En 1990, le gérontologue russe Zhores Medvedev est parvenu à recenser plus
de 300 théories du vieillissement. Certaines se recoupent ou ont été invalidées
depuis. On peut cependant essayer de regrouper les théories en deux catégories.
Certaines, dite "évolutionnistes", expliquent le vieillissement par le sélection
naturelle, les autres considèrent ce phénomène comme une altération des fonctions
individuelles de l'organisme. Les deux visions n'étant pas, comme nous le verrons,
contradictoires.
Une accumulation de mutations
La théorie de Sir Peter Medawar (1952) se situe dans la lignée de Darwin. Son
constat est simple : chaque individu a une capacité à se reproduire plus ou mois
grande selon son âge.
Si un gène présente un effet négatif qui handicape l'individu
jeune (un zèbre, par exemple, qui aura du mal à se déplacer), ce dernier va mourir
sans laisser beaucoup de descendants. Le gène ne sera donc vraisemblablement pas
retenu par la sélection naturelle.
A l'inverse, si la mutation délétère ne s'exprime
qu'à un âge avancé, les animaux auront eu le temps de se reproduire plusieurs
fois et la mutation a toutes les chances d'être conservée. Au fil du temps s'accumulent
ainsi toutes les mutations qui induisent un effet délétère tardif. Selon Medawar,
c'est l'ensemble de ces mutations qui constitueraient le vieillissement.
"L'effet Kiss Cool"
Cette théorie a été complétée 5 ans plus tard par le biologiste américain George
Williams. Il explique que le même gène peut à la fois favoriser l'individu jeune
(par exemple augmenter sa fécondité) et manifester des effets négatifs à un âge
âgé. Les individus laissant un maximum de descendants "payent" paradoxalement
cet avantage par une plus faible longévité potentielle.
Eric Le Bourg donne un bon exemple de cette théorie dans son livre Le vieillissement
en questions. Prenons un allèle (variante de gène) qui assure une calcification
importante des os. Dans la nature, cela procure un avantage concurrentiel aux
individus munis de ce gène, puisqu'ils seront moins vulnérables aux fractures
donc aux prédateurs. Or, ce même allèle entraîne à l'âge avancé une calcification
des articulations, donc un vieillissement prématuré.
Mais comme l'individu a une
forte probabilité de mourir (par des causes extérieures) avant que ne se manifeste
l'effet néfaste de cet allèle, c'est son effet positif qui est retenu par la sélection
naturelle. Finalement, le vieillissement humain serait du à une mortalité trop
faible par cause accidentelle.
Plusieurs tests menés sur des mouches ont permis de confirmer la théorie de
Williams. On a sélectionné uniquement ufs des femelles âgées, en détruisant
ceux des femelles jeunes. Le procédé étant répété sur de nombreuses générations,
la survie à un âge avancé devenait une composante importante de la valeur sélective.
Vingt ans après les premières générations, les mouches vivent maintenant deux
fois plus longtemps. Et pourtant, ces mouches ont une moins bonne valeur sélective
au début de la vie.