Jean-Claude Mézières Du scénar au dessin

 

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JC Mézières. © Mathilde Chevallier / L'Internaute

Les deux auteurs de "Valérian et Laureline" se sont rencontrés alors qu'ils étaient très jeunes, durant la Seconde Guerre Mondiale et sont devenus quelques années plus tard les créateurs d'univers qu'on connait.

Mézières évoque avec beaucoup d'humour et sans garder sa langue dans sa poche le processus de création de la bande dessinée avec Pierre Christin.



L'Internaute Magazine : Dans l'intro du tome 6 de l'intégrale, qui est très bien faite, on apprend que votre scénariste Pierre Christin vous laissait une grande liberté dans vos dessins. Comment travaillez-vous ? 


Jean-Claude Mézières : Déjà "mon" scénariste est un ami de 70 ans, donc on se voit, on joue au tennis ensemble, on parle de ce qu'on va faire... Alors bien évidemment, Pierre ne me donne pas une description de l'image qu'il faut que je dessine. Sinon, je lui foutrais mon poing dans la gueule ! C'est évident. Lui, il construit le squelette d'un récit, et moi je mets la chair autour du squelette. C'est tout l'intérêt de la création en science-fiction !

pierre christin, scénariste de valérian.
Pierre Christin, scénariste de Valérian. © Dargaud

Parce que s'il me disait "alors, au premier plan, la porte d'entrée a 12 boulons d'un côté et puis la manette est rouge avec une flèche bleue"... Non, c'est pas un métier, ça. La création se fait justement avec cette espèce de ping-pong entre le texte, les dialogues (qui sont pré-établis) et le dessin. C'est comme une pièce de théâtre : il me donne le livret de la pièce -pas terminé d'ailleurs car en général, il y a tellement de choses qui évoluent- et moi je mets en scène et je dirige mes acteurs une fois que je leur ai trouvé la tête, l'allure.



L'Internaute Magazine : Et vos dessins ont-ils déjà mené à des modifications de scénario ?

Jean-Claude Mézières : Très souvent, il arrive la même chose que pour les Shingouz, qui n'avaient qu'un tout petit rôle au départ (ils arrivaient pour vendre des informations à Laureline) et Pierre les a trouvés tellement formidables que, bien sûr, on les a fait revenir, ils sont devenus nos guest-stars ! Donc il y a ce renvoi permanent scénariste-dessinateur, c'est un travail sur l'imaginaire : mon propre imaginaire basé sur l'imaginaire du récit de Christin. Et ça se complète, parfois ça s'engueule, parce que ça nous arrive ne pas être d'accord. Mais ce n'est jamais, comme disait un connard de scénariste des années 1970 : " je fais dessiner mes fantasmes " (il fait mine de donner des claques). Non mais, oh ! Ça va pas, ça...


en couverture du tome 6 de l'intégrale, les shingouz, le transmuteur grognon, le
En couverture du tome 6 de L'Intégrale, les Shingouz, le Transmuteur grognon, le califon et le Schiarfeur. © JC Mézières/ Dargaud