Budget 2026 : un texte largement amendé, mais finalement rejeté ?

Budget 2026 : un texte largement amendé, mais finalement rejeté ? Les députés ont jusqu'à dimanche pour voter la partie "recettes" du budget 2026 avant que le texte soit transmis au Sénat, mais l'ensemble des groupes semblent vouloir s'opposer à l'adoption du texte.

La France aura-t-elle un budget 2026 ? Elle n'en prend pas le chemin. Les députés ont jusqu'au dimanche 23 novembre pour voter le volet "recettes" du projet de loi finances (PLF) avant que le te texte ne soit transmis au Sénat. Avec encore plus de 1 200 amendements à débattre en quatre jours, la tenue du vote n'est pas garantie. Mais si scrutin il y a, l'issue de ce dernier ne fait plus de doute : le PLF sera rejeté par une majorité d'élu. Si le budget 2026 a largement été amendé par la gauche et l'extrême droite, les victoires obtenues par chaque camp ont prévu le texte d'une ligne claire et rendent le PLF insoutenable pour la plupart des groupes de l'Assemblée nationale.

Les députés du socle commun, c'est-à-dire le camp présidentiel et la droite de LR, ont indiqué au Premier ministre dans la soirée du 17 novembre qu'"en l'état" et "en raison de l'insincérité de certaines mesures" ils ne voteront pas le budget 2026, rapporte l'entourage de Sébastien Lecornu. Si les élus macronistes hésitent entre un vote contre et une abstention, la droite semble se dirige vers une opposition franche au PLF. "C’est le musée des horreurs fiscales. Évidemment qu’on votera tous contre. Le contraire serait un suicide collectif !", a commenté un élu LR auprès du Figaro.

Le rejet de la partie "recettes" du texte se précise aussi du côté des oppositions. Le groupe socialiste n'a jamais imaginé voter pour le PLF, mais il réfléchissait à s'abstenir pour rendre l'adoption possible grâce aux autres groupes, mais il décidé, dans la soirée du mercredi 19 novembre, de voter contre le texte malgré les amendements qu'il a réussi à faire passer. "Autant les socialistes pensent que sur le PLFSS (budget de la Sécurité sociale) la discussion a permis d'avancer, autant sur le PLF, nous sommes loin du compte du fait de l'incapacité du socle commun à rompre avec ses totems. En l'état, les socialistes voteront contre cette première partie du PLF", a indiqué un participant au bureau national du PS à la presse. Le vote des élus LFI et de ceux du RN sera, sauf surprise, également opposé au PLF.

C'est donc un rejet unanime du PLF qui se dessine à l'Assemblée nationale, une première mais pas une surprise selon Philippe Juvin, député LR et rapporteur général du budget : "Honnêtement, je ne vois pas qui peut voter ce texte". Mais en cas de vote et de rejet, le PLF sera transmis au Sénat dans sa version initiale, balayant d'un revers de main des nombreux jours de débats à l'Assemblée. Reste à savoir si les députés s'accorderont un budget en deuxième lecture. Les élus macronistes et de droite disent avoir la "volonté de continuer à travailler à un compromis lors des prochaines étapes de la navette parlementaire". A noter que si les débats traînent en longueur dans l'hémicycle, aucun vote n'aura lieu et alors le gouvernement transmettra le PLF modifié par les amendements votés au Sénat, comme il l'a annoncé. C'est un scénario que certains élus pourraient préférer et pour lequel ils pourraient jouer la carte de l'obstruction.

Pour rappel, le gouvernement a posé l'objectif d'économiser 31 milliards d'euros pour réduire le déficit public à 4,7% du produit intérieur brut (PIB) en 2026. Un effort conséquent décomposé en deux étapes : la récolte de 14 milliards d'euros notamment grâce à des hausses d'impôts, et l'économie de 17 milliards via la limitation des dépenses de l'Etat. Le gouvernement a cependant laissé une petite marge de manoeuvre aux négociations à l'Assemblée, tant que le déficit reste inférieur à 5 % du PIB. Les députés ont d'ailleurs amendé le PLF en supprimant certaines hausses d'impôts, en en rejetant d'autres, mais en adoptant plusieurs mesures fiscales. Tour d'horizon sur le contenu du texte :

