Famine à Gaza : quels sont les critères officiels pour la mesurer et la déclarer ?

Famine à Gaza : quels sont les critères officiels pour la mesurer et la déclarer ? L'ONU a officiellement déclaré ce vendredi la famine dans une partie de la bande de Gaza. Cet état d'insécurité alimentaire répond à des critères précis.

Le couperet est tombé. L'ONU a officiellement déclaré la famine dans une partie de la bande de Gaza, ce vendredi 22 août 2025. Elle concerne le gouvernorat de Gaza et pourrait s'étendre à ceux de Deir Al-Balah et de Khan Younès d'ici à la fin du mois de septembre. Selon les experts du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), 500 000 personnes se trouvent dans un état "catastrophique" dans cette zone, un nombre qui devrait grimper à 641 000, dès le mois prochain.

"C'est une famine que nous aurions pu éviter si on nous l'avait permis. Pourtant, la nourriture s'accumule aux frontières en raison de l'obstruction systématique d'Israël", regrette Tom Fletcher, responsable de la Coordination des affaires humanitaires des Nations unies, ce vendredi.  De son côté, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres déplore une "catastrophe causée par l'homme, une condamnation morale et un échec de l'humanité elle-même (...) nous ne pouvons pas laisser cette situation perdurer en toute impunité", lance-t-il sur le réseau social X (ex-Twitter). Le haut-commissaire des Nations unies aux droits humains, Volker Türk, parle lui de "crime de guerre".

Comment déterminer un état de famine ?

Pour déclarer une famine, le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) - organisme de l'ONU basé à Rome (Italie) - dresse trois critères principaux. Au moins 20 % des ménages doivent être confrontés à un manque extrême de nourriture, au moins 30 % des enfants doivent souffrir de malnutrition aiguë et au moins deux personnes sur 10 000 ou au moins quatre enfants sur 10 000 doivent mourir chaque jour d'inanition pure et simple ou en raison d'une interaction de la malnutrition et de la maladie.

Dans un document officiel, l'IPC précise qu'il appartient aux "autorités gouvernementales et agences des Nations unies, de déclarer une famine", une fois que le groupe de travail technique national de l'IPC a classé une famine. Ce n'est donc pas l'IPC, directement, qui la déclare. En revanche, elle dit jouer un "rôle essentiel dans l'identification des conditions de famine et dans la mise en place de la réponse nécessaire pour sauver des millions de vies". Ses analyses sont basées sur des "preuves collectées par un large éventail de partenaires (comme l'Unicef, ndlr) et sur un consensus technique multipartite". 

Une première dans la région du Moyen-Orient

Pour délivrer ses recommandations, l'IPC se base sur une "échelle d'insécurité alimentaire aiguë", qui sert à orienter les décisions relatives à l'allocation des ressources et à la programmation au niveau mondial et national. La famine est positionnée au plus haut de cette échelle, en phase 5/5. Ici, les ménages manquent énormément de nourriture malgré une "utilisation maximale des stratégies d'adaptation". Des niveaux d'inanition, de décès, de dénuement et de malnutrition aiguë critiques sont évidents. "Pour être classée en phase Famine, une zone doit avoir des niveaux de malnutrition aiguë et de mortalité extrêmement critiques", confirme l'IPC.

Avant Gaza, la phase 5/5 sur l'échelle de l'IPC n'avait été atteinte qu'à trois reprises depuis sa création en 2004. En Somalie en 2011, puis au Soudan en 2017 et 2024. Le phénomène de famine est souvent lié à quatre causes principales, parfois entremêlées : un conflit, des risques naturels, un déclin économique ou une réponse humanitaire inadaptée. Une constante qui se vérifie avec la partie de la bande de Gaza concernée. Dans son rapport, l'IPC ajoute que "le nombre de personnes en situation d'urgence (phase 4/5, ndlr), devrait passer à 1,14 million", d'ici à fin septembre. C'est "la première fois qu'une famine est officiellement confirmée dans la région du Moyen-Orient", précise le document. L'institution préfère ne pas se prononcer sur le nord de l'enclave, par manque de données. 

"Il n'y a pas de famine à Gaza", estime Israël

Côté israélien, la reconnaissance de l'état de famine dans une partie de l'enclave palestinienne est fondée "sur les mensonges du Hamas blanchis par des organisations ayant des intérêts particuliers", indique ce vendredi le ministre des Affaires étrangères de l'Etat hébreu, Gideon Sa'ar. "Il n'y a pas de famine à Gaza" et le rapport de l'IPC est "fabriqué sur mesure". "Chaque prévision faite par l'IPC sur Gaza pendant la guerre s'est révélée infondée et totalement fausse (...) Cette évaluation sera jetée à la poubelle des documents politiques méprisables", assure-t-il. 

L'IPC a justement été accusée par Israël d'avoir abaissé ses seuils en vigueur pour déterminer l'état de famine dans la bande de Gaza. Selon les informations de la BBC, l'institution a réfuté ses accusations. Elle indique que le seuil de 30 % est utilisé lors d'une évaluation basée sur le poids et la taille (des enfants), mais que cette mesure n'est pas disponible à Gaza pour le moment. "En son absence, une mesure distincte, la circonférence des bras des enfants, est utilisée ; le seuil de famine est atteint lorsque 15 % des enfants ont des bras inférieurs à une certaine taille", explique le média britannique.

L'IPC affirme que cette norme est en vigueur depuis plus de dix ans et qu'elle a récemment été utilisée pour évaluer la famine au Soudan. De plus, la circonférence des bras "ne représente pas un seuil abaissé dans la méthodologie de l'IPC. Au contraire, elle démontre l'application continue des normes établies de l'IPC", apprend-on.