Emmanuel Macron candidat : quelles conséquences pour Alain Juppé ou François Hollande ?

Emmanuel Macron candidat : quelles conséquences pour Alain Juppé ou François Hollande ? MACRON CANDIDAT - Lors d'une conférence de presse à Bobigny, Emmanuel Macron a déclaré mercredi matin qu'il était candidat à l'élection présidentielle.

[Mis à jour le 16 novembre 2016 à 11h52] "C'est une étape importante que nous allons franchir et que depuis plusieurs mois nous préparons", a commencé par déclarer Emmanuel Macron lors d'une conférence de presse sur le Campus des métiers et de l'entreprise de Bobigny, en Seine-Saint-Denis. L'objet de ce rendez-vous ne faisait aucun doute. "Je suis candidat à la présidence de la République", a finalement lâché l'ancien ministre après dix minutes de discours. "Dans quelques mois à l'occasion de l’élection présidentielle, une opportunité nous est offerte, celle de refuser enfin le statut quo. La responsabilité du président de la République est immense, j'en suis pleinement conscient. Il porte les valeurs de notre pays, la continuité de son histoire et de manière cachée la vigueur et la dignité d'une vie publique. Je sais cela, j'y suis prêt", a-t-il expliqué.

"Je suis convaincu que les uns et les autres ont tort : ce sont leurs modèles, leurs recettes qui ont simplement échoué", a-t-il également dit. "Je veux porter l'optimisme de la volonté", a déclaré Emmanuel Macron, expliquant avoir préparé avec son mouvement En marche ! une "révolution démocratique". "J'ai vu de l'intérieur la vacuité de notre système politique", a-t-il affirmé, assurant que cette conclusion a "renforcé sa détermination"."L'enjeu n'est pas pour moi aujourd’hui de rassembler la gauche, l'enjeu pour moi aujourd'hui n'est pas de rassembler la droite, l'enjeu est de rassembler les Français", a-t-il conclu, répondant ainsi aux inquiétudes qu'a pu susciter sa déclaration de candidature. 

EN VIDEO - "Je suis candidat à la présidence de la République"

"Macron : "Je suis candidat à la présidence de la République""

Le lieu choisi pour cette conférence de presse n'est pas anodin : en invitant la presse dans un quartier difficile, Emmanuel Macron espère séduire l'électorat qui lui manque. Son pupitre était d'ailleurs installé au beau milieu d'un atelier automobile. Mais ce n'est pas l'image qui restera : le désormais candidat a préféré s'exprimer devant un traditionnel fond bleu, seule partie du hangar visible à l'écran durant sa prise de parole.

Un déplacement à Marseille pour le candidat Macron

Après sa conférence de presse, Emmanuel Macron doit rejoindre ses soutiens, d'après Le Monde, pour un déjeuner officiellement prévu pour inaugurer leur nouveau QG, dans le 15e arrondissement de Paris. Puis, pas le temps de souffler, Emmanuel Macron sera l'invité du 20h de France 2 mercredi soir.  Le lendemain, il se rendra dans le sud-est pour deux jours - les rumeurs disent qu'il envisage de se présenter aux élections législatives dans une des circonscriptions de Marseille. Le programme sera là encore chargé. Emmanuel Macron commencera par visiter un IUT de chimie dans le 13e arrondissement dirigé par le sénateur FN Stéphane Ravier avant de donner un meeting aux Pennes-Mirabeau. Le lendemain, il devrait commencer son travail pour recueillir les 500 signatures nécessaires pour la présidentielle en rencontrant des élus de petites communes du Vaucluse et des Bouches-du-Rhône.

Macron, un danger pour Juppé ?

La décision d'Emmanuel Macron ne semble pas précipitée, elle est même le fruit d'une réflexion assez aboutie et assez sensée. "Macron candidat, certains électeurs pro-Juppé pourraient rester chez eux et favoriser une victoire de Sarkozy, ce qui lui ouvrirait un boulevard au centre", explique un parlementaire proche de l'ancien ministre au Monde. En se déclarant avant le scrutin des primaires, l'ancien patron de Bercy compte donc faire changer d'avis une partie de l'électorat de centre droit et les sympathisants de gauche, les convaincre de s'enthousiasmer pour lui plutôt que de se résoudre avec le maire de Bordeaux.

EN VIDEO - En annonçant sa candidature, Macron sème la pagaille dans la primaire de la droite

"Présidentielle 2017 : en annonçant sa candidature, Macron sème la pagaille dans la primaire..."

