INTERVIEW. Aurélien Pradié (LR) : "Il nous faut un président qui ait beaucoup d'énergie, qui sache rassembler"

INTERVIEW. Aurélien Pradié (LR) : "Il nous faut un président qui ait beaucoup d'énergie, qui sache rassembler" Le député du Lot Aurélien Pradié s'impose peu à peu comme une figure incontournable des Républicains, incarnant une nouvelle génération en quête de nouveau souffle. Sa candidature pour la présidence du parti fait peu de doutes.

L'été débute dans un contexte politique pour le moins inédit. Alors que l'opposition la plus frontale au gouvernement - mais aussi la plus audible - est incarnée par la Nupes et par le Rassemblement national, le parti Les Républicains conserve un poids politique majeur : majoritaire au Sénat, il est aussi suffisamment constitué à l'Assemblée nationale pour s'imposer comme incontournable pour la majorité présidentielle, qui a besoin de la droite de gouvernement pour faire passer ses réformes, quitte à les négocier une à une. Mais LR n'a pourtant jamais été aussi affaibli et le risque de sa disparition est réel, au moment où la recomposition du champ politique consacre, dans les urnes, un tripartisme macronisme / gauche / droite nationaliste.

LR est à un carrefour de son histoire politique : comment exister entre Renaissance et le Rassemblement national ? Quelle stratégie adopter pour 2027 ? Comment se faire entendre durant le quinquennat ? Quelle place pour la jeune génération ? Aurélien Pradié, réélu député de la 1ere circonscription du Lot après avoir reçu la distinction de "député de l'année" par Le Trombinoscope, a répondu à nos questions. Considéré comme une figure montante de la nouvelle génération, il plaide pour que l'aile sociale occupe davantage d'espace à droite. S'il hésite encore à se présenter à la présidence du parti, sa détermination est manifeste... Pour Linternaute, il est revenu sur le besoin de rassemblement d'une droite de gouvernement en pleine métamorphose.

Linternaute.com - Le gouvernement a voulu se tourner vers la droite incarnée par LR pour sceller des alliances. Or, vous vous êtes montré clair sur l'impossibilité de servir d'allié pratique à Emmanuel Macron. Raisonner au "cas par cas", n'est-ce pas risquer de déclencher des blocages ? Avez-vous conscience de la menace d'une dissolution de l'Assemblée ?

Aurélien Pradié - La dissolution, c'est du fantasme d'expert. Il n'y aura pas de dissolution ! Personnellement, mon sujet de préoccupation, et celui de toute la droite républicaine, c'est de défendre les Français. Depuis plusieurs semaines, nous montrons que nous sommes une opposition utile. Sur la déconjugalisation de l'Allocation adulte handicapé, on a réussi à tendre le bras au gouvernement. Sur le prix du carburant, on a obtenu gain de cause. Sur la défiscalisation des heures supplémentaires ou la numérisation et la transformation en salaire des RTT, on a imposé notre point de vue. C'est tout ce qui compte : les Français mesurent que les députés qui leur sont le plus utile aujourd'hui c'est les députés combattifs, sérieux, c'est-à-dire nous. On fait avancer les choses sans compromission ; je n'ai à titre personnel aucune vocation à m'allier à Emmanuel Macron mais j'ai vocation en tant que député à lui tendre les bras sur les sujets qui servent l'intérêt général.

"La dissolution, c'est du fantasme d'expert. Il n'y aura pas de dissolution !"

Le RN, qui a réalisé une percée historique durant ces législatives, s'installe confortablement et durablement dans le paysage institutionnel. Ils ont davantage d'élus que vous. Comment réagissez-vous quand vous les voyez prendre autant de place dans les médias et à l'Assemblée à votre détriment ?

Le Rassemblement national et les Insoumis incarnent, chacun à leur manière, une opposition stérile et inutile. Il n'y a pas un seul sujet sur lequel ces députés ont fait avancer les choses ; pas un seul de leurs amendements n'a été adopté. Ils font beaucoup de bruit : certains braillent en cravate, et d'autres en casquette... Mais le résultat est au fond le même. Ils ne font rien pour les Français ; ce n'est que communication politique.

