Budget 2025 : trois options pour qu'il soit adopté et une inquiétude

Budget 2025 : trois options pour qu'il soit adopté et une inquiétude Plusieurs scénarios permettraient d'éviter le chaos politique et budgétaire promis par la censure votée contre le gouvernement Barnier. L'objectif : proposer un nouveau budget pour la France.

Le Premier ministre n'a pas résisté à la motion de censure qui a été votée par la majorité absolue des députés, et plus, mercredi 4 décembre. L'issue du vote était annoncée après la promesse des députés du Rassemblement national (RN) et de ses alliés ciottistes de soutenir le texte déposé par le Nouveau Front populaire (NFP). Au total 331 élus ont voté pour la destitution du gouvernement, soit tous ceux du RN, de leurs alliés et du NFP à une seule exception. 288 voix au minimum étaient nécessaires pour censurer le Premier ministre et son exécutif.

Une décision qui plonge le pays dans l'inconnue politique et économique, notamment concernant le Budget 2025 et son examen qui était en cours - pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) - juste avant le vote de la censure. Le budget de l'Etat (PLF) est concerné et sera également impacté. 

Pour rappel, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) et le projet de la loi de finances (PLF), sont deux choses différentes. Si les deux projets sont présentés en même temps, leur nature diffère. Alors que le PLF fixe le budget de l'Etat pour l'année à venir (dépenses et recettes), le PLFSS a vocation à maîtriser les dépenses sociales, de santé, et les recettes de la Sécurité sociale. La préparation de ce PLFSS relève de la compétence du gouvernement.

Les solutions pour que le pays dispose d'un budget

La chute de Michel Barnier pourrait avoir de lourdes conséquences sur le budget 2025, en cours d'examen au Parlement et plus largement, sur le fonctionnement du pays. D'abord, l'examen du projet de loi de finances (PLF) s'arrêtera. Conséquence directe : il sera quasiment impossible pour un nouveau Premier ministre et une nouvelle équipe gouvernementale de déposer un nouveau budget avant la fin de l'année civile 2024.

Première option pour le gouvernement démissionnaire ou le nouveau gouvernement nommé, avoir recours à l'article 45 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Elle permet au pays de fonctionner sans gouvernement et sans budget voté. Ce "joker" s'appuie sur un "projet de loi spéciale l'autorisant à percevoir les impôts existants", jusqu'au vote d'un prochain projet de loi de finances en début d'année prochaine. Autrement dit, en continuant d'appliquer le Budget 2024.

Début 2025, le gouvernement démissionnaire pourrait aussi faire usage d'ordonnances pour faire appliquer son budget. Attention, cette option n'est envisageable que si les débats pour l'adoption du projet de loi de finances (PLF) dépassent 70 jours. Les dispositions du projet de loi de finances peuvent être mises en vigueur par ordonnance", indique l'article 47 de la Loi fondamentale. Il s'agit là de la dernière hypothèse constitutionnelle. La fin du délai constitutionnel est fixé au 21 décembre 2024, cette année. Cette ordonnance n'a encore jamais été utilisée en France. Dans ce cas, le pays disposerait alors d'un budget, mais n'aurait pas de nouveau gouvernement pour autant, simplement un gouvernement démissionnaire gérant les affaires courantes. 

Autre option sur la table et pas des moindres : l'article 16 de la Constitution conférant à Emmanuel Macron les "pleins pouvoirs", en théorie, pour imposer ses propres décisions budgétaires par décret. Alors, dans les faits, la France pourrait se retrouver purement sans budget en 2025. "La conséquence peut être très lourde pour le pays (...) C'est l'absence de budget, l'absence de loi de finances, ou partir sur les recettes de 2024, c'est à dire avec un lourd déficit, une actualisation qui ne se fait pas", prévenait déjà le garde des Sceaux Didier Migaud, le 25 novembre dernier sur France 2. Autrement dit, ce serait un statut quo par rapport au budget 2024. Le gouvernement a dernièrement tablé sur un déficit public atteignant 6,1 % du PIB cette année, un objectif loin de l'ambition initiale de 4,4 % du PIB, ou de celle du printemps dernier (5,1 %).

"On ne risque absolument pas un shutdown" à l'Américaine

Quid du salaire des fonctionnaires ? "Si vous n'avez pas de budget pour l'an prochain, ça veut dire que les fonctionnaires ne sont pas payés", avait lancé l'ex-Première ministre et désormais députée du Calvados, Elisabeth Borne, sur le plateau de C à Vous, le 24 octobre dernier lors de la promotion de son livre. Une sortie remarquée, qui rappelle une pratique plutôt associée aux Etats-Unis. En effet, cette situation est possible de l'autre côté de l'Atlantique. Elle est appelée, le "shut down" et consiste à fermer les administrations si le Congrès américain ne s'accorde pas sur le vote d'un budget. Or, en France, le fonctionnement n'est pas le même. 

Pour en arriver là, le texte devrait être rejeté définitivement par les deux chambres du Parlement : l'Assemblée nationale et le Sénat, à la même étape du processus, et au cours d'une même lecture, ce qui est très rare. Aussi, le Conseil constitutionnel devrait valider un projet de loi spécial qui permettrait à l'exécutif de percevoir des impôts et de verser un volume minimum de crédits. Les fameuses ordonnances, évoquées plus haut, pourraient alors permettre d'assurer le versement de la rémunération des fonctionnaires. "On ne risque absolument pas un shutdown. Il y aura des cartes vitales qui fonctionneront, les fonctionnaires seront payés. Il faut sortir des scénarios apocalyptiques", indiquait à ce sujet Benjamin Morel, constitutionnaliste et maître de conférences en droit public dans les colonnes d'Europe 1, le lundi 2 décembre.