Deltacron : un nouveau variant du Covid ou une erreur de laboratoire ?
DELTACRON. Le variant "Deltacron", possible combinaison des souches Delta et Omicron du Covid-19 découverte à Chypre, a fait s'affoler la toile. Cependant, les communautés scientifiques internationale et française continuent de plaider une quasi-certaine erreur de manipulation dans le laboratoire à l'origine de la découverte.
Alors des centaines de milliers de nouvelles infections sont identifiées chaque jour, la crainte qu'un nouveau variant supplante Omicron (ayant lui-même outrepassé Delta en l'espace de quelques semaines) et relance l'épidémie de Covid-19 a été exacerbée par l'emballement autour du "Deltacron" ce week-end. Effectivement, selon Leondios Kostrikis, chef du Laboratoire de biotechnologie et de virologie moléculaire dont les propos ont été rapportés par l'agence de presse Bloomberg, une nouvelle souche du Covid-19, combinant les variants Delta et Omicron, aurait été identifiée à Chypre. "Il existe actuellement des co-infections Omicron et Delta et nous avons trouvé cette souche qui est une combinaison des deux", a assuré le scientifique auprès de Sigma TV Friday, le 8 janvier dernier. Son équipe précise que 25 cas de "Deltacron" ont été observés à Chypre, dont onze provenaient de personnes hospitalisées pour Covid-19 et quatorze de la population générale. Et d'ajouter, auprès de Bloomberg : "Nous devrons attendre pour voir si cette souche est plus virulente, plus contagieuse et si elle devient prédominante" sur Delta ou Omicron. Inquiet, le professeur a également assuré que "la fréquence des mutations était plus élevée chez les personnes hospitalisées, ce qui pourrait signifier qu'il existe une corrélation entre 'Deltacron' et les hospitalisations".
Une annonce qui a généré de nombreuses interrogations sur ce potentiel nouveau variant, alors que de nombreux pays font actuellement face à une cinquième vague de l'épidémie de Sars-CoV-2. Le mot-clé "Deltacron" est ainsi, quelques heures durant, devenu le mot le plus utilisé sur le Twitter français, dimanche 9 janvier.
Le "Deltacron", nouveau variant résultant probablement d'une erreur de manipulation
Cependant, l'emballement autour de "Deltacron" pourrait retomber aussi rapidement qu'il est monté. Plusieurs membres de la communauté scientifique internationale ont d'ores et déjà fait état de leur réserve quant à l'apparition de ce nouveau variant, pariant sur des découvertes résultant d'une contamination en laboratoire. Des doutes motivés par l'analyse des 24 cas chypriotes de "Deltacron" déposés sur la base de données internationale Gisaid - analyse qui leur a permis de créer la phylogénétique du virus, soit son arbre généalogique. Ces analyses ont permis à plusieurs scientifiques de réaliser que les séquences de "Deltacron" ne se trouvaient pas au même endroit de l'arbre généalogique du virus. Ainsi, le virologue de l'Imperial College de Londres Tom Peacock a tweeté : "Les séquences chypriotes 'Deltacron' dont parlent plusieurs grands médias semblent être assez clairement une contamination – elles ne se regroupent pas sur un arbre phylogénétique". De son côté, l'épidémiologiste Arnaud Fontanet, spécialiste en épidémiologie des maladies infectieuses et tropicales, a assuré sur BFMTV ce lundi 10 janvier que Deltacron était "probablement une erreur de contamination", indiquant qu'il était préférable d'"écarter" l'hypothèse d'une telle fusion des mutations Delta et Omicron.
Pourtant, dimanche 9 janvier, Leondios Kostrikis a assuré qu'aucune contamination au sein du laboratoire n'avait eu lieu, et que les cas de Deltacron identifiés "indiquent une pression évolutive sur une souche ancestrale pour acquérir ces mutations et non le résultat d'un seul événement de recombinaison". Le professeur de sciences biologiques à l'Université de Chypre a ajouté qu'au moins une séquence en Israël déposée dans une base de données mondiale présente les caractéristiques génétiques du deltacron.
"Deltacron" rappelle le risque de recombinaison du Covid-19
Cependant, "Deltacron" met en lumière la potentielle "recombinaison" du Covid-19, voie possible d'évolution rapide du Sars-Cov-2. Pour qu'une telle souche, née de deux autres souches, voie le jour, il suffirait qu'un même patient soit infecté par deux variants différents du coronavirus. "Un événement rare mais possible quand deux souches circulent beaucoup comme en ce moment en Europe avec Delta et Omicron", commente à ce sujet Libération. Si les deux souches infectent ensuite, en même temps, la même cellule du corps du patient, "leurs informations génétiques vont se mélanger et il va ressortir une nouvelle souche probablement très différente des deux précédentes", indique encore le quotidien. Ce schéma de recombinaison est, d'après Tom Peacock, attendu par la communauté scientifique, si deux variants co-circulent pendant quelques mois.