Trois sources pour un livre

'ce livre est né de la nécessité intime, pour moi, d'écrire sur le handicap.'
"Ce livre est né de la nécessité intime, pour moi, d'écrire sur le handicap." © L'Internaute Magazine / Marie Bruggeman

Comment avez-vous construit ce roman ?

Olivier Delorme : Ce livre a trois sources. D'abord mon indignation face à la disparition depuis une décennie de toute véritable politique culturelle et notamment, en ce qui concerne les musées, la priorité donnée au développement de ce qu'on appelle pudiquement " les ressources propres ".

" J'ai peur que l'authenticité et la valeur intrinsèque des objets n'aient plus qu'une importance négligeable en regard d'un concept marketing prometteur"

Il ne s'agit plus, comme Malraux l'avait fait inscrire dans la charte de création du ministère de la Culture, de rendre accessible au plus grand nombre les œuvres majeures de l'humanité. Il s'agit de faire de la com et du fric, en vendant son nom aux Emirats, en louant ses collections à Atlanta, en insinuant qu'il faudrait peut-être laisser aux musées la "liberté" de vendre une partie de leurs œuvres, en montant des expositions aussi nulles que celle actuellement consacrée à Marie-Antoinette, ou en ouvrant des "antennes" du Louvre ou de Beaubourg, au lieu de promouvoir une véritable décentralisation qui supposerait de donner les moyens aux musées de province de se développer. Comme le dit un de mes personnages, si l'on continue dans cette voie-là : " j'ai peur que l'authenticité et la valeur intrinsèque des objets n'aient plus qu'une importance négligeable en regard d'un concept marketing prometteur ; désormais, au musée comme ailleurs, peu importe l'entourloupe si l'impact médiatique et le retour sur investissement sont au rendez-vous. "

"On condamne sans tenir compte de l'absence de preuves matérielles ni du doute qui, en droit, devrait pourtant profiter à l'accusé."

La deuxième origine, c'est le procès fait à un conservateur de la Bibliothèque nationale pour avoir volé et vendu des manuscrits confiés à sa garde. Or, il m'a semblé que, dans cette affaire comme dans d'autres, lorsque la justice s'est choisie un coupable, les garanties théoriques dont dispose un accusé ne pèsent plus très lourd face à la machine et à ses logiques. Outreau l'a montré jusqu'au monstrueux. Mais rien n'a changé depuis. Au pays des droits de l'Homme qui donne volontiers des leçons à la terre entière, on emprisonne toujours aussi facilement en préventive des présumés innocents pour les "casser", on condamne sans tenir beaucoup compte de l'absence de preuves matérielles ni du doute qui, en droit, devrait pourtant profiter à l'accusé, on détient dans des prisons à l'état révoltant l'ensemble de ces dysfonctionnements constituant à mes yeux un véritable cancer qui ronge notre démocratie.

"Ce livre est né de la nécessité intime, pour moi, d'écrire sur le handicap. C'est le cœur battant de ce bouquin."

Enfin la troisième origine de ce livre, c'est la rencontre avec un lecteur, à la Fnac de Reims, dans une signature d'un précédent roman, Le Château du silence. Michel Robert, à qui est dédicacé L'Or d'Alexandre, est devenu un ami. Il est tétraplégique. C'est en le connaissant mieux que je me suis rendu compte de ce que, jusque-là, je n'avais pas su voir. Ce livre est né de la nécessité intime, pour moi, d'écrire sur le handicap. C'est le cœur battant de ce bouquin, et si Michel n'avait pas répondu à mes questions les plus indiscrètes, je n'aurais jamais pu le mener à bien.