Démission de Jérôme Cahuzac : pourquoi François Hollande a limogé son ministre

Démission de Jérôme Cahuzac : pourquoi François Hollande a limogé son ministre Le ministre du Budget, visé par une information judiciaire sur un compte en Suisse présumé, a démissionné de ses fonctions.

[Mis à jour le 19 mars 2013 à 20h26] C'est un communiqué envoyé à 19 heures par l'Elysée qui a créé la surprise : le ministre du Budget Jérôme Cahuzac a été démis de ses fonctions "à sa demande" ce mardi 19 mars, en fin de journée. Visé depuis plusieurs mois par les accusations du site Médiapart sur un présumé compte en Suisse qu'il aurait détenu par le passé, il serait désormais dans le viseur de la justice. Une enquête préliminaire, ouverte le 8 janvier, aurait en effet établi un lien entre Jérôme Cahuzac et ce compte présumé. L'enquête a notamment établi que la voix du socialiste était "probablement" présente sur un enregistrement, déjà mentionné par Médiapart, qui confirmerait qu'il détenait un compte en suisse.

Mardi 19 mars dans l'après-midi, le parquet de Paris a requis l'ouverture d'une information judiciaire contre X pour "blanchiment de fraude fiscale". Une décision qui a poussé le ministre à la sortie. Selon l'Express, François Hollande a décidé de se séparer de son ministre "à peine l'ouverture d'une enquête connue". Le communiqué de l'Elysée précise que le chef de l'Etat "a mis fin aux fonctions de Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, à sa demande". C'est l'actuel ministre des Affaires européennes Bernard Cazeneuve qui le remplacera au Budget. Cazeneuve est lui même remplacé aux Affaires européennes par Thierry Repentin, actuel ministre délégué à la formation professionnelle.

L'affaire Cahuzac : des révélations de Médiapart à la démission du ministre

Spécialiste de la fiscalité, longtemps patron de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, Jérôme Cahuzac a été accusé par Médiapart le 4 décembre 2012 d'avoir été le titulaire, jusqu'en 2010, d'un compte en Suisse non déclaré, ouvert au sein de la banque UBS, à Genève. Le ministre dément immédiatement l'information mais le 5 décembre, Médiapart rend public un enregistrement datant de 2000. Sur cette bande sonore, on entend un homme préoccupé par son compte en Suisse et qui s'interroge sur la façon de le fermer. "Moi, ce qui m'embête, c'est que j'ai toujours un compte ouvert à l'UBS, mais il n'y plus rien là-bas, non ? La seule façon de le fermer, c'est d'y aller ?", sont les paroles exactes enregistrées. Des mots prononcés par Jérôme Cahuzac lui-même selon les journalistes de Médiapart, ce que l'intéressé dément.

Le 6 puis le 20 décembre, Jérôme Cahuzac porte plainte à deux reprises en diffamation contre le site Internet, jugeant ses révélations "délirantes". Pendant que ces procédures sont entamées, d'autres informations émergent sur l'affaire. On apprend d'abord que Cahuzac aurait été visé par un inspecteur des impôts dès 2008 pour son compte présumé à l'UBS. Ce dernier aurait obtenu des informations de détectives privés enquêtant sur le patrimoine de l'homme politique en marge de son divorce avec Patricia Cahuzac. L'agent du fisc sera ensuite sanctionné par sa hiérarchie pour avoir mis le nez dans un dossier dont il n'avait pas la charge. Le 21 décembre, le nom du détenteur de l'enregistrement révélé par Médiapart est rendu public à son tour : il s'agit de Michel Gonelle, un ancien rival politique de Jérôme Cahuzac, ancien maire RPR de Villeneuve-sur-Lot.

Pendant plusieurs semaines, Edwy Plenel, directeur de Médiapart, va défendre l'enquête de ses journalistes face à un Jérôme Cahuzac stoïque ("Je n'ai pas, je n'ai jamais eu de compte à l'étranger, ni maintenant, ni avant", déclarera-t-il à l'Assemblée nationale). Ce dernier va demander à la banque UBS de confirmer qu'il n'a jamais eu de compte ouvert dans cet établissement (cf. vidéo ci-dessous). Une demande relayée par Bercy dont la réponse est restée confidentielle. Le 8 janvier 2013, la presse rapporte qu'une enquête préliminaire a été ouverte. Jérôme Cahuzac s'est alors déclaré satisfait par cette procédure qui devait lui permettre "de démontrer sa complète innocence".

Mais cette procédure, en validant l'enregistrement de Médiapart, s'est finalement retournée contre le ministre. L'information judiciaire ouverte le 19 mars concerne non seulement le compte présumé que Jérôme Cahuzac aurait détenu en Suisse, mais aussi ce qu'il pouvait cacher : ancien médecin ayant fait fortune avec son épouse dans la chirurgie esthétique, Jérôme Cahuzac aurait bénéficié "d'avantages" de la part de laboratoires, selon un témoin.

François Hollande coincé

L'ouverture d'une information judiciaire accréditant les thèses de Médiapart sur le compte en Suisse présumé de Jérôme Cahuzac n'a pas laissé le choix à François Hollande. Jusqu'à présent, le ministre du Budget bénéficiait d'un soutien sans faille du président de la République et du Premier ministre Jean-Marc Ayrault. En période de disette budgétaire, Jérôme Cahuzac était en outre une pièce maîtresse du gouvernement. Dernièrement, il avait pris à bras le corps la délicate question des économies à réaliser dans les ministères. Mais ayant axé sa campagne de 2012 sur l'indépendance de la justice et la "déontologie" des ministres ("Moi président de la République..."), François Hollande se devait de "lâcher" son ministre une fois la procédure confirmée.

Pour l'instant Jérôme Cahuzac s'est contenté d'expliqué que sa démission avait été décidée en vue d'assurer "le bon fonctionnement" du gouvernement. "Cela ne change rien ni à mon innocence ni au caractère calomniateur des accusations lancées contre moi et c'est à le démontrer que je vais désormais consacrer toute mon énergie", a-t-il ajouté.

EN VIDEO - Le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, a déclaré mercredi 6 février sur LCP n'avoir "aucun doute" sur la réponse de la Suisse aux autorités françaises affirmant qu'il n'avait pas de compte bancaire dans ce pays.

"Cahuzac n'a "aucun doute" sur la réponse de la Suisse"