Vrai ou faux : "l'évolution est la survie du plus fort"

La raison du plus fort est toujours la meilleure … Si la citation de Jean de la Fontaine peut s'appliquer dans la vie de tous les jours, elle ne concerne pas la théorie de l'évolution. Explications.

Il paraît logique que les espèces les plus puissantes arrivent à conserver au mieux leur espace et puissent donc se reproduire plus facilement. Cependant, la théorie développée dans l'Origine des Espèces en 1859 par Charles Darwin ne mentionne jamais une telle affirmation. Si l'évolution n'est pas la survie du plus fort, qu'est-elle exactement ?

mixphalènes
En haut, un phalène clair et en bas, un phalène sombre. Ici, c'est la régulation du taux de mélanine, protéine à l'origine de la coloration noire de l'’insecte, qui reflète la pression de sélection. © Olaf Leillinger / GNU Free Documentation licence / Creative Commons

Cette phrase est, en réalité, un raccourci de la sélection naturelle, dans laquelle la survie de l'espèce la plus apte à vivre dans un environnement donné est favorisée. Le milieu soumet les espèces à des contraintes, englobées sous le terme de pression de sélection. Ce sont elles qui conditionnent l'évolution. Schématiquement, elles se décomposent en deux facteurs : d'un côté la pression biotique, directement liée aux êtres vivants dans l'écosystème de l'espèce considérée ; de l'autre, la pression abiotique, instituée par les éléments non-vivants (tels que la température, l'ensoleillement, etc).

La preuve par l'exemple

Illustrons le phénomène par un cas concret, celui de la phalène du bouleau. Cet insecte est un papillon qui peut se rencontrer sous deux teintes : sombre ou claire. Lors de la révolution industrielle de la fin du XIXème siècle, des entomologistes anglais observent que la forme sombre est prépondérante dans les forêts proches des usines. En parallèle, ils s'aperçoivent que les bouleaux, habitat naturel des insectes, ont pris une couleur noire due aux dégagements accrus de fumées.

Après de nombreuses études, il s'avère que les papillons sombres passaient plus facilement inaperçus de leurs principaux prédateurs, les oiseaux, ce qui augmentait leur taux de survie au détriment des papillons de couleur plus claire. Lorsque la pollution a diminué, les bouleaux ont repris leur teinte habituelle et les papillons blancs ont ainsi pu prospérer.

Les phalènes ont ainsi été soumis aux deux types de pression : biotique, représentée par les oiseaux prédateurs et abiotique, via leurs conditions environnementales. Si les bouleaux avaient conservé leur couleur sombre, nous pouvons penser qu'après plusieurs milliers de générations, les phalènes blancs auraient pratiquement disparu localement, avidement dévorés par leur prédateurs ou obligés de migrer vers un autre milieu : l'espèce aurait localement évolué vers la couleur noire, sans qu'il soit question de force.

Un autre exemple montre que le plus puissant n'est pas toujours favorisé dans l'évolution, celui des dinosaures. Au crétacé, de -145
à - 65 millions d'années, période de leur extinction, ces reptiles étaient les animaux les plus forts et les plus nombreux à la surface de la Terre. Les mammifères, en revanche, étaient petits et très faiblement représentés. Bien que plusieurs hypothèses subsistent encore sur la cause de la disparition des dinosaures, ce sont bien les mammifères qui ont survécu. Ils étaient mieux adaptés que les reptiles pour survivre aux conditions de vie sur Terre durant la crise biologique du Crétacé-Tertiaire.

La sélection naturelle ne suit donc pas la loi du plus fort, mais du plus adapté à son milieu : il survivra dans de meilleures conditions et se reproduira davantage. Dans ces termes, une bactérie pourrait bien avoir raison de l'espèce considérée par certains comme la plus évoluée : l'homme.