Francis Letellier (Journaliste de télévision) "Un présentateur qui n'est pas crédible ne tient pas longtemps"

Présentateur du Soir 3 weekend, Francis Letellier nous explique les ressorts de son métier, comment l'aborder et ce qui le rend passionnant. Attention risque de contagion !

Né à Vire dans le Calvados en 1964, Francis Letellier a déjà une longue carrière de journaliste télé derrière lui. D'abord présentateur de journaux en région Ouest, il acquiert une expérience de rédacteur en chef adjoint et crée plusieurs émissions politiques et économiques. Il présente aussi le Magazine régional puis le 12/14 Ouest pendant plusieurs années. Enfin, après plusieurs collaborations au service politique de la rédaction nationale de France 3 et la présentation de JT en remplacements, il devient présentateur du Soir 3 en juin 2006. Il assure également les éditions spéciales thématiques pour les élections sur France 3 et prolonge le journal depuis septembre 2010 par un rendez-vous politique le dimanche. 

Qu'est-ce qui est le plus difficile dans votre travail ?

Il faut vraiment être très attentif car il peut se passer à n'importe quel moment quelque chose de nouveau. Il y a une dépêche AFP toutes les secondes ! Il faut également être très concentré sur ce que l'on va dire pour donner des informations exactes et dans le bon ton. Les mots que l'on choisit sont très importants : si par malheur on le fait de travers, les spectateurs nous appellent tout de suite, nous envoient des mails pour nous reprocher d'avoir utilisé tel mot ou telle expression. Et parfois on regrette aussi d'avoir mal su dire les choses. Pour éviter cela, il vaut mieux bien se préparer.

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Francis Letellier sur le plateau de Soir 3. © Cécile Debise/L'Internaute

Mais vous êtes aidé, vous avez toute une équipe qui se tient informée pour vous...

Oui, mais celui qui est en première et en dernière ligne, c'est le présentateur. Même quand il se passe quelque chose pendant l'antenne - puisque je reçois les dépêches AFP pendant l'antenne - il faut que je sois capable de le restituer. Donc il ne faut pas trop que je compte sur les autres. Il faut surtout que je travaille puisque c'est cela que l'on mesure d'abord à l'antenne. Ma crédibilité est en jeu. C'est énorme : un présentateur qui n'est pas crédible ne tient pas longtemps.

Est-ce que vous vous inspirez des autres présentateurs ?

Non, mais bien sûr avant d'arriver au travail, je suis au courant de tout ce qui s'est dit à la télé, dans les journaux... etc. Tout cela représente mon travail en amont. Mais à partir du moment où je suis au bureau, je me concentre sur mon propre travail.

Comment se déroule votre journée avant la présentation du journal ?

Je lis les journaux, je regarde la télé, j'écoute la radio, je regarde Internet. Je viens au bureau vers 14h30-15h. Je commence à parler avec le rédacteur en chef de ce qu'on va mettre dans le journal, du choix des invités et de comment on va ordonnancer tout cela. On en parle jusque 17h puis c'est la première conférence de rédaction où tous les services sont représentés. Le rédacteur en chef passe alors commande des sujets qu'il attend. De 17h jusqu'à 19h30, mon travail consiste à me concentrer sur ce que je vais écrire et dire. Après, je regarde le 19/20 (le journal télévisé de FR3 de 19h30) et à 20h, j'entame la rédaction finale du journal jusqu'à 22h. Puis je vais au maquillage, je reçois les invités... Et à 22h30 c'est l'antenne. Quand le journal est décalé à 23h, cela me donne une demi-heure de plus mais le timing est le même à chaque fois.

Cela ne vous laisse pas de temps pour manger !

Ah non (sourire), je mange bien avant ou après, quand je rentre chez moi vers minuit !

Autrefois je mangeais avant, mais quand vous êtes à l'antenne en train de digérer, vous vous sentez lourd. Cela ne peut pas marcher.

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Francis Letellier dans son bureau à France télévisions. © Cécile Debise/L'Internaute Magazine

Quelles sont les contraintes de votre métier ?

Le plus difficile pour moi c'est le décalage. Comme je présente le Soir 3 weekend le vendredi, le samedi et le dimanche, je suis décalé par rapport à la vie des Français qui travaillent en semaine en général. Et je suis encore plus décalé parce que je travaille le soir. C'est un décalage à 100%. Un tel décalage de vie fait que j'ai du mal à trouver un rythme de sommeil, de repas...etc. Il faut vraiment que j'attende mes 5, 6 semaines de vacances d'été pour bien me détendre et profiter de mon temps. La principale contrainte c'est donc l'emploi du temps qui est désorganisé par rapport au rythme de vie habituel.

Et à l'inverse qu'est-ce qui vous plaît le plus ?

Cela peut paraître paradoxal mais l'avantage de travailler le weekend, c'est que c'est souvent en équipe restreinte. Il n'y a pas tout le personnel qui travaille en semaine. Si bien que cela donne une ambiance d'équipe plutôt sympathique. En semaine, il y a d'autres émissions en même temps, des gens qui partent en reportages... Ça crée souvent un brouhaha ou des tensions qui peuvent parasiter le travail du présentateur. Le weekend vous êtes préservé car seuls les gens qui participent à la fabrication de votre journal sont présents. Et puis on a aussi une grande liberté : l'actualité n'est pas aussi rapide que dans la semaine donc cela vous laisse une latitude pour parler de sujets qui ne sont pas traités d'habitude. Des sujets sociétaux par exemple.

Quelle est la meilleure façon d'arriver à l'antenne selon vous ?

La meilleure façon d'aborder ce métier c'est de rester humble : il y avait des gens avant nous et il y en aura d'autres après !

Est-ce qu'il y a des sujets que vous avez plus de mal à aborder à l'antenne ?

Le sport, oui. J'ai du mal à interpréter les événements en prenant la mesure de leur importance. Or on ne peut pas tromper les gens.

  Voir aussi : notre reportage dans les coulisses du Soir 3