Sur le fond, n'y a-t-il pas de plus en plus de rapprochements idéologiques entre LR et l'extrême-droite ? Eric Ciotti a dit tout le bien qu'il pense d'Eric Zemmour... Sur le terrain identitaire et sécuritaire, la ligne de LR c'est plus proche du RN que de LREM, non ?

Le baiser avec le Rassemblement National, c'est le baiser de la mort. On disparaîtra à la minute où on s'avancera vers eux ; je n'ai rien à voir avec eux, j'ai de grandes différences idéologiques avec eux, que j'assume pleinement. Je ne m'appelle ni Eric Ciotti, ni Eric Zemmour. Mais ce que je peux dire c'est que les élus Rassemblement national n'apportent rien aux Français, ce sont uniquement des agitateurs. Ils ont beau paraître un peu plus respectables depuis quelques temps, ça reste les même agitateurs sans fondement idéologique. Ni RN ni Macron, c'est comme ça que l'on doit tracer notre chemin.

Les forces de gauche ont beaucoup évolué, la ligne sociale démocrate s'est marginalisée derrière la ligne Mélenchon, plus radicale. Aujourd'hui, la droite semble renvoyer "dos à dos " la gauche radicale et l'extrême droite. A vos yeux, LFI est-elle aussi dangereuse que le RN ?

"J'assume de dire que les Insoumis ont tué la gauche républicaine."

Les socialistes ont perdu leur âme dans cette alliance contre-nature avec Jean-Luc Mélenchon. Ils ont perdu l'âme républicaine ; les Insoumis ne sont pas des républicains puisqu'ils contestent jusqu'à l'organisation de la République. Leur agitation, leur violence dans l'attitude politique relèvent d'une volonté de renverser notre modèle institutionnel. Lorsque je les entends remettre en cause les grands principes de la République comme la laïcité, je m'interroge sur leur intégration dans la République. J'assume de dire que les Insoumis ont tué la gauche républicaine. Nous la droite, nous avons un espace tant que nous parvenons à imposer notre ADN républicain et à parler à tous les Français. Or aujourd'hui, la droite française ne parle plus à personne. Il nous faut renouer le dialogue avec les personnes modestes, les chefs d'entreprise, les jeunes. Il faut que nous parlions des grands enjeux environnementaux, d'ascenseur social... De tous ces sujets que nous avons un temps oubliés.

"Si on ne redevient pas une droite populaire, alors on disparaîtra."

Vous vous êtes souvent engagé sur des thématiques sociales comme la pauvreté, le handicap, les violences faites aux femmes. Appartenez-vous à l'aile sociale du parti ?

Cette aile sociale existe plus que jamais à l'heure où les Français ont besoin de justice. Etre justes cela veut dire être durs avec ceux qui ne respectent pas les règles, mais aussi d'être capables de protéger nos concitoyens. La droite française ne doit pas être qu'une punition, elle doit être une protection. Lorsqu'on travaille sur ces thématiques comme le handicap et les violences conjugales, on montre que la droite sait être juste. C'est un défi majeur ; si on ne redevient pas une droite populaire, alors on disparaîtra. Moi je ne crois pas à la droite de la cabine téléphonique de l'entre-soi ; d'ailleurs on a vu électoralement que ça ne représentait pas grand chose. La droite n'a de sens que si elle a vocation à rassembler. C'est un défi qu'avec quelques-uns, je me suis donné.

Est-ce que vous pourriez relever le défi en vous présentant lors du congrès d'élection du président de parti se tient en novembre ? Quand allez-vous vous décider ?

J'y réfléchis très sérieusement parce que je pense qu'il y a vraiment besoin de changement à droite. On peut pas être en éternelle répétition avec toujours les mêmes matchs qui se jouent. Ce qui est sûr, c'est que je passerai de la parole aux actes à un moment, pour redonner un nouveau souffle à la droite française. Les adhérents et les militants du parti me connaissent bien ; j'ai été secrétaire national cinq ans, ils voient bien tout le travail que j'ai accompli, mon sérieux ; ils savent que je peux rassembler.

