Rébellion de Wagner en Russie : que vont devenir la milice et son chef Evguéni Prigojine ?

Rébellion de Wagner en Russie : que vont devenir la milice et son chef Evguéni Prigojine ? Trois jours après la rébellion avortée du groupe paramilitaire Wagner contre Moscou, Vladimir Poutine a imaginé trois options concernant l'avenir des mercenaires, loin de la milice. Tandis qu'Evguéni Prigojine se fait encore discret.

[Mis à jour le 27 juin 2023 à 16h12] La rébellion menée contre Moscou le temps d'une journée a-t-elle signé la fin du groupe Wagner ? Le devenir des membres de la milice russe dirigée par Evguéni Prigojine est encore incertain, malgré les prises de parole de Vladimir Poutine. Le président russe a proposé différentes options aux mercenaires notamment celle de rejoindre l'armée russe régulière ou celle de s'exiler en Biélorussie.

Dans un cas comme dans l'autre, le Kremlin a confirmé le mardi 27 juin l'abandon des poursuites pour "appel à la mutinerie armée" contre les combattants de Wagner qui sont "également des patriotes russes, dévoués à leur peuple et à l'État", selon les mots de Vladimir Poutine. Un discours qui a interloqué, mais réitéré par le chef de Kremlin qui a "remercié" et assuré de son respect les mercenaires Wagner. N'en reste pas moins que pour éteindre toutes les braises pouvant donner naissance à une nouvelle mutinerie, le chef du Kremlin a affirmé que tous les "chantages [et] tentatives de déstabilisation sont voués à l'échec". 

Mais ces paroles et ce pardon sont-ils valables pour le chef de la milice russe, Evguéni Prigojine ? L'homme et ancien proche de Vladimir Poutine a lui-même interrompu la rébellion 24 heures après l'avoir instiguée. Depuis le 24 juin et le repli de ses troupes, le patron de Wagner censé se rendre en Biélorusse est introuvable. Sans trahir sa localisation, il s'est exprimé dans la soirée du lundi 26 juin et a affirmé que la mutinerie ne visait pas à renverser le pouvoir, mais à sauver l'organisation Wagner d'une absorption par le ministère de la Défense. Le ministère a d'ailleurs été vivement critiqué par Prigojine qui a dénoncé des "actions non professionnelles [ayant] commis un nombre considérable d'erreur au cours de l'opération militaire spéciale" en Ukraine. L'homme se trouverait bien en Biélorussie d'après les déclarations du président de l'Etat, Alexandre Loukachenko, le mardi 27 juin.

Dissous, absorbé par l'armée... Quel avenir pour le groupe Wagner ?

Si Vladimir Poutine a donné l'impression de passer l'éponge sur la rébellion menée par le groupe Wagner, il ne semble pas envisager le maintien du groupe paramilitaire. Dans un discours prononcé le lundi 26 juin, le président russe a offert trois possibilités aux mercenaires ayant déposé les armes et renoncé à la mutinerie : rejoindre les rangs de l'armée russe, déposer les armes et rentrer chez eux ou s'exiler en Biélorussie.

La proposition de rejoindre l'armée russe ne devrait pas être populaire auprès des mercenaires. "La plupart [des combattants de Wagner] refuseront de signer le contrat avec le ministère de la Défense", a estimé Marat Gabidullin, un ancien membre de la milice au micro de BFMTV. Mais ils ne semblent pas nombreux non plus à avoir pris la route de la Biélorussie pour l'heure. Le pays est pourtant prêt à les accueillir selon le président Loukachenko : "Si leurs commandants viennent chez nous et nous aident... (C'est de) l'expérience. Ils sont en première ligne, ce sont des unités d'assaut. Ils nous expliqueront ce qui compte à l'heure actuelle". Alors les mercenaires vont-ils se plier aux options énoncées par le Kremlin ? Le lundi 26 juin, le siège de Wagner assurait fonctionnait "normalement".

En tant que bras armé de la Russie, le groupe Wagner avait plusieurs opération en cours avant d'organiser la rébellion, notamment en Afrique et au Moyen-Orient. L'avenir de ses opérations, pourtant stratégiques pour la milice et pour le Kremlin, pourrait être mis à mal par un démantèlement du groupe paramilitaire. Des mesures particulières vont-elles être prises pour ces opérations ? L'armée prendra-t-elle le relai ? Rien n'est encore tranché.

