Nouveau gouvernement Lecornu : la date de la nomination des ministres volontairement retardée ?
Après deux semaines à Matignon, Sébastien Lecornu ne semble toujours pas sur le point de nommer son gouvernement. Le Premier ministre a décidé de trancher sur le "quoi" en déterminant la ligne politique et le projet de la future équipe ministérielle avant de réfléchir à son casting. Il se concentre donc sur ses consultations avec les forces politiques et les partenaires sociaux, avec un deuxième round qui vient de se terminer et peut-être un troisième en préparation, et ne devrait pas nommer de gouvernement avant plusieurs jours.
Mais l'attente commence à irriter les oppositions, d'autant que rien ne semble bouger dans les négociations concernant l'orientation politique du budget, premier et pour l'heure seul dossier du Premier ministres. Or, plus il attend, moins Sébastien Lecornu aura de temps pour peaufiner le projet de loi de finances 2026 à l'Assemblée nationale. A ce sujet, il prévoit de livrer les premiers pistes budgétaires dans une interview donnée au Parisien ce jeudi en fin de journée selon Politico. Des déclarations qui permettront peut-être d'y voir plus clair et d'avancer sur le chantier du gouvernement.
Pas de nouveau gouvernement avant octobre ?
Le Premier ministre ne s'est fixé aucune date, mais la composition du gouvernement pourrait être officialisée début octobre. Selon l'entourage du locataire de Matignon, ses futurs ministres doivent d'abord "connaître et se montrer à l’aise avec la copie budgétaire", révèle Le Parisien. Sa déclaration de politique générale (DPG), elle, pourrait attendre le 6 octobre, "si elle a lieu", précise le quotidien. Si rien n'oblige le Premier ministre à s'exprimer avec un gouvernement, il reste préférable d'avoir déterminé la ligne politique de l'exécutif avant de la présenter aux parlementaires. La seule date butoir pour la nomination du gouvernement Lecornu est la présentation du budget 2026 attendue le 14 octobre à l'Assemblée nationale.
Un fenêtre se précise donc entre le 3 et le 6 octobre pour la nomination du nouveau gouvernement. Pourquoi pas avant ? En raison du renouvellement des postes clés de l'Assemblée nationale qui aura lieu les 1er et 2 octobre. Les élus macronistes espèrent peser dans ces élections pour se garder des places et éviter une sureprésentation de la gauche, or ils perdraient en force si la nomination de ministres parmi les députés venait affaiblir leurs rangs. Sébastien Lecornu pourrait auss vouloir noyer la nomination de son gouvernement dans la masse : "Il veut faire de l’annonce de l’équipe gouvernementale un non-événement car les Français s’en moquent", estime de son côté un ministre démissionnaire auprès du Parisien.
Un gouvernement Lecornu en quête d'une majorité
Sébastien Lecornu veut s'assurer de nommer un gouvernement capable de résister à une motion de censure rapide, ou du moins il met toutes les chances de son côté, et pour cela il lui faut une majorité à l'Assemblée nationale. Deux options s'offrent à lui : obtenir le soutien explicite de 289 députés ou conclure un accord de "non censure" avec une force de l'opposition en échange de compromis. Le Premier ministre dispose déjà du soutien affiché de la droite grâce à la coalition du "socle commun" qui réunit le camp présidentiel et les élus LR. Une alliance représentant 210 voix qu'il souhaite conserver et compléter avec les voix du PS (66 députés) et du groupe Liot (23 députés). Un pari osé tellement les positions de la droite et de la gauche semblent irréconciliables. Mais cette stratégie, très fragile, semble être la seule capable d'offrir une majorité au Premier ministre sur le simulateur de Datan et au regard des positions des différents partis politiques.
LR et le PS présents dans le gouvernement Lecornu ?
Si le Premier ministre cherche le soutien de la droite et de la gauche sociale-démocrate, ce n'est pas pour autant qu'il intégrera ces deux forces politiques dans son gouvernement. Il y a d'ailleurs très peu de chance que des personnalités issues du PS soient nommées ministres. Le patron du parti, Olivier Faure, a fermé la porte à une telle hypothèse dès la nomination de Sébastien Lecornu à Matignon selon France Télévisions. Une position partagée par le député et ancien chef de l'Etat socialiste, François Hollande : "Hors de question" de rejoindre l'exécutif a affirmé ce dernier sur BFMTV. Le PS refuse de prendre part à une coalition gouvernementale.
