Nanao Nanaki (Helck) : "utiliser la grammaire de la fantasy rend mon manga plus accessible"
Frieren, Glouton & Dragons, Ranking of King… Le manga ne cesse d'innover dans la relecture d'une Fantasy que l'on imaginait explorée de fond en comble. Précurseur de ce renouveau de la Fantasy, le manga Helck a surpris tout un lectorat au Japon et dans le reste du monde. Même son éditeur Sho Kobayashi ne s'attendait pas à un tel succès.
Ce dernier nous explique comment la première œuvre de Nanao Nanaki est arrivée au sein du site de prépublication de Shogakukan : Ura Sunday. Il nous apprend que Helck, est une création réalisée pour participer au second concours de jeunes talents du Ura Sunday. Concours qui ouvre la porte à une potentielle sérialisation.
Le concept original du one-shot mettait en scène le roi des démons et un héros. Seuls les personnages de Helck, Rococo et du démon en charge du comic relief étaient présents. Le roi démon n'était d'ailleurs pas une femme comme Vermilio, mais un homme des plus banals.
C'est en discutant avec l'auteur, qu'ils ont peaufiné le concept, étape par étape. " Il est important que le lore d'une histoire soit simple à appréhender. Mais une fois que le personnage de Vermilio a été créé, l'histoire s'est approfondie. Au point de devenir l'histoire des quatre rois célestes de l'Empire, d'un héros et du roi démon. Bien plus difficile à appréhender".
Helck
— (@nanaki_nanao) July 25, 2023
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Une histoire originale, avec un univers riche, presque trop riche, qui faisait craindre à l'éditeur que le comité éditorial n'approuve pas ce projet de publication en série. " J'avais peur que la sérialisation soit rejetée ou alors que la publication manga soit annulée très vite", nous explique Sho Kobayashi. Mais le flair du comité éditorial a senti la pépite, " après plusieurs allers-retours entre le comité éditorial, moi-même et maître Nanao, nous avons réussi à équilibrer le mélange d'histoire sérieux et de comique parfois absurde qui sont la marque de fabrique de maître Nanao". Le manga de Nanao Nanaki a été bien au-delà des attentes et espoirs éditoriaux : 12 volumes qui ont conquis le lectorat japonais.
À l'occasion de la publication en France de sa série, le mangaka a accepté de répondre aux questions de Linternaute.com.
Linternaute.com : Quelle a été l'étincelle qui vous a donné envie de devenir mangaka ?
Nanao Nanaki : Je pense que c'est venu quand je m'entraînais au dessin. Et les retours que j'ai eus étaient bien plus enthousiastes que ce à quoi je m'attendais.
Vous avez commencé par publier vos mangas sur la plateforme Nico Nico Seiga. Pouvez-vous nous dire comment et pourquoi ?
Justement pour m'entraîner à dessiner.
Vous avez postulé au second tournoi de jeune talent du Ura Sunday. Pourquoi participer à ce concours ?
À l'époque, obtenir une sérialisation via un magazine était un processus très long et fastidieux. Et l'attrait particulier de ce concours, c'est qu'il permettait de décrocher une sérialisation.
Comme de plus le défraiement pour les pages était identique à ceux d'un concours de magazine physique, j'ai donc tenté le coup.
Même si je ne m'attendais pas du tout à remporter quoi que ce soit, je souhaitais avant tout éprouver ma valeur.
Vous avez réalisé pour ce concours les trois premiers chapitres de Helck. Aviez-vous en tête la fin de l'histoire à ce moment ?
J'avais seulement en tête qu'il me faudrait explorer le passé douloureux de Helck et aussi qu'il y aurait une bataille palpitante où tous ses camarades seraient blessés.
Est-ce que vous avez décidé de commencer l'histoire par un tournoi, car vous-même participez alors à un tournoi ?
Oui, tout à fait. Participer à ce tournoi de jeunes auteurs est devenu le point de départ de l'aventure créatrice de Helck.
Comment avez-vous trouvé cet équilibre si particulier entre l'humour et le côté plus sérieux de l'histoire ?
Probablement parce que les œuvres que je préfère regarder mélangent burlesque et sérieux.
Helck, semble être une parodie du mythe d'Héraclès. Comment est né ce personnage ?