La hausse généralisée de l'impôt sur le revenu retoquée

Alors que le gouvernement prévoyait dans le budget 2026 une année blanche, soit la non-indexation du barème de l'impôt sur l'inflation, une majorité des députés à l'Assemblée nationale a voté contre. Le barème de l'impôt ne sera donc pas gelé, mais indexé sur l'inflation à 1,1%. Ce gel était très critiqué, puisqu'il aurait mécaniquement augmenté le montant de l'impôt sur le revenu pour la quasi-totalité des ménages. Certains foyers fiscaux ayant connu une hausse de revenus auraient même été susceptibles de changer de tranche et de payer plus d'impôts. Par ailleurs, 200 000 foyers fiscaux se trouvant dans la première tranche, et donc non-imposables, risquaient de devoir payer des payer impôts en cas de gal du barème.

Certains retraités devaient également être concernés par une hausse d'impôts, mais la copie du gouvernement a été retoquée. La version initiale du PLF proposait de remplacer l'abattement fiscal de 10 % accordé aux retraités au titre des frais professionnels par un abattement forfaitaire de 2 000€. Mais les députés ont supprimé cette mesure avec 213 voix contre et 17 voix pour. La mesure avait déjà été retoquée par un amendement soutenu par la majorité de l'opposition en commission.

De nouvelles taxes et des avantages rabotés

Si la hausse de l'impôt sur le revenu a été rejetée par les délutés, les ménages risquent tout de même de perdre en pouvoir d'achat à cause de la suppression de 23 niches fiscales, sur les 474 existantes. Si la suppression de certaines des niches visées, jugées obsolètes, inefficaces ou touchant trop peu de personnes, ne devrait pas faire polémique, d'autres suppressions vont avoir des conséquences directes sur les Français. Voici quelques exemples :

  • La fin de la réduction d'impôt sur les frais de scolarité dans le secondaire et le supérieur
  • La réduction progressive de l'avantage fiscal sur les biocarburants comme le E85
  • La fiscalisation des indemnités journalières des affections longue durée.
  • La baisse ou la fin de l'exonération des cotisations pour les apprentis
  • La hausse des charges patronales de 8% sur les avantages en nature comme les tickets-restaurants ou les chèques-vacances.

Les Français concernés vont devoir renoncer à ces avantages et en parallèle, ils vont voir de nouvelles taxes apparaître. La copie du budget 2026 table notamment sur trois nouvelles taxes : celle visant les petits colis, d'une valeur inférieure à 150€, en provenance d'un pays hors de l'Union européenne qui s'élèveront à 2€ par article ; celle sur le vapotage taxant de 30 à 50 centimes chaque flacon de 10 ml selon le taux de nicotine ; et celle sur les emballages plastiques non recyclés que s'élèveront à 30€ par tonne en 2026, et progresseront tous les ans jusqu'à atteindre les 150€ par tonne en 2030.

La taxe Zucman rejetée sous toutes ses formes

Alors que le gouvernement passe par l'impôt pour récupérer des milliards d'euros de recettes, la gauche souhaite faire peser plus de mesures fiscales sur les plus riches et a notamment proposé l'instauration de la taxe Zucman. Cet impôt, pensé par l'économiste Gabriel Zucman, prévoit d'imposer de 2% les Français ayant un patrimoine supérieur à 100 millions d'euros, soit environ 1800 personnes. Face au rejet de la mesure en commission des finances, le PS a également proposé une "taxe Zucman ligth", c'est-à-dire une version allégée qui prévoit de taxer de 3% les personnes domiciliées en France dont la patrimoine excède 10 millions d'euros, en excluant les entreprises innovantes et familiales pour coller aux lignes rouges du camp présidentiel. Mais les deux versions de l'impôt ont été rejetées par les députés du bloc central, de la droite et de l'extrême droite.

Des impôts et des taxes opposés aux plus hauts revenus

Plusieurs impôts et taxes concernant uniquement les Français les plus aisés ont été annoncés et/ou prolongés à l'occasion du budget 2026. Certaines mesures sont en bonne voie pour être validées à l'Assemblée nationale, mais d'autres sont susceptibles d'évoluer, comme la nouvelle taxe visant les holdings patrimoniales, proposée par le gouvernement en alternative à la taxe Zucman.

