Séréna : ce que les experts disent de la mère du "bébé du coffre"
[Mis à jour le 15 novembre 2018 à 17h50] Depuis le début de la semaine, la mère de la petite Séréna, petite fille enfermée pendant 2 ans dans le coffre de la Peugeot 307 de sa mère - entre 2011 et 2013 - comparaît libre devant la cour d'assises de Tulle en Corrèze. Elle est poursuivie pour "violences suivies de mutilation ou infirmité permanente sur mineur de 15 ans par ascendant", " privation de soins ou d'aliments compromettant la santé d'un enfant" et dissimulation ayant entraîné atteinte à l'état civil d'un enfant. La mère de famille encourt 20 ans de prison. Sa petite fille a été placée en famille d'accueil et va bientôt fêter son 7ème anniversaire. Si elle est "en bonne forme physique", la petite fille reste toutefois lourdement handicapée. Mardi, au deuxième jour du procès, le compagnon de Rosa Maria Da Cruz, Domingos Sampaio Alves a été entendu. Il bénéficie d'un non lieu dans l'affaire et assure être resté avec sa compagne parce qu'elle était "une bonne mère" pour leurs trois autres enfants. Ce jeudi, l'audience a tenté d'en savoir plus sur le profil psychologique de la mère.
Le déni de grossesse reconnu par le psychiatre
Entendu par la cour, le psychiatre Jacques Bertrand a estimé que l'accusée avait fait un déni total de grossesse. Lorsque elle vit un déni de grossesse, une femme n'a alors pas conscience - ou une conscience très altérée - d'être enceinte. Aucun signe de grossesse n'est alors visible et les proches de la future mère peuvent également ne s'apercevoir de rien. Il se définit souvent comme un "mécanisme de défense psychique" et peut témoigner du mal-être de la mère. Dans le cas de Rosa Maria Da Cruz, le psychiatre a poursuivi en expliquant que la mère de famille avait également fait un "déni d'enfant". Ce déni a été caractérisé par la "chosification de l'enfant" qu'a évoqué la mère de famille lors des premiers jours de son procès. Emmanuelle Bonneville-Baruchel, psychologue clinicienne et professeur de psychopathologie est venue apporter plus de précisions sur le profil psychologique de Rosa Maria Da Cruz en parlant mercredi d'une "incapacité parentale", c'est-à-dire de compétences parentales avérées. L'experte a détaillé sa thèse en racontant que l'"incapacité parentale" pouvait être "chronique" ou "définitive" pour expliquer que Rosa Maria Da Cruz ait pu être une "bonne mère" pour ses 3 autres enfants. L'incapacité parentale peut survenir à la suite d'un événement, d'un traumatisme ou d'une dépression, selon les experts.
La petite Séréna a été découverte dans le coffre du véhicule de sa mère en octobre 2013, par un garagiste de Terrasson, en Dordogne, qui réparait sa voiture. Il décrira alors à La Dépêche un nourrisson "blanc comme du plâtre, et avec des yeux qui tournaient à l'envers", entouré d'excréments, posé sur des sacs. Le garagiste se souvient encore aujourd'hui de ce moment douloureux : "Il y avait une poubelle, une couverture, c'était vraiment atroce [...] Les pompiers nous ont dit que si on avait pas découvert le bébé, 20-30 minutes plus tard, le bébé n'aurait plus été en vie", raconte-t-il à BFMTV, ajoutant qu'il se souvenait de la manière dont sa mère a sorti le nourrisson : "Quand elle l'a pris dans ses bras, c'était une vraie momie. Les bras, les jambes, tout tombait. Elle ne tenait pas sa tête".
"Pour moi, ce n'était pas un bébé"
Les deux parents seront placés en garde à vue à la gendarmerie, puis en examen mis en examen par les magistrats. Le père de l'enfant bénéficiera d'un non lieu, les juges d'instruction considérant que rien ne permettait de démontrer qu'il était informé de l'existence de ce bébé.
Fin 2013, Rosa-Maria Da Cruz avait été interrogée par les journalistes de Sept à Huit, diffusé sur TF1. Elle racontait s'être enfermée dans un mensonge, qu'elle dissimulait Séréna et veillait sur elle, même si "elle ne pouvait s'en occuper comme des trois autres". Elle décrivait alors la nuit de l'accouchement, chez elle, pendant que tous les membres de sa famille dormaient : "J'ai mis ma petite fille au monde, je lui ai coupé le cordon. Je l'ai prise dans mes bras et, après, je l'ai posée. J'ai fait mon train-train, j'ai levé les petits, je les ai préparés pour aller à l'école, comme si de rien n'était. Pour moi, ce n'était pas un bébé qui venait de naître. Je n'ai pas pu en parler. Le jour de l'accouchement, je n'ai rien dit à personne, le lendemain non plus, le troisième jour non plus. Et ainsi de suite. Je me suis enfermée dans un mensonge, un gouffre" disait-elle. Devant les enquêteurs, la mère de l'enfant a expliqué avoir commencé à lui parler lorsqu'elle avait 18 mois, parce que le bébé s'était mis à lui sourire.
La dernière expertise médicale effectuée sur l'enfant, en 2016, fait état d'un "syndrome autistique vraisemblablement irréversible", pouvant être lié à ses conditions de vie dans l'obscurité dans les deux premières années de sa vie. Alors que Séréna avait 4 ans, les experts évaluaient son développement à "18 mois pour les coordinations", "3 ans sur le plan postural".