Un plan Lecornu pour le budget 2026 : les "compromis" dévoilés ce jeudi
Voilà plus de deux semaines que Sébastien Lecornu est Premier ministre, pourtant, il n'a pas encore nommé le nouveau gouvernement et n'a livré aucune piste concernant le projet de loi de finances 2026. S'il va falloir encore patienter pour le nom de ministres, le chef du gouvernement doit donner les premières orientations budgétaires ce jeudi 25 septembre. Selon les confidences de deux proches du Premier ministre à Politico, ces informations doivent paraître dans une interview accordée au Parisien et devant être publiée ce jeudi en fin de journée.
Il ne faut pas s'attendre à un projet complet et détaillé, mais plutôt aux pistes de réflexion envisagées par Sébastien Lecornu après ses nombreuses entrevues avec les forces politiques, surtout celles du socle commun, et les partenaires sociaux. Le Premier ministre devrait ouvrir la voie à certaines mesures et fermer des portes à d'autres options. Un exercice d'arbitrage délicat, dont dépendra très certainement le nombre et l'orientation de ses soutiens politiques, ainsi que la composition du gouvernement.
Sébastien Lecornu, qui a promis des ruptures avec la politique des derniers gouvernements et recherche une majorité à l'Assemblée, tente de concilier les idées incompatibles de la droite républicaine et de la gauche socialiste, ainsi que celles des patronats avec celles des syndicats. Mais il ne va pas avoir d'autres choix que de trancher. De fait, une question se pose : vers qui la balance va-t-elle pencher ?
Plus d'efforts demandés aux grandes fortunes et aux entreprises ?
La gauche et les organisations syndicales rejettent la politique budgétaire austère de François Bayrou. Si elles reconnaissent la nécessité de réduire la dette publique, elles n'envisagent pas de faire 44 milliards d'euros d'économie en 2026. Le PS appelle à diminuer l'objectif et surtout à revoir la répartition des efforts, un point sur lequel il est rejoint par les syndicats.
Plus précisément, ces forces souhaitent que moins d'efforts soient demandés aux contribuables et plus aux entreprises ou aux citoyens les plus fortunés. D'où le soutien de la taxe Zucman - un impôt plancher de 2% opposé aux personnes dotées d'un patrimoine de plus de 100 millions d'euros - ou d'un retour de l'impôt sur la fortune. "Aujourd'hui, une infirmière paie plus d'impôts proportionnellement qu'un milliardaire. Ça, c'est une situation inacceptable actuelle", a insisté la secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, sur France 2 mercredi soir.
Le Premier ministre s'est dit "prêt" à revenir sur cette répartition de l'effort dans une interview donnée à la presse régionale le 13 septembre : "Il y a des questions (…) de répartition de l'effort et il faut y travailler sans idéologie, j'y suis prêt". Il exprimait toutefois son opposition à l'idée de taxer le patrimoine professionnel, "car c'est ce qui permet de créer des emplois et de la croissance en France". Une position qu'il a confirmée auprès des syndicats le mercredi 24 septembre selon le compte-rendu de la CFDT : "Il est plutôt ouvert. Après, la question, ça va être les modalités. Et pour la CFDT, une taxe qui permet de répondre à cet enjeu-là, qu'elle s'appelle Zucman ou qu'elle porte un autre nom, ce n'est pas le sujet".
Reste un problème de taille : ni la droite, ni le patronat ne sont favorables à l'instauration d'une taxe sur les grosses fortunes. L'idée ne fait pas non plus l'unanimité au sein du camp présidentiel, même si elle fâche moins. Le Medef, principale organisation patronale, s'oppose fermement à une telle mesure et assure qu'elle serait contre-productive. Or, selon lui, "le vrai sujet de la France, c'est de recréer de la dynamique économique. C'est quand même bien comme ça qu'on nourrira, par les rentrées fiscales et sociales, les finances publiques, et la tendance sur laquelle on est actuellement n'est pas du tout celle-là".
Des concessions à gauche et à droite ?
Trancher la question de la taxation des plus riches, c'est forcément décevoir un camp, voire s'en attirer les foudres. A moins de contrebalancer cette décision par une concession sur un autre sujet. Exemple : le Premier ministre pourrait intégrer une taxe sur les grandes fortunes dans le budget 2026 pour satisfaire la gauche, et fermer définitivement la porte à une abrogation de la réforme des retraites de 2023 pour apporter des garanties à la droite.
Le projet de loi de finances serait ainsi construit sur des compromis, ne satisferait pleinement personne, mais pourrait être acceptable pour une majorité d'élus. Au regard de l'Assemblée nationale tripartite, cette option paraît être la seule issue possible pour faire adopter un budget. Elle semble aussi être celle envisagée par le Premier ministre lors de son discours de passation de pouvoirs. Reste alors à connaître les arbitrages, car les oppositions sont nombreuses entre droite et gauche, patronat et syndicats.
En voici un bref aperçu avec les "six revendications" claires faites par les syndicats à Sébastien Lecornu : "l'abandon de l'ensemble du projet de budget et du doublement des franchises médicales", l'abandon de "l'année blanche" ou encore celui de "la désindexation des pensions", la suppression de la "réforme de l'assurance-chômage" ou encore l'abandon du recul de l'âge du départ à la retraite à 64 ans. En parallèle, le patronat refuse de toucher à la réforme des retraites comme à l'assurance-chômage. Le seul point sur lequel ils se rejoignent, c'est la baisse des dépenses de l'Etat, notamment des institutions, de manière significative.