Evguéni Prigojine toujours à la tête de Wagner ? Un accord avec Vladimir Poutine ?

Qualifié de "traitre", Evguéni Prigojine n'est plus dans le bonnes grâces de Vladimir Poutine. Pourtant le patron du groupe Wagner a longtemps été un proche de maître du Kremlin décrit comme celui qui s'occupait de ce que la Russie ne pouvait faire officiellement. Un accord aurait été conclu entre le deux hommes et avec la médiation du président biélorusse Alexandre Loukachenko pour interrompre la rébellion Wagner. Selon les termes supposés de cet accord, le Kremlin aurait promis d'abandonner les charges contre Prigojine à condition que ce dernier s'exile à Minsk.

Evguéni Prigojine ne semble de fait pas le bienvenu en Russie. Mais il est difficile d'imaginer une quelconque collaboration entre le patron de Wagner et le gouvernement russe désormais. L'homme pourrait être dans le viseur du Kremlin, d'où la discrétion du chef de la milice sur ses déplacements et sa localisation depuis la fin de la rébellion.

Pourquoi Prigojine a organisé la rébellion Wagner contre Moscou ?

Une rébellion oui, mais une tentative de putsch jamais. Deux jours après la rébellion avortée contre Moscou, le patron de Wagner, Evguéni Prigojine, a précisé ses motivations dans un message audio diffusé sur une boucle Telegram, le 26 juin 2023. Dans des propos relayés par l'AFP, ce dernier a affirmé qu'il voulait d'abord sauver son organisation, non s'emparer du pouvoir. "Le but de la marche était de ne pas permettre la destruction du groupe Wagner et tenir pour responsable ceux qui par leurs actions non professionnelles ont commis un nombre considérable d'erreur au cours de l'opération militaire spéciale" en Ukraine. Selon lui, la marche de ses hommes vers Moscou a "mis en lumière de graves problèmes de sécurité dans le pays", ceux-ci ayant pu s'emparer sans grande résistance du QG de l'armée à Rostov-sur-le-Don et de plusieurs autres sites militaires, couvrant 780 kilomètres avant de s'arrêter "à peine à plus de 200 km de Moscou".

Ce serait donc contre le ministère de la Défense et le chef d'Etat-major des armées qu'Evguéni Prigojine et ses hommes se seraient rebellés. Les trois responsables militaires se vouent une haine mutuelle et dénonce les agissements les uns des autres depuis de nombreuses années. Mais récemment, la milice Wagner risquait d'être absorbée par le ministère de Sergueï Choïgou. Une possibilité à laquelle Evguéni Prigojine refuse de se résoudre.

La rébellion de Wagner anticipée et soutenue ?

Si c'est le manque de soutien et la volonté de ne pas "verser de sang russe" qui ont poussé Evguéni Prigojine à mettre un terme à la rébellion, il aurait initialement préparé la mutinerie avec soin d'après les journalistes russes Alexandra Jousset et Ksenia Bolshakova sur BFMTV. Le chef de Wagner aurait compté sur de soutiens dans les hautes sphères politiques qui auraient pu l'aider à mettre en place la rébellion et auraient pu lui permettre d'aller jusqu'au bout. "Il avait des soutiens au plus haut niveau, jusqu'à l'administration présidentielle, [...] au sein du ministère de la Défense, [...] dans la frange ultradroite politique russe, il avait un soutien populaire" également. Mais eu dernier moment, ces alliés ne se sont pas manifestés.

Possiblement aidés par ces soutiens hauts placés, le chef du groupe Wagner aurait "préparé" la tentative du putsch en organisant une attaque sur son propre camp et en jetant la faute sur le ministère de la Défense, à en croire les deux journalistes. Les spécialistes indiquent par ailleurs que le Kremlin était au courant de la rébellion 24 heures avant la mise en place de la mutinerie. Prévenu, Vladimir Poutine aurait empêché d'une manière ou d'une autre les soutiens d'Evgueni Prigojine d'agir.