Election 2022 au Brésil : des "manifestations pacifiques" à l'intervention militaire ?

Election 2022 au Brésil : des "manifestations pacifiques" à l'intervention militaire ? ELECTION BRESIL. Bolsonaro a reconnu sa défaite face à Lula mais a encouragé ses partisans à organiser des "manifestations pacifiques". Dans les rues le calme laisse place aux cris des militants qui exigent une intervention militaire.

[Mis à jour le 2 novembre à 19h08] Le Brésil a-t-il profité du calme avant la tempête ? Alors que depuis l'annonce du résultat de l'élection présidentielle les manifestations des partisans bolsonaristes sont restées mesurées, ce mercredi 2 novembre 2022 le ton a changé. Les bolsonaristes se sont rendus en nombre devant les bases et commandements militaires de Sao Paulo, Brasilia et Rio de Janeiro pour exiger une intervention de l'armée fédérale. Par endroit les journalistes de l'AFP ont entendu des slogans anti-Lula : "Lula, voleur, ta place est en prison". Car c'est bien contre la victoire de l'homme politique de gauche que les manifestants protestent. "Nous demandons une intervention fédérale parce que nous exigeons la liberté. Nous ne pouvons pas accepter d'être gouvernés par un voleur", a expliqué une partisane de Jair Bolsonaro à l'AFP. Comme elle, les bolsonaristes jugent Lula incompétent pour être élu au poste de président du Brésil et surtout ils crient à la fraude électorale, idée insufflée lors de la campagne présidentielle de Bolsonaro et de ses opérations de désinformation.

Ces manifestations de plus en plus bruyantes font renaître les craintes d'un mouvement contestataire au Brésil après l'annonce du résultat de l'élection présidentielle révélé le dimanche 30 octobre. Cette peur s'était apaisée sous le silence de Bolsonaro qui a mis 48 heures avant de s'exprimer et de reconnaître à demi-mot sa défaite contre Lula, le mardi 1er novembre. Durant son discours le président sortant a réitéré ses accusations de fraude mais a indiqué "respecter la Constitution" et "autoriser" la transition avec l'homme politique de gauche à compter du 1er novembre 2022 jusqu'à l'investiture du 1er janvier 2023. Toutefois, l'homme n'a pas félicité Lula pour sa victoire et n'a pas non plus apaisé les craintes d'une vague contestataire. Au contraire, il a précisé que les "manifestations pacifiques seront toujours les bienvenues" pour défendre les idées des bolsonaristes dotés de "plusieurs forces à travers le pays, nos rêves sont toujours plus forts que jamais, nous sommes pour l'ordre et le progrès".

Le résultat de l'élection contesté par des manifestants pro-Bolsonaro

Avant que les manifestations devant les commandements et les quartiers généraux de l'armée Brésiliennes s'organisent ce mercredi 2 novembre, plusieurs autres mobilisations ont lieu partout dans le pays depuis l'annonce du résultat de l'élection présidentielle. Les militants bolsonaristes se sont d'abord fait entendre en bloquant plusieurs axes routiers principaux du Brésil, de nombreux poids lourds rejoints par d'autres conducteurs lambda ont formé des files interminables sur les routes pour empêcher la circulation des biens et des personnes dans ce pays ultra dépendant des axes routiers. Ce mercredi le nombre de barrages était encore conséquent selon le décompte de la police de la route fédérale (PRF) : 167 manifestations contre 271 enregistrées la veille note l'AFP.

Plusieurs manifestations piétonnes se sont aussi organisées partout dans le pays sans coordination particulière. Les rassemblements restent toutefois de petite taille réunissant 50 à 100 personnes selon Joao Alencar, correspondant pour BFMTV à Sao Paulo. Pour le moment ces mobilisations restent passives mais l'insatisfaction des militants bolsonaristes qui, comme le président sortant, crient à l'injustice et à la fraude électorale ne fait que croitre.

La transition possible sans contestation du résultat de l'élection au Brésil ?

Ce n'est pas Jair Bolsonaro mais l'un de ses ministres qui a, mardi 1er novembre, assuré que la transition avec Lula était "autorisée" et se ferait sans encombre. La nouvelle doit satisfaire le camp de Lula et le futur président du Brésil qui quelques heures après sa victoire a appelé Bolsonaro à se plier au verdict plutôt que de s'élever en obstacle à sa victoire et à son arrivée au pouvoir : "J'ai besoin de savoir si le président que nous avons battu permettra qu'une transition ait lieu", a déclaré Lula après l'annonce des résultats. La transition a théoriquement déjà commencé. Lula a mandaté une équipe de 50 personnes pour intégrer les arcanes du pouvoir et comprendre le fonctionnements des différents organes étatiques en plus de préparer l'arrivée de Lula à la présidence.

La transition devrait bien se dérouler en coulisses avec l'autorisation de Bolsonaro mais aussi grâce à la présence de politiques issus du centre droit qui ont, dans les heures suivant l'annonce des résultats, reconnu la victoire de Lula. Reste que pendant la transition et une fois au pouvoir, Lula sera confronté à la mouvance bolsonariste encore très présente au Brésil. 

La contestation du résultat de l'élection au Brésil encore possible pour Bolsonaro ?

La contestation du résultat de l'élection présidentielle au Brésil n'est a priori plus dans les projets de Jair Bolsonaro. Le président sortant a à demi-mot reconnu sa défaite tout en accusant le système électoral brésilien d'avoir favorisé Lula grâce à d'hypothétiques fraudes permises par les unes électroniques. Ces accusations infondées sont répétées par l'homme politique depuis plus d'un an et prises au sérieux par ses partisans. En ayant concédé sa défaite et assuré de suivre les règles dictées par la Constitution brésilienne, Bolsonaro s'est fermé la porte d'une possible contestation en revanche il n'a pas éteint les braises qui fument parmi ses militants. En appelant aux manifestations, le président sortant laisse la voie ouverte à des possibles débordements.

Bolsonaro a lancé cet appel en connaissance de cause alors que les militants de la mouvance d'extrême droite disent depuis septembre être capables d'envahir les rues pour maintenir le président sortant et défait au pouvoir. C'est d'ailleurs ce que certains font en gardant une attitude pacifique mais l'agressivité et la radicalité d'autres partisans font encore craindre la formation d'émeutes même si le risque semble amoindri. Les tensions sont donc loin d'être terminées au Brésil.