En revanche, la participation de ministres LR au gouvernement est envisageable. Elle n'est cependant pas automatique a fait savoir Bruno Retailleau, ministre démissionnaire de l'Intérieur et président du parti de droite. Ce dernier a posé cinq conditions précises à la présence de LR au sein de la future équipe de Sébastien Lecornu : un projet de loi sur l'immigration et un sur la sécurité du quotidien selon cadre du parti dans les colonnes de Politico, la mise en place d'un "compte social unique" qui permettrait de mieux connaître la situation des allocataires en rassemblant sous une même identité numérique l’ensemble des aides sociales en lançant une plateforme sur le modèle des impôts, le maintien de la réforme des retraites et le rejet catégorique d'une taxe sur les hauts patrimoines à l'image de la taxe Zucman. Bruno Retailleau a déclaré ne pas vouloir rester au gouvernement si "on s'embourbe dans la magouille politique et qu'on n'écoute pas les Français".
Mais "les Républicains ont envie de continuer de bénéficier de l'exposition gouvernementale" selon un cadre de Renaissance à France Télévisions. Le parti pourrait donc rogner quelques-unes de ses exigences pour compter des ministres dans ses rangs, notamment pour maintenir son président Bruno Retailleau a un poste clé. "S'il y a un accord sur le fond, je ne vois pas pourquoi LR ne serait pas au gouvernement, et si LR est au gouvernement, je ne vois pas pourquoi Bruno Retailleau ne resterait pas à l'Intérieur", a déclaré un proche de l'ancien sénateur à Franceinfo.
Plusieurs ministres reconduits dans le gouvernement Lecornu ?
En l'absence de ministres du PS et avec la possible participation de LR, "le futur gouvernement devrait être dans la même veine que le précédent" estime un conseiller ministériel sur Franceinfo. Si Sébastien Lecornu a promis des "ruptures" lors de son discours de passation de pouvoirs, la composition du gouvernement ne devrait pas être l'une d'elles. Le Premier ministre aurait plutôt en tête "de réduire la voilure et d'éviter les changements de poste, pour que ceux qui restent soient opérationnels et que l'on évite le 'tourisme ministériel'", a glissé un cadre macroniste au média.
Nombreux sont ceux qui voient plusieurs poids lourds du gouvernement comme Rachida Dati ou Gérald Darmanin rester en place. De même que d'autres ministres bien apparentés au macronisme comme Elisabeth Borne ou dont la cote de popularité auprès du chef de l'Etat reste élevée à l'image de Catherine Vautrin. Si certains pourraient conserver leurs maroquins comme Rachida Dati à la Culture et Elisabeth Borne à l'Education, d'autres pourraient changer de ministère. La ministre démissionnaire du Travail pourrait ainsi hérité des Armées, portefeuille laissant vacant par le nouveau Premier ministre. Quant au garde des Sceaux démissionnaire, il a assuré qu'il n'avait "pas d'autre envie que de rester au ministère de la Justice" sur RTL, la 10 septembre, mais il se dit qu'il "se prendrait (justement) à rêver de nouveau du Quai d'Orsay". Reste que le ministre démissionnaire des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, serait aussi en bonne position pour rester au Quai d'Orsay. L'homme a la confiance du chef de l'Etat et aurait de bonnes relations avec le Premier ministre.
A noter que le départ de Gérald Darmanin a également été évoquée selon une information de Politico : l'homme pourrait être poussé vers la sortie au nom de sa "proximité" avec le nouveau Premier ministre. Amis de longue date, les deux hommes se connaissent bien, Lecornu était le témoin de mariage de Darmanin, il est aussi le parrain de son deuxième fils, Alec.
Lombard et d'autres ministres sur le départ
Il devrait tout de même y avoir du changement au gouvernement, car plusieurs ministres semblent sur la sellette à commencer par ceux qui travaillent à Bercy. Éric Lombard, ministre démissionnaire de l'Economie et des Finances, et Amélie de Montchalin, ministre démissionnaire des Comptes publics démissionnaire, associés aux propositions du budget de François Bayrou, pourraient être remerciés indique Ouest France. "Ce n'est pas idiot de renouveler à Bercy", abonde un cadre macroniste sur Franceinfo.
Dans le cas d'Amélie de Montchalin, un autre argument pourrait aller dans le sens de son départ. Le Premier ministre réfléchirait à se séparer de tous les ministres ayant été battus aux élections législatives en 2022 ou 2024 selon la Tribune du Dimanche. Une "règle" anciennement fixée par Emmanuel Macron, puis ignorée par le chef de l'Etat lui-même pour permettre la nomination de certaines personnalités dont la ministre démissionnaire des Comptes publics. Si cette logique était respectée, elle pousserait cinq ministres vers la sortie : Manuel Valls (Outre-mer), Laurent Saint-Martin (Commerce extérieur), Patrick Mignola (Relations avec le Parlement), Patricia Mirallès (Anciens combattants) et Amélie de Montchalin (Comptes publics). Sébastien Lecornu se séparerait ainsi se Manuel Valls, dont la ligne de conduite "jugée beaucoup trop pro-indépendantiste dans sa gestion du dossier de la Nouvelle-Calédonie" a irrité, et d'Amélie de Montchalin avec qui il "n’émet pas le souhait d’être en lien direct et quotidien" selon un ministre de François Bayrou au Parisien.