S'il compte faire perdre Alain Juppé, quid d'une candidature de François Hollande ? Par ricochet, une victoire de Nicolas Sarkozy à la primaire de la droite pourrait offrir une fenêtre de tir inespéré au chef de l'Etat, qui revêtirait à nouveau son costume de candidat, s'il se montre à nouveau capable de mobiliser la gauche contre son prédécesseur à l'Elysée. Hollande renforcé par une candidature Macron ? Cela sonne bien étrangement et cela amuserait sans doute les deux intéressés, mais l'hypothèse ne fait pas vraiment sourire Manuel Valls et son entourage.

Macron roulerait pour Hollande

Il y a quelques semaines, le Canard Enchaîné relayait les inquiétudes du Premier ministre et de ses proches, qui imaginaient un scénario catastrophe aboutissant à leur éviction du pouvoir : "Macron va se maintenir dans la course présidentielle jusqu'en janvier, pour 'coincer Bayrou'. Mais une fois Hollande vainqueur de la primaire socialiste, Macron se retirera pour ne pas éliminer la gauche du second tour".

Il paraît bien plus probable qu'Emmanuel Macron mise sur la défection de François Hollande. L'ancien conseiller du chef de l'Etat le sait bien : face à des sondages le donnant derrière lui au premier tour de la présidentielle, François Hollande ne prendra sans doute pas le risque de se lancer à son tour. Emmanuel Macron n'aurait en tout cas pas prévenu le chef de l'Etat de sa décision de se présenter officiellement ce mercredi, d'après un journaliste du Huffington Post. Les deux hommes devraient se parler "très prochainement".

Si Emmanuel Macron a décidé de se lancer plus tôt qu'il le souhaitait originellement, c'est aussi pour des raisons très pragmatiques. Pour mener une campagne efficace, il aura en effet bien besoin de financement. Son annonce de candidature pourrait pousser certains à apporter une aide financière à celui qui a déjà commencé à organiser des levées de fonds.

Emmanuel Macron, "candidat plexiglas"

A droite comme à gauche, les réactions se sont succédé, avant même la déclaration d'Emmanuel Macron. Alain Juppé, qui est l'un de ceux qui a le plus à perdre, s'est attaqué au bilan de l'ancien ministre. Il "a totalement cautionné la politique économique menée depuis 2012, à commencer par la hausse massive des impôts", a dit le maire de Bordeaux ce mercredi aux Echos, affirmant qu'il "ne faut pas être naïf". "Il faut se méfier des gens qui font le contraire de ce qu'ils disent et disent le contraire de ce qu'ils font", a encore martelé le favori des sondages de la primaire de la droite.

En meeting à Nice mardi, Nicolas Sarkozy a également tapé sur Emmanuel Macron : "la vie m'a appris qu'on n'est jamais assez expérimenté, mais qu'en période de grand danger, on ne peut pas se payer le luxe de l'inexpérience et de la naïveté ", a-t-il dit visant celui qui n'a jusqu'à présent jamais été élu. François Fillon, invité ce mercredi matin sur RTL, a osé une petite blague : "Ce n'est pas une surprise, je n'ai jamais pensé qu'Emmanuel Macron marchait pour le Téléthon".

"Pour l'instant, c'est un peu le candidat plexiglas. On voit au travers. Donc on attend de voir s'il va y avoir un contenu parce que ça ne peut pas être que la nouveauté pour la nouveauté", a quant à elle confié Marine Le Pen au micro de BFMTV.

Du côté du PS, on redoute l'arrivée d'Emmanuel Macron sur la liste des candidats à la présidentielle. "C'est très embêtant. [...] Si on se morcelle je vous donne le résultat", affirme ainsi le patron du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis. Ce dernier a déjà menacé ceux qui voudraient rejoindre le mouvement En marche ! d'exclusion du PS. "C'est la multiplication des candidatures, de Macron à Mélenchon, en dehors de toute primaire, qui crée aujourd'hui un risque majeur de voir la droite ou l'extrême droite arriver au pouvoir en 2017", a ajouté au micro de France 2 le député frondeur Christian Paul.

François Hollande n'a bien évidemment pas réagi à l'annonce de la candidature d'Emmanuel Macron. A part peut-être avec une petite phrase passée inaperçue ? "Si la gauche n'est pas rassemblée, elle ne pourra pas être au rendez-vous", a-t-il dit mardi soir à RFI, France 24 et TV5 Monde en marge de la COP22  Marrakech.