UMDF : "Il y a beaucoup de paranoïa", le président s'explique sur son parti

UMDF : "Il y a beaucoup de paranoïa", le président s'explique sur son parti L'Union des démocrates musulmans français, qui entend à la fois défendre les musulmans mais également représenter le plus grand nombre, est régulièrement taxé de communautarisme. Son fondateur Nagib Azergui s'explique.

L'UDMF, l'Union des démocrates musulmans français, est présidée par son fondateur, Nagib Azergui. Ce mouvement est né en 2012, après les élections présidentielles. L'envie de se lancer en politique et de fonder ce parti et née avec ce constat, énoncé sur le site officiel : "après la victoire de François Hollande, le nouveau gouvernement socialiste a échoué à lutter contre la politique identitaire menée depuis plusieurs décennies dans l'Hexagone. (...) Donner une voix à une partie de la population qui ne se retrouve pas dans les partis traditionnels, tel est l'objectif recherché".

Mais si Nagib Azergui entend représenter tous les Français qui se retrouvent dans les convictions de l'UDMF, le parti est régulièrement accusé de communautarisme par la droite, au point d'avoir vu naître, tout récemment, une proposition de loi, annoncée par le sénateur LR Bruno Retailleau, pour interdire les listes communautaires. Reste que rien, dans l'action de l'UDMF, ne tombe sous le coup de la loi. L'UDMF a d'ailleurs été présente lors des européennes de 2019, réalisant un score national certes anecdotique (0,13%), mais enregistrant aussi quelques véritables percées : 17% dans le quartier de Val-Fourré à Mantes-La-Jolie ou encore 7 % à Garges-lès-Gonesse, deux villes situées en banlieue parisienne. Nagib Azergui a accepté de répondre aux questions de Linternaute.com.

Vous présentez une cinquantaine de listes pour les municipales. Quel est le processus d'investiture à l'UDMF ?

Dans un premier temps, on a des délégués dans les endroits où on est implantés. Ils sont en charge de réunir leurs équipes. Ensuite, il y a un appel au bénévolat, il faut rencontrer les gens, il faut leur expliquer le projet… Il y a plein de critères. C'est le délégué qui décide si la personne peut intégrer l'UDMF et si elle peut l'intégrer ne tant que candidat, sachant qu'il va falloir un investissement personnel et parfois même financier. 

Est-il possible d'intégrer l'UDMF pour les non-musulmans ?

Nous ne sommes pas un parti confessionnel, donc on ne va pas demander aux personnes si elles sont musulmanes ou pas. Cela permet de ne pas être dans l'entre-soi et de parler et toucher tout le monde. Il y a des personnes qui ne comprennent pas cette démarche et qui voient en l'UDMF un mouvement confessionnel. C'est à nous de leur expliquer que l'on fait signer à toute personne qui nous rejoint une charte qui définit les critères : on est un parti laïc, nous ne sommes pas compétents pour parler la religion et on est clairement pas là pour faire la promotion de l'islam. Il y a déjà eu des manquements qui ont été sanctionnés, ainsi que des gens qui sont partis d'eux-mêmes.

"Les musulmans en France ont bien plus à offrir à leur pays qu'une islamisation de la société."

L'UDMF fait beaucoup parler, surtout à droite...

Ces dernières semaines j'ai entendu des choses complètement dingues. Il y a des gens qui disent que si on accédait aux commandes un jour, l'UDMF compterait détourner la loi. Cela sous-entend que l'on s'adresse uniquement aux musulmans et que les musulmans ont des problématiques qui sont différentes du reste de la société. Il y a beaucoup de paranoïa. Les musulmans en France ont bien plus à offrir à leur pays qu'une islamisation de la société.

On vous reproche notamment de combattre la loi de 2004 interdisant le port du voile à l'école. Que répondez-vous à cela ?

On a jamais dit qu'on voulait revenir sur la loi d'interdiction du port du voile à l'école. Ce que je veux dire simplement c'est que si j'avais pu voter, j'aurais voté contre cette loi car cela a amené un débat extrêmement malsain dans la société et qui est sans fin. Tout ne passe pas par l'école de la République. Si on dit à des lycéennes qui portent le voile "Tu l'enlèves ou sinon tu vas dans des écoles confessionnelle", on oblige les personnes à se communautariser. Moi je me place dans le débat parce que si demain on avait la possibilité d'abroger cette loi, les Français ne seraient pas prêts. Ils ont été tellement matraqués ces derniers temps qu'ils sont tous favorables à cette loi-là. Je pense qu'il faut un vrai débat pour montrer que c'est incohérent par rapport à nos principes républicains.

Dans quelle mesure votre parti peut-il concerner un non-musulman ?

La France a été secouée par une vraie crise sociale, les gilet jaunes notamment, qui ont montré qu'il y avait de vraies problématiques qui concernaient tous les Français. Le problème, c'est qu'on s'est assis sur leurs revendications et le débat a été islamisé dans un seul but, éviter qu'on puisse parler des vrais problèmes auxquels l'ensemble des Français, musulmans ou pas, sont confrontés. Là par exemple, au lieu de travailler sur les effectifs dans les écoles, on nous parle des mamans qui portent le voile, c'est une farce. On dit aux Français : "Vous avez des problèmes sur ceci et sur cela… mais il y a encore plus grave, il y a cette menace islamiste". Cette une stratégie pour que les Français vivent dans la peur et évitent de voir le manque de compétence et de propositions qui sont apportées par les acteurs politiques. Notre parti apporte des réponses claires à cette problématique. La dédiabolisation du Rassemblement national montre que le racisme de l'antisémitisme incarné par Jean-Marie Le Pen est passé à un racisme beaucoup plus acceptable aujourd'hui qui est celui de la haine des musulmans. Cela doit concerner l'ensemble du peuple de France et non pas exclusivement les musulmans qui en sont les victimes. C'est une entorse aux principes républicains. Aujourd'hui, on peut cracher sur les musulmans, les humilier, faire des lois d'exception qui visent uniquement cette communauté, le tout sans être inquiété.

"Jean-Luc Mélenchon s'est radicalisé en opérant une stratégie pour flatter la classe ouvrière."

Vous n'êtes pas annoncé comme participant à la manifestation de dimanche contre l'islamophobie, pourquoi ?

Nous n'avons pas été conviés. Quand je vois les personnalités politiques annoncées, je me dis que les organisateurs ne sont pas très objectifs et pas très lucides. Convier Jean-Luc Mélenchon alors qu'il prétend qu'il n'est pas totalement d'accord sur l'appellation "islamophobie"... Et quand je vois que des personnes qui assurent qu'en France, on peut dire qu'on est islamophobe et qui vont marcher dimanche, je trouve que cela pose un problème de positionnement. Personnellement, j'aurais pu venir défiler. L'appel reprend pleinement notre analyse sur la situation des musulmans en France.

Vous vous revendiquez comme un parti de gauche, mais vous êtes également très critique envers la gauche...

La France insoumise, le Parti communiste et le Parti radical sont des partis qui ont instrumentalisé tout un pan de la communauté musulmane. Il y a un clientélisme de la part de ces partis, dans certaines communes, qui est incroyable. C'est un jeu qui est extrêmement dangereux. Avant, j'appréciais beaucoup Jean-Luc Mélenchon, qui est intelligent. Mais ces dernières années, il s'est radicalisé en opérant une stratégie pour flatter la classe ouvrière, afin de faire en sorte que les ouvriers qui votent désormais pour Marine Le Pen reviennent vers lui.