En effet. J'ai basé son design sur Héraclès, mais j'ai l'impression que n'importe quel personnage musclé aurait fait l'affaire.
À cette époque, je n'avais quasiment pas vu d'histoire de Fantasy avec comme protagoniste un personnage hyper musclé, alors je me suis dit que ça me permettrait de me distinguer.
Au fil de la progression de l'histoire, la personnalité d'Helck, ses actions et sa philosophie sont devenues de plus en plus claires. Il est, par la force des choses, devenu ce héros à la fois fort et bienveillant.
C'est donc son design que vous avez imaginé en premier ?
Son apparence en effet. J'avais aussi à cœur d'avoir un design original. Dans les premières étapes de la planification de la série, Rococo avait le rôle de l'héroïne, alors j'ai réfléchi à donner à Helck un design totalement à l'opposé de ce style.
Le nom "Héraclès" a été décomposé en Helck et Cless. Vous aviez dès le départ imaginé les deux frères héros ?
C'est au milieu de la planification que j'ai eu cette idée.
Je me suis dit que ce serait trop simple, trop classique, si je racontais l'histoire d'un héros qui venait perturber un tournoi.
Alors j'ai eu l'idée de séparer ce rôle d'élément perturbateur en deux personnes.
Je ne sais pas si j'ai réussi à bien le montrer, mais je voulais aussi surprendre les lecteurs en leur faisant croire que le héros qu'ils ont vu lors du flashback d'introduction était Helck.
Helck prend les tropes principaux de la Fantasy et joue avec. Est-ce un choix que vous avez fait d'être original pour surprendre les lecteurs ?
Je n'ai pas forcément souhaité surprendre les lecteurs. Mais je me suis dit qu'utiliser la grammaire de la fantasy, surtout celle des jeux vidéo rendrait mon manga plus accessible auprès du lectorat.
C'est très rare de commencer une histoire d'aventure avec un héros Adulte et déjà au niveau maximum. Pourquoi ce choix ?
C'est parce que mon objectif premier était d'avoir un fort impact dès le premier chapitre.
Dans le tournoi de l'Ura Sunday, si on gagne le premier tour, on peut publier trois chapitres.
Mais si on échoue à la première étape alors c'est la fin.
Alors je me suis dit qu'une histoire avec un développement un peu lent serait vouée à l'échec.
C'est pourquoi j'ai conçu mon histoire avec en tête d'avoir un impact très fort dès le départ.
Vous avez un bestiaire incroyablement riche et original. Quelles sont vos références ou sources d'inspiration ?
Mon inspiration est multiple : des jeux vidéo, des films, des dessins animés, ou encore les relations humaines.
Mais il ne faut pas croire qu'une inspiration suffit pour créer un personnage en un claquement de doigts.
C'est un processus de conception très long, jusqu'au moment où ça fait clic dans ma tête.
Il arrive parfois que ce clic n'arrive pas et que je n'arrive pas à créer de personnage.
Vermilio est un personnage essentiel tout au long de l'histoire. Comment est né ce personnage ?
L'idée de dessiner une fille aux yeux bridés a été l'élément déclencheur.
Je me souviens m'être bien amusé à dessiner un personnage avec un design que je n'avais jamais réalisé jusqu'à présent.
Lors du début du projet Helck, j'avais attribué le rôle du personnage sérieux à un vieux démon. Mais quand j'ai essayé Vermilio dans ce rôle, c'était tout de suite bien plus efficace. Alors je l'ai adoptée.
Aviez-vous imaginé dès le départ son rôle majeur ?
Je suppose.
— @ (@piui_nanaki) April 1, 2019
Et comment est né Piwi, le monstre si mignon ?
Je l'ai dessiné machinalement. Je crois même l'avoir dessiné directement sur le manuscrit, sans même faire la moindre ébauche préparatoire (rires).
Merci à maître Nanao Nanaki et à Sho Kobayashi son éditeur, ainsi qu'aux équipes de Shogakukan et de Viz Media Europe et bien sûr aux équipes de Doki-Doki pour avoir rendu cette interview possible.
Helck, de Nanao Nanaki, publié aux éditions Doki-Doki, 7,95€ par volume