Bruno Le Maire et François Sureau cités
À l'inverse, un nom bien connu - notamment en macronie - pourrait faire son retour au gouvernement, il s'agit de Bruno Le Maire. L'ex-ministre de l'Economie serait intéressé à l'idée de reprendre du service, d'après une information du Canard Enchaîné. Le ministère des Affaires étrangères lui ferait notamment de l'œil. La relation entre Le Maire et Lecornu pourrait jouer en faveur du premier cité, il l'avait par exemple fait entrer à son cabinet lorsqu'il était secrétaire d'Etat aux Affaires européennes. Le nouveau Premier ministre a aussi suivi Bruno Le Maire au ministère de l'Agriculture, avant de co-diriger sa campagne pour la présidence de l'UMP.
Une piste mène également à l'académicien François Sureau. Une surprise qui n'en est pas vraiment une : les deux hommes sont très proches et ont "entamé une conversation au long cours, il y a plusieurs années", révèle Politico. Jeudi 11 septembre, François Sureau a "été aperçu sortant de Matignon, sa pipe à la main", apprend-on. Il pourrait donc faire figure de nouveau venu au sein de l'organigramme déterminé par Sébastien Lecornu.
Enfin, si aucun nom n'a été donné, un ou plusieurs profils issus du parti d'Edouard Philippe, Horizons, pourraient faire partie de l'aventure. "Il sait que son groupe est solide et ordonné : ça a un poids, et il compte le monnayer", glisse un de ses soutiens à Politico. Autrement dit, Edouard Philippe veut peser sur la composition du gouvernement. De plus, les 34 membres du groupe ont soutenu François Bayrou lors du vote de confiance, ce qui pourrait peser dans la balance. L'idée d'une "équipe plus resserrée", tout en intégrant quelques nouvelles têtes - notamment des parlementaires du bloc central - pour insuffler un vent de fraîcheur et marquer une rupture est également évoquée dans les colonnes de Politico, mardi 16 septembre.
16:24 - Attendre pour nommer le gouvernement est une "erreur politique" pour l'opposition
"C'est une erreur politique d'attendre [pour nommer le gouvernement], parce que c'est du temps en moins pour discuter de compromis sur le budget", estime le député écologiste Jérémie Iordanoff auprès de Franceinfo. Pourtant, Sébastien Lecornu a expliqué que la raison du temps (long) pris pour nommer son gouvernement s'expliquait par la volonté de travailler sur le projet, et particulièrement celui du budget, avant de penser au casting. Il sous-entendait alors que les éventuels compromis trouvés en négociations influencerait la composition du gouvernement. Or, comme le chantier budgétaire ne semble pas avancer, celui du gouvernement non plus. La donne pourrait changer ce jeudi avec les premières orientations sur le budget que le Premier ministre doit donner dans une interview au Parisien selon Politico.
14:01 - Une hypothèse selon laquelle "la plupart des ministres démissionnaires sont de futurs entrants"
Sébastien Lecornu prévoirait de compter sur les forces du socle commun, formé de Renaissance, Horizons, le MoDem et les Républicains, pour composer son nouveau gouvernement selon Franceinfo, il se pourrait que les rumeurs concernant le maintien de plusieurs ministres déjà en post se confirment. Une hypothèse renforcée par l'absence d'échanges entre le Premier ministre et des personnalités ministrables selon le député PS d'Ardèche Hervé Saulignac : "Je ne vois qu'une explication : la plupart des ministres démissionnaires sont de futurs entrants."
Mais si les contours du casting sont déjà dessinés, pourquoi attend plus de deux semaines pour nommer le gouvernement Lecornu s'interroge des parlementaires. "Je ne comprends pas pourquoi on attend", s'agace l'élu écologiste Jérémie Iordanoff qui ajoute : "La nomination d'un Premier ministre et d'un gouvernement, c'est très rapide car on sait où l'on va. Le coup d'après est anticipé."
12:28 - "Aucun téléphone ne crépite" assure un député socialiste
Si le Premier ministre multiplie les consultations avec les forces politiques, surtout avec celles du socle commun puisque les oppositions n'ont été reçues qu'une seule fois, et avec partenaires sociaux, il ne semble pas passer beaucoup d'appel pour contacter de potentiels futurs ministres selon les indiscrétions recueillies par Franceinfo. "Aucun téléphone ne crépite", glisse le député socialiste Hervé Saulignac au média. Une impression d'immobilisme partagée : "Ce qui est sûr, c'est que ça flotte", commente Arthur Delaporte, porte-parole du groupe PS. Et qui agace certains élus comme ceux du RN : "C'est pitoyable. La France vit une crise sur tous les sujets et la caste macronienne ne fait que des manœuvres minables", a déploré le député Jean-Philippe Tanguy.