Claude Lévi-Strauss, l'amoureux des peuples qui n'aimait pas les voyages

L'importance philosophique et scientifique de l'anthropologue Claude Lévi-Strauss est considérable. D'Amérique en Orient, cet homme complexe et vaste a consacré sa vie à la défense de la diversité culturelle.

Ce monde, "ce n'est pas un monde que j'aime", déclarait-il en 2005. Il y aura vécu plus de 100 ans.

Ce monde qui est devenu ce qu'il est, l'ethnologue et philosophe Claude Lévi-Strauss l'a parcouru et en a aimé en tout cas, avec force, la richesse humaine et culturelle.

Etait-il un voyageur ? "Je hais les voyages et les explorateurs" écrit-il dans son ouvrage le plus célèbre, Tristes Tropiques (1955), qu'il consacre néanmoins à raconter ses "expéditions", ses rencontres avec, notamment, les indiens Bororos au Brésil.

Alors oui, sans doute, Lévi-Strauss était un voyageur. Un homme qui se déplace. Dès 1935, à 18 ans, il se dirige vers Sao Paulo et vit au Brésil jusqu'en 1939. De retour en France, il doit la fuir après la débacle et passe la plus grande partie de la guerre à New York. Il revient dans son pays, y développe sa carrière scientifique, ses œuvres, sa pensée. Il retournera en Amérique du Sud, plus tardivement se rendra plusieurs fois au Japon et manifestera un intérêt pour l'Orient...

Romantique ?

Sa formation est philosophique, il se tourne vers l'anthropologie : sa vocation sera d'étudier les êtres humains. Il n'adoptera pas pour autant une position existentialiste : son sujet n'est pas tant l'individu que le groupe. Il agit en ethnologue et s'intéresse aux structures des sociétés.

Mais Lévi-Strauss était loin du penseur froid et théorique : on lui reconnaît une écriture magnifique, l'homme s'indigne et se dresse. Il fustige l'ethnocentrisme occidental, au point qu'on pourra lui reprocher d'adopter une vision romantique des peuples primitifs. Sa politique est résolument écologiste, antiraciste et anticolonialiste. 

Sa philosophie l'oppose aux théories idéalistes de l'histoire : la modernité, considérait-il, n'est pas une fin en soi, la succession des événements est un ensemble de faits contingents d'où est absente toute notion de nécessité.

Proche du marxisme dans sa jeunesse, Lévi-Strauss va ainsi largement s'en détacher. Son évolution l'a-t-elle mené vers une forme de conservatisme ? Le débat est ouvert. Sa pensée se teinterait-elle de scientisme - cette volonté de dégager des lois universelles et exactes dans des domaines appartenant aux sciences humaines ? On l'en accuse parfois.  

Même critiqué, Lévi-Strauss n'en reste pas moins une référence intellectuelle majeure. Pessimiste certainement, il était aussi un Don Quichotte, un affectif, un "homme nu", en quelque sorte.