Crédit à la consommation : halte aux abus !
Le crédit à la consommation est vital pour la bonne marche et le dynamisme de l’économie. Il devrait même être l’un des moteurs de la future croissance tant espérée. Or, ce secteur est actuellement malade, et çà et là, des châteaux de cartes s’écroulent, libérant des armées de surendettés. De quoi souffre donc ce secteur ?
Le crédit à la consommation est en fait victime d'un empoisonnement, causé par un produit potentiellement hautement toxique : le revolving, qui, par son mode de fonctionnement actuel, peut trop facilement créer des addictions. Christine Lagarde dit souvent que 'le crédit, c'est comme le cholestérol ; il y a le bon et le mauvais'. Pour notre part, nous pensons qu'une précision pourrait être apportée à la formule de Mme Lagarde. Nous sommes en effet convaincus que le prêt personnel amortissable, pour peu qu'il soit distribué de manière responsable, est par construction un bon crédit, tandis que le crédit revolving, c'est comme le cholestérol, il y a le bon et le mauvais.
En effet, l'unanimité s'est faite pour reconnaître que le revolving actuel est très largement responsable du surendettement. Cette affirmation est vraie, mais il n'en demeure pas moins qu'il existe aussi un bon revolving, fort utile comme soutien de la consommation et fort pratique pour celui qui l'utilise ; il ne faut donc pas interdire le revolving. Il faut juste que certains principes 'éthiques' soient affirmés dans la loi (comme la durée de remboursement maximale), mais aussi précisés par des garde-fous techniques, de manière à ce qu'il soit impossible à quiconque de les contourner.
Le revolving actuel repose sur un principe qui nie les bases même de la réalité économique : le principe de la mensualité de crédit 'ronde', que rien ou presque ne peut augmenter. En revolving, que le client ait ou non signé l'assurance emprunteur, son échéance sera du même montant (un peu comme si l'assurance était gratuite). En revolving, si le client réutilise son compte dans la limite de son utilisation initiale, ce nouveau tirage n'entraînera pas d'ajout prochain d'une nouvelle échéance de crédit (ou de hausse de son échéance actuelle). La seule variable d'ajustement en crédit revolving est la durée de remboursement, qui, si elle est trop fréquemment 'remise à zéro', peut facilement tendre vers l'infini.
Les conséquences de ce principe antiéconomique peuvent être particulièrement sournoises dans les deux cas cités, et l'on peut même s'interroger sur la conformité de ce mode de fonctionnement (ou de l'explication qu'il est prévu d'en fournir aux consommateurs) avec l'esprit de la directive européenne que la loi Lagarde est censée transposer.
Cas de l'assurance emprunteur
En revolving, contrairement à toutes les autres techniques de prêt, la souscription d'une assurance facultative ne vient pas augmenter le montant de la mensualité de crédit, ce qui serait pourtant logique puisque l'assurance n'est pas offerte par le prêteur. Cette souscription vient donc perturber l'amortissement de la dette et allonger de manière très significative la durée de remboursement de cette dernière.
La souscription de l'assurance, indolore pour le client en termes de montant à rembourser mensuellement, est donc de fait une souscription à crédit (dont la conséquence est une insuffisance d'amortissement liée au débit de la prime d'assurance, qui génère des intérêts composés), et le coût total de ce 'sous - crédit' n'est évidemment jamais communiqué aux consommateurs.
Or l'objectif de la directive européenne (que partagent également les pouvoirs publics français) est d'améliorer la transparence envers les consommateurs. Le projet de loi Lagarde doit donc préciser comment traiter ou supprimer ce sous - crédit pour être conforme à l'esprit de cette directive.
Cas des réutilisations 'sans changer le montant de l'échéance'
Dès réception du relevé qui suit son premier remboursement, le client revolving est invité, en première page de son relevé, à réutiliser son compte 'sans changer le montant de son échéance' ; cette invitation commerciale est même fréquemment accompagnée d'un coupon de demande de réutilisation.
Tous les mois, cette sollicitation commerciale sera présente dans son relevé de compte.
La tentation est grande de renvoyer le coupon de 'demande de virement sans changer mon échéance' car cette opération, qui pourtant équivaut à la souscription d'un nouveau crédit, ne génère pas d'obligation de remboursement dès le mois suivant, mais... en fin du crédit précédent.
Le client succombant à la tentation une première fois entre dans un cercle vicieux dont il sera très difficile de sortir : certains en arriveront même à réutiliser tous les mois leur compte, pour un montant égal à l'amortissement compris dans l'échéance qu'ils viennent de payer.
Aux yeux de ces consommateurs, le revolving est vraiment formidable : leur propre échéance de crédit peut, de manière tout à fait légale être payée à crédit. Avec un produit pareil, 'c'est Noël tous les mois', et ce jusqu'à la fin de la vie, puisque le crédit ne s'amortit absolument jamais.
Malheureusement, dans la réalité, cette belle mécanique ne tiendra que jusqu'au moment où un grain de sable viendra l'enrayer. Ce grain de sable porte un nom, qui permet à tout le monde de fuir ses responsabilités. L'euphémisme couramment utilisé est le suivant : le client a été victime d'un 'accident de la vie' que seule la fatalité vient alors expliquer.
En théorie financière, ce système qui porte le nom de cavalerie est en général prohibé. Dans la pratique, cette cavalerie est facile à mettre en oeuvre, de manière tout à fait légale, dès l'ouverture d'un seul compte revolving, dans un seul établissement.
Et, comme il est bien sûr possible d'ouvrir plusieurs comptes revolving dans plusieurs établissements, les effets peuvent s'ajouter et le désastre devient vertigineux.
La loi sur le crédit à la consommation
Ne serait-il pas temps d'apporter quelques précisions techniques au projet de loi, quelques garde-fous permettant de mieux définir les principes de transparence dans la communication et de durée maximale de remboursement ?
Le projet de loi Lagarde comporte de réelles avancées. Toutefois certains principes éthiques, pourtant inscrits dans la loi, sont encore trop facilement contournables du fait d'un manque évident de garde-fous les précisant. Par ailleurs, certaines ambiguïtés sont toujours présentes dans le débat, dont la conséquence est l'absence de prise en compte de certaines réalités, pourtant guère reluisantes, dans le projet de loi.