© Alain ROBERT/SIPA
 
Dans cette veine de rassemblement, si vous accédiez au poste de président de parti, quels seraient vos premières actions, vos chantiers prioritaires ?

"C'est le moment de le faire, et ma décision sera prise d'ici la rentrée."

Je ne peux pas vous dire pour le moment. Mais je sais ce qu'il faut éviter. Il ne faut ni un président par procuration, ni par défaut, et surtout pas quelqu'un qui laisse le parti statique. Il faut quelqu'un qui a beaucoup d'énergie, qui est prêt à reconstruire la maison, à organiser un congrès fondateur, à changer de nom, de discours politique, pour ouvrir les portes et les fenêtres. Il faudrait un président qui sache rassembler ; s'il nous conduit à l'implosion, ce sera la mort assurée du parti. Personne ne souhaite cette mort, alors ce que je peux faire moi, c'est rassembler. C'est le moment de le faire, et ma décision sera prise d'ici la rentrée.

"Oui, on a besoin de changement : dans toute famille politique, on a besoin de respirer de temps en temps."

Laurent Wauquiez ne veut pas du poste de président de LR : il entend rassembler plus largement pour sa candidature en 2027. Cette décision personnelle vient affaiblir le parti, quand il admet lui-même que l'espace politique de LR est déjà trop rétréci... N'est-ce pas une décision inquiétante pour l'avenir du parti ?

Cela nécessite de réorganiser intégralement nos dynamiques. Jusqu'ici, on a supposé que le parti politique était une machine servant à porter un candidat à la présidentielle. Je pense qu'aujourd'hui, c'est en train de changer : on se focalise plus sur les intérêts du parti dans son ensemble. Donc je ne pense pas que cette décision de Laurent Wauquiez affaiblisse : cela permet au parti et au président du parti de prendre des risques. Le futur président de parti doit secouer le cocotier, pas endormir la maison.

Vous êtes un visage de cette nouvelle génération qui veut rebâtir. Quelles idées et valeurs vous différencient des "piliers historiques de parti"?

Pour moi, ce n'est pas une guerre de générations. La nouvelle génération peut être un moteur en travaillant avec l'ancienne. C'est nous associer qui nous donnera de la force. En revanche oui, on a besoin de changement : dans toute famille politique, on a besoin de respirer de temps en temps. On ne peut pas éternellement reproduire les mêmes erreurs ni bâtir avec les recettes d'hier. Les jeunes députés et élus locaux ont fait leurs preuves : ils ont été réélus, ce qui prouve qu'un lien de confiance a été tissé. Ils sont capables de parler à tout le monde, à tous ceux à qui on ne parle plus. Qu'est-ce qu'on dit aux familles modestes ? A ceux qui travaillent dur ? Aux chefs d'entreprise ? Ces combats, c'est plus facile pour nous les jeunes de les mener.

Olivier Marleix a été élu président des LR à l'Assemblée le 22 juin en battant Julien Dive, un "représentant " de la nouvelle garde du parti qui portait un "renouvellement des pratiques et des idées". C'est le premier échec de la jeune génération LR ?

Olivier Marleix est un très bon président de groupe. Et puis, le parti ce n'est pas que le groupe. Nos adhérents ont envie, au-delà de leur fidélité politique, de voir que le parti respire, évolue. On est complémentaires, et c'est très bien.

Enfin, à échelle locale, vous avez été réélu dans le Lot après une campagne active sur le terrain. Quelles sont les spécificités de cette région, ses besoins ? Avez-vous des exemples de projets à porter pour eux ?

Ce qu'on a fait dans le Lot, c'est ce qu'on peut faire à échelle du pays. J'ai travaillé sur des questions de santé, d'environnement, d'éducation et de sécurité. Mes valeurs et mes convictions de droite n'ont pas empêché un rassemblement pluriel : on le fera pour toute la France.