même époque, alors que Du Guesclin luttait contre les « perfides  Anglois », que le roi de Djenné se convertit à l’islam et détruisit son palais pour ériger à la place une grande mosquée en terre crue soutenue par cent piliers…

                                                       (Photo: JF Tripard)


Le Mali, l’ancien Soudan Français, est devenu indépendant en 1960. Quinze millions de Bambaras de Bamako, Soninkés de Nioro, Songhaïs de Hombori, Bérabiches de Gao, etc. et, comment l’oublier, Touaregs du pays Azawad vivent aujourd’hui dans cet état, grand comme deux fois la France, aux frontières taillées à la serpe,  hâtivement bricolé par des colonisateurs-décolonisateurs  pressés d’en finir.

Le problème touareg ne date pas du retour précipité des « mercenaires » de Kadhafi après la mort de ce dernier. Ce peuple berbère vivait depuis des siècles du « contrôle » parfois pacifique, souvent forcé, du commerce caravanier. La colonisation puis la décolonisation, la grande sécheresse de 1973-74,  ont sonné le glas de ce fragile « éco-système ». Les communautés Touaregs du Mali n’ont jamais accepté les contraintes frontalières et la domination politique des ethnies du Sud. Les rébellions et les accords de paix, au Nord du fleuve Niger,  se sont succédés ainsi pendant plus de trente ans. Dialogue de sourds et indifférence générale. En France, les amoureux du Sahara, lecteurs de Frison Roche, ont assez naturellement épousé la cause des « Hommes Bleu », des « Seigneurs du Désert » plutôt que celle des bureaucrates de Bamako : romantisme plutôt que raisonnement géopolitique…

                                                   (Photo Fabrice Vincent)

Depuis maintenant près de dix ans, le Mali, traditionnelle terre de trafic (esclaves, or, cigarettes, migrants, et même plumes d’autruche !), est devenu une plaque tournante essentielle du « cocaïne Business », corrompant une large partie des « élites » et des populations démunies, du Sud au Nord ; un terreau bien favorable dans lequel se sont implantés les fanatiques algériens de AQMI (ex GSPC) installés dans le pays Touareg. Déliquescence d’un état et même abandon de l’idée de l’état !


 Le Mali de mars 2012 est pris dans une vaste tempête de sable !

- Des apprentis putschistes en battle-dress défont un gouvernement élu démocratiquement

- Mais ce gouvernement sans vision, sans grand courage, en partie corrompu, a laissé le champ libre aux sicaires d’AQMI parce que, pensait-il, seuls les intérêts occidentaux étaient menacés, parce que c’était trop compliqué, parce que le temps se chargerait de régler les problèmes. Pour ceux-là au moins, Guaino n’avait pas tout à fait tort !

- Des Touaregs, ex-mercenaires d’un tortionnaire mais idéalisés par les Sahariens Français, reviennent avec armes et bagages de Libye et n’hésitent pas à s’allier avec le diable (AQMI ré labélise en Ansar Dine… probable responsable du massacre de Aguelhoc) pour chasser les « noirs ». (Mais les Américains n’ont-ils pas, en leur temps, aidé les djihadistes à se développer pour combattre les Soviétiques ? Au fait l’homme américain est-il assez entré dans l’histoire ?)


Une vaste tempête de sable, donc,  avec une visibilité nulle… Et il n’y a plus de piles dans le GPS ! L’Histoire est en mouvement, elle tourbillonne, espérons qu’elle ne recule pas !

L’Espoir  reste la seule valeur sûre ; l’espoir que l’intelligence, le soucis du bien collectif, le désir de vivre en paix bien présent chez les Maliens, prennent rapidement l’avantage sur le fanatisme et la corruption, l’espoir que l’Histoire reparte en avant :

- Afin de permettre à ces hommes et ces femmes : Soninkés, Bambaras, Songhaïs, Berabiches, Touaregs, etc. de vivre en paix.  

- Afin que nous puissions aller à leur rencontre autrement qu’à Clichy sous Bois

- Afin que nous puissions nous inspirer de ces terres imprégnées d’histoire : Méandres et marigots du fleuve Niger, pays Dogon, Mosquée de Djenné, Tombouctou la mystérieuse, immensités Sahariennes…


                                           (Photo Roger Hémon)