  • La création d'une taxe sur les holdings patrimoniales qui sont parfois utilisées par les plus fortunés pour contourner l'impôt. Cette taxe vise à faire échec à ces stratégies de contournement par la thésaurisation de revenus. Une mesure présentée comme une lutte contre l'optimisation fiscale par Sébastien Lecornu durant son discours de politique générale. En commission, cette taxe a été supprimée et remplacée par erreur par une taxe sur les holdings patrimoniales devant être récoltée uniquement à la mort du propriétaire. Certains députés croyaient compléter le dispositif et non le remplacer. L'erreur ne devrait pas se reproduire dans l'hémicycle.
  • La prolongation de la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) mise en place lors à l'occasion du budget 2025. Il s'agit d'une surtaxe appliquée aux ménages dont les revenus dépassent 250 000 euros pour un célibataire et 500 000 euros pour un couple. Elle fixe un taux minimal d'imposition de 20 %. Elle s'ajoute en réalité à la contribution exceptionnelle pour les hauts revenus (CEHR) qui cible les mêmes foyers fiscaux ainsi qu'à leurs impôts sur le revenu pour qu'ils soient bien imposés d'au moins 20 %. Pensée pour durer une année, cette mesure pourrait finalement être pérennisée jusqu'au retour du déficit à 3% du PIB, soit jusqu'en 2029 selon les projections gouvernementales.
  • La transformation de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) en impôt sur la fortune improductive qui élargit l’assiette de l’impôt en ne tenant plus compte que des bien immobiliers, mais modifie le barème et crée un abattement sur la résidence principale ou unique. Le chiffrage de la mesure est en cours.
  • Le retour de l'"exit taxe" dans sa forme de 2019 visant à freiner l'évasion fiscale. Il est question de taxer un contribuable domicilié fiscalement en France et détenant des actions lorsqu’il transfère son domicile fiscal hors de France sur la plus-value latente qui résulterait de la vente de ses actions.

Durant les débats en commission des finances, un autre impôt concernant les plus hauts revenus avait été ajouté par amendement. Il s'agissait d'un impôt pour les Français aux hauts revenus expatriés dans des paradis fiscaux a été proposée par un amendement de LFI et votée. Il s'agit d'une contribution sur "les plus hauts revenus", soit à partir de 230 000€ environ, en cas de départ vers un pays à la fiscalité généreuse. Pour déterminer les paradis fiscaux concernés par la taxe, il est proposé de retenir les pays "pratiquant une fiscalité inférieure de plus de 40% à celle de la France en matière d’imposition sur les revenus du travail, du capital ou du patrimoine". A noter que l’impôt payé auprès du pays de résidence pourrait être déduit de l’impôt français.

Des hausses de taxes sur les entreprises

Outre les hauts revenus, les entreprises sont également mises à contribution avec des hausses d'impôts et/ou des nouvelles taxes adoptées concernant certaines entreprises et souvent celles générant les plus hauts chiffres d'affaires.

  • La prolongation de la contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises également mise en place avec le budget 2025. Cet impôt vise les 400 plus grandes entreprises françaises et oppose un taux d'imposition de 10,3 % pour les entreprises ayant chiffre d'affaires compris entre 1 et 1,1 milliard d'euros et un taux de 20,6 % pour celles ayant un chiffre d'affaires compris entre 3 et 3,1 milliards d'euros. Si cet impôt est reconduit, il devrait être divisé par deux par rapport à l'année dernière.
  • L'augmentation de la taxe Gafam qui vise les multinationales et les géants de la tech a été adoptée. Cet impôt doit doubler, passant de 3 à 6%. Il s'agit d'un compromis, le texte initial proposant de multiplier la taxe par cinq. Une révision à la baisse pour éviter des représailles trop importantes venant des Etats-Unis, dont son originaire la plupart des Gafams.
  • La hausse de la surtaxe sur les bénéfices des grandes entreprises a été votée et va augmenter le taux d'impôt pour les très grandes entreprises jusqu'à 35,3%, mais va alléger cette taxe pour les entreprises intermédiaires. L'Assemblée a toutefois réduit l'impôt sur les sociétés des petites et moyennes entreprises jusqu’à 100 000 euros de bénéfice.
  • L'augmentation de la taxe sur les rachats d’actions qui passe de 8% à 33%  portée à 33 % contre 8 %.
  • Une taxe exceptionnelle sur les superdividendes a été votée, mais jugée inapplicable par le gouvernement par rapport au droit européen.

