Cabinet noir, police politique : le livre "Bienvenue place Beauvau" est tout de même compromettant

Cabinet noir, police politique : le livre "Bienvenue place Beauvau" est tout de même compromettant François Hollande aurait bien profité d'une "mécanique complexe" permettant d'"orchestrer les affaires judiciaires". Mais les auteurs de l'ouvrage nie l'existence d'un cabinet noir.

[Mis à jour le 24 mars 2017 à 15h26] Des manoeuvres ont-elles lieu au sommet de l'Etat pour nuire à François Fillon ? L'accusation est désormais portée par le principal intéressé, qui s'appuie sur l'ouvrage "Bienvenue place Beauvau - Police : les secrets inavouables d'un quinquennat " (Robert Laffont). Deux des auteurs écrivent pourtant en page 14 que "le supposé cabinet noir de l'Elysée n'est pour rien" dans les déboires judiciaires de François Fillon. Comme le rapporte France Info, qui a épluché le livre, l'ouvrage met au jour la "mécanique complexe aussi efficace que redoutable" qui permet au président d'"orchestrer les affaires judiciaires".

Au centre du dispositif, les fonctionnaires de Tracfin, le service du ministère chargé de traquer la fraude fiscale. "Chaque semaine, le patron de Tracfin prend le chemin de l'Elysée pour assister, avec les directeurs des six autres services secrets, à la réunion organisée par le coordinateur du renseignement", écrivent les auteurs, qui insistent : "Afin d'allumer la mèche d'une affaire politico-judiciaire, il suffit que Tracfin pêche au bon endroit, remonte dans ses filets une infraction, et la transmette officiellement à la justice".

Un "cabinet noir" ? La phrase qui sème le doute

Pour autant, les auteurs n'écrivent nul part que François Hollande a mis sur place un cabinet noir, et encore moins que celui-ci s'active contre François Fillon en vue de l'élection présidentielle. Rappelons que le chef de l'Etat n'est pas candidat. D'après des confidences recueillies et diffusées ces dernières semaines par Le Canard Enchaîné, il aurait considéré qu'il n'y a pas meilleur candidat à la présidentielle pour la gauche que le très libéral et conservateur François Fillon qui ferait office de repoussoir... Reste que "Bienvenue place Beauvau" s'interroge sur la structure opaque permettant au chef de l'Etat d'être informé ou d'intervenir sur les affaires.

Au début de l'ouvrage, on peut lire cet extrait, rapporté par Le Parisien, qui semble confirmer que pour François Fillon, ce cabinet noir est bien réel : "En 2017, cinq ans après sa défaite électorale, ce ne sont pas moins de treize affaires judiciaires qui empoisonnent Nicolas Sarkozy ou son entourage. Au point que les sarkozystes, prompts à s'afficher en victimes, y voient la main d'un cabinet noir. Celui qu'il désignait comme son "collaborateur" lui donne bien involontairement raison. François Fillon déjeune le 24 juin 2014 avec son ancien ministre recyclé secrétaire général de l'Élysée. Aussitôt sorti de table, Jean-Pierre Jouyet fait le récit de ses agapes à son ami de toujours François Hollande. Fillon lui aurait demandé d'accélérer les procédures judiciaires impliquant son rival des Républicains". 

Un cabinet noir ou une police politique ?

Si François Fillon a demandé au secrétaire général d'intervenir, est-ce parce qu'il est persuadé que ce cabinet noir existe ? "Il n'est pas possible d'en apporter la preuve formelle. Comme il n'est pas possible de prouver le contraire !" écrivent les auteurs, qui ajoutent : "Mais l'addition d'indices troubles et de témoignages étonnants interroge. Plusieurs observateurs bien placés dans l'appareil policier nous ont ainsi décrit par le menu l'existence d'une structure clandestine, aux ramifications complexes, et dont le rayon d'action ne se serait pas cantonné au seul renseignement territorial".

Depuis les accusation de François Fillon, formulées jeudi 23 mars sur France 2, deux des auteurs du livre en question ont réagi. Olivia Recasens a eu ces mots sur RMC : "Le cabinet noir tel que le définit François Fillon n'existe pas. Il existe une remontée des informations judiciaires mais c'est une vieille et une très mauvaise habitude du politique qui existe depuis très longtemps". Didier Hassoux a lui expliqué à France Info : "La seule personne qui croit qu'il y a un cabinet noir à l'Elysée, c'est François Fillon. (...) Ce cabinet noir n'existe pas. Nicolas Sarkozy avait mis en place une police politique. François Hollande, lui, a simplement instrumentalisé la police à des fins politiques, mais comme tous les présidents de la Ve République".