Sarkozy a une solution pour conserver sa Légion d'honneur que la loi doit lui retirer
Fait Grand-croix, Nicolas Sarkozy n'a plus le droit d'être membre de l'ordre de la Légion d'honneur. Du moins théoriquement. Comme l'a souligné le Grand chancelier de la Légion d'honneur, le général François Lecointre, le mardi 4 mars, le code de cet ordre prévoit un retrait "de droit" du titre honorifique à toute personne condamnée pour un crime ou à une peine d'emprisonnement ferme égale ou supérieure à un an. Or, l'ancien président de la République a été définitivement condamné à trois ans de prison, dont un ferme, dans l'affaire des écoutes en décembre dernier.
"L'exclusion étant prévue de facto par le Code de la Légion d'honneur, je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'incertitudes", a déclaré le Grand chancelier lors d'une conférence de presse à Paris précisant que "la procédure disciplinaire va être lancée" et traitée par le conseil de l'ordre. Et l'ancien chef d'état-major des Armées d'ajouter : "Les choses arriveront dans leur temps et je pense qu'elles arriveront". L'affaire pourrait toutefois prendre plusieurs mois : elle doit être examinée par les 16 membres du conseil de l'ordre au printemps selon les confidences de la Grande chancellerie à Ouest-France.
Mais Nicolas Sarkozy pourrait compter sur une petite chance d'éviter une exclusion de l'ordre de la Légion d'honneur. Seul le président de la République, en tant que Grand maître de l'ordre, peut prononcer l'exclusion d'un membre par décret. L'ancien chef de l'Etat espère donc bénéficier de l'indulgence d'Emmanuel Macron qui n'a pas manqué de le consulter sur divers sujets depuis qu'il s'est installé à l'Elysée.
Des réticences exprimées par Macron
Le Code de la Légion d'honneur prévoit effectivement qu'en cas de sanction contre un membre de l'ordre de la Légion d'honneur pour un "acte contraire à l'honneur", c'est au chef de l'Etat que revient le dernier mot. Il peut suivre la décision du conseil de l'ordre ou alléger la sanction, mais ne peut l'aggraver rapporte Politico citant des membres du conseil. Trois sanctions sont prévues par les textes : une censure, une suspension temporaire et une exclusion définitive.
Emmanuel Macron pourrait donc hésiter à sanctionner son prédécesseur, il avait d'ailleurs exprimé sa réticence à retirer certains honneurs en décembre 2023. A l'époque, l'affaire ne portait pas sur Nicolas Sarkozy, mais sur Gérard Depardieu qui avait fait l'objet d'une émission de Complément d'enquête : les comportements inappropriés et les sorties graveleuses de l'acteur avaient poussé la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, à remettre en question les honneurs de l'artiste. Emmanuel Macron avait alors défendu Gérard Depardieu et déclaré sur France 5 : "Ce n'est pas sur la base d'un reportage qu'on enlève la Légion d'honneur à un artiste" rappelant que l'ordre de la Légion d'honneur "n'est pas là pour faire la morale".
La situation est cette fois bien différente, puisque l'exclusion de l'ordre de Nicolas Sarkozy n'est pas motivée par un reportage, mais par une condamnation. Le Code de la Légion d'honneur stipule bien qu'une condamnation entraîne une exclusion d'office. Les membres du conseil de l'ordre et le président de la République braveront-ils les textes pour épargner l'ancien chef d'Etat ? L'option ne semble pas envisageable pour le Grand chancelier, mais son avis seul ne suffit pas et ce n'est pas lui qui tranche à la fin. Reste que le conseil défend l'hypothèse de l'exclusion, il sera difficile pour le chef de l'Etat d'aller contre cet avis dans un cas aussi délicat que celui-ci : le retrait des honneurs à un de ses prédécesseurs. Nicolas Sarkozy devrait avoir l'occasion de se défendre avant qu'une décision ne soit prise. L'homme, aujourd'hui âgé de 70 ans, est déjà le premier ancien chef d'Etat à avoir été condamné à de la prison ferme, il pourrait être le deuxième à se voir exclure de la Légion d'honneur, juste après le maréchal Pétain.