Si les augmentations de taxes ou d'impôts sont nombreuses dans la copie du budget, les baisses de charges sont nettement moins présentes. Une seule mesure fiscale significative prévoit une baisse de l'impôt pour les entreprises, notamment de l'impôt de production ou cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Cet impôt, qui "pèse sur la production de nos petites et moyennes entreprises" selon Sébastien Lecornu, baissera avant d'être définitivement supprimé en 2028, soit deux ans plus tôt que prévu. "Afin de soutenir la dynamique de réindustrialisation française et d'accompagner nos petites et moyennes entreprises et nos entreprises de taille intermédiaire, il est proposé de reprendre, dès 2026, la suppression progressive de la CVAE", indique le projet de loi de finances. Le gouvernement estime que cette baisse se traduirait par 1,3 milliard d'euros de recettes en moins.

Dernières mises à jour

12:39 - La position du PS agace en macronis

La décision du PS de rejeter le PLF 2026, malgré les amendements qu'ils ont réussi à faire passer, irrite certains élus macronistes à l'instar de Prisca Thévenot. "Ils ont le budget dont ils auraient rêvé et ils nous disent qu’ils ne vont pas voter ce budget… Il y a un petit problème de cohérence", critique la députée. critique, en réponse, Prisca Thevenot. L'élue qui, comme son groupe, n'entend pas voter le texte non plus après les nombreuses modifications apportées par les oppositions s'agace aussi du gouvernement qui fait porter la responsabilité du budget 2026 sur le Parlement appelant sans cesses à la responsabilité et aux compromis. "Ça commence légèrement à me chatouiller. L’exécutif ne peut pas totalement se défausser sur nous. Le compromis doit s’appuyer sur une ligne politique claire, sinon, c’est de façade", déplore Prisca Thevenot auprès du Figaro.

11:46 - Un rejet en première lecture, mais une porte ouverte à l'adoption du PLF selon la suite des débats

Un cadre du groupe de députés socialiste explique la décision du parti par l'insuffisance de recettes fiscales obtenues, lesquelles ont été limitées par rapport aux ambitions du PS avec le rejet de taxes visant les plus riches comme la taxe Zucman. Le parti indique toutefois que sa position pourra évoluer en fonction de la tournure des débats : "On n’a obtenu que six milliards de recettes sur les 15 que l’on réclamait. Ce n’est pas assez. Stratégiquement, on votera contre sans dramatiser le moment. La navette parlementaire se poursuit".

Une position similaire à celle des groupes du socle commun qui ont annoncé s'opposer au texte, mais ont aussi affirmé avoir la "volonté de continuer à travailler à un compromis lors des prochaines étapes de la navette parlementaire". 

, explique un cadre du groupe PS à l’Assemblée. « Ils ont le budget dont ils auraient rêvé et ils nous disent qu’ils ne vont pas voter ce budget… Il y a un petit problème de cohérence », critique, en réponse, Prisca Thevenot. Seul le président du groupe Liot, Christophe Naegelen, laisse une petite ouverture et ne ferme pas totalement la porte à un vote favorable : « Il reste quatre jours de débat et c’est à la fin que nous prendrons notre décision, même si à cette heure nous sommes pessimistes. »

11:02 - Le PS annonce voter contre la partie "recettes" du budget

Le PS ne comptait pas voter pour l'adoption du PLF en première lecture à l'Assemblée, mais il envisageait de s'abstenir pour permettre l'adoption du texte grâce aux voix d'autres groupes. Seulement, lors d'une réunion de son bureau national dans la soirée du mercredi 19 novembre, le groupe d'élus socialiste a décidé de voter contre le texte. "Autant les socialistes pensent que sur le PLFSS (budget de la Sécurité sociale) la discussion a permis d'avancer, autant sur le PLF, nous sommes loin du compte du fait de l'incapacité du socle commun à rompre avec ses totems. En l'état, les socialistes voteront contre cette première partie du PLF", a indiqué un participant à la réunion à la presse.