Vos plus beaux contes de Noël Nuit de Noël

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Cathy, Sallaumines, Pas-De-Calais © Cathy

 Un conte de Cathy

Le front posé contre la vitre, un halo de buée se forme et je me réjouis de tracer des motifs à l'index. Du revers de la main, j'essuie le carreau afin d'illustrer de nouvelles esquisses, quand soudain je reçois en pleine frimousse le décor d'une carte postale. Mon regard glisse vers le ciel parsemé d'étoiles. Limpide, Madame La Lune les fait étinceler davantage. Dehors, je devine la douce brise qui se faufile entre les cimes enneigées. Le Pic du Bargy se détache de la dentelle blanche des montagnes voisines. Les rois de la forêt s'étirent comme des géants ankylosés sous l'emprise du froid. Un léger vent polisson s'y engouffre, provoquant un charivari. Un rideau de flocons tournoyants a revêtu d'un drap blanc ouaté le village niché au creux de la vallée. Figée et grelottante sous la neige, la nature est silencieuse, tranquille. Tout paraît irréel. Ici et là, quelques animaux ont parsemé de leurs empreintes la poudre blanche immaculée. Une biche ose s'aventurer au-delà des sentiers escarpés. Immobile, elle hume une bouffée d'air glacé. Fière et belle, elle poursuit son chemin en bonds légers et gracieux.

Dans les arbres, une flopée d'oiseaux, plumes hérissées, s'égosillent avec frénésie, faisant virevolter d'infimes nuages floconneux. Sereine, je ne perds pas une miette de ce paysage sublime et féerique. Le murmure d'une source presque givrée, où les stalactites se sont invitées, me berce. Tout là-haut, je perçois le tintamarre occasionné par les vaches et les moutons rentrés à l'étable. Le clocher de la vieille église en pierre carillonne. Les occupants entament les chants de Noël. Avec une excitation presque enfantine, je me plais à imaginer le monsieur à la barbe blanche dans son traîneau, traversant la voie lactée, tiré par ses fidèles rennes pour sa fabuleuse tournée céleste.
- "Mais, dis-moi Père Noël, tu as le ventre un tantinet grassouillet ! Aurais-tu commencé à goûter les friandises déposées par les enfants pour ta générosité ?"

La messe terminée, apparaissent aux lueurs des lanternes les silhouettes de messieurs chapeautés, offrant le bras aux dames drapées d'un long manteau. Ils se pressent de regagner leurs demeures. Les ornières durcies font résonner les pas. Des gamins emmitouflés se mitraillent de boules, tout en donnant vie à un bonhomme de neige. D'autres se réjouissent de patiner sur le dos du lac gelé ou s'amusent en faisant de la luge. Dans ce crépuscule illuminé, sous la voûte des toits enneigés, il pleure de grosses gouttes cristallisées.

A l'approche du pâté de maisons enguirlandées, l'effluve de la dinde traditionnelle chatouille les narines. La bûche et le pain d'épice embaument la maisonnée. Majestueux dans la salle, le sapin orné de sa plus belle parure apporte une note de gaieté. Les enfants émerveillés ouvrent les cadeaux amassés auprès de l'arbre. Chacun y trouve son plaisir. Se balançant dans le rocking chair au rythme du tic-tac de la comtoise, les épaules voûtées, le patriarche fume la pipe. Songeur, ses pensées vagabondent sept décennies en arrière. Un sourire se dessine sur son visage, tandis que son fidèle compagnon à poils, allongé sur ses genoux, réclame une caresse.
- "Dis Papy, à quoi rêves-tu ?" interroge un petiot.
- "A mon premier Noël".
- "Raconte-moi."
Les enfants, curieux, l'entourent. L'aïeul prend le dernier bambin dans les bras et, ému, il relate son récit entremêlé de questions et de réponses.
- "A cette époque, l'hiver était rigoureux. Au dehors, une tempête de neige se déchaînait en hurlant, tandis que le blizzard pourchassait le reste de vie de la nature. J'étais très angoissé à l'idée que le Père Noël ne puisse m'apporter le soldat de plomb que j'avais commandé. Au petit matin, à ma grande stupeur, je découvre une orange à côté du sapin mais point de soldat. Ma mère a pelé ce fruit et lentement, j'en dégustais chaque quartier. J'ai encore le sentiment du goût sucré au palais, de son jus délectable qui s'écoule dans ma gorge. Un vrai délice ! Puis votre arrière-grand-mère a déposé la pelure sur le poêle à charbon, imprégnant la pièce d'un parfum suave. Malgré ma déception, je garde en mémoire ce cadeau d'une valeur inestimable, riche de souvenirs et de tendresse".
Les yeux brillants et la voix cassée par l'émotion, il ajoute :
- "Très longtemps, je me suis posé ces questions : le Père Noël aurait-il égaré mon petit soldat de plomb ? N'a t-il pas entendu mon souhait ? N'ai-je pas été sage ? Les lutins n'ont-ils pu le fabriquer ? J'en déduis simplement qu'un autre enfant était plus méritant."

Mamie, enveloppée dans son châle, le regarde, attendrie. Les femmes s'activent aux fourneaux. Les festivités commencent. Le bois qui crépite dans la cheminée chante la mélodie du bonheur. Mais chut, laissons-les savourer ce moment de vie magique. Juste un petit merci à ce bon vieux Père Noël qui existe vraiment. Si, si, pour tous ceux qui y croient encore, petits et grands, joyeux Noël.