Boualem Sansal : "coupé du monde", ses conditions de détention dévoilées
Gracié le mercredi 12 novembre 2025 par le président Abdelmadjid Tebboune, Boualem Sansal devrait faire son retour en France dans les prochaines heures. L'auteur de 81 ans était emprisonné depuis le 16 novembre 2024, notamment pour avoir défendu l'idée selon laquelle l'Algérie avait hérité de territoires appartenant initialement au Maroc lors de la colonisation française. Il était retenu soit dans la prison de Kolea, soit dans l'unité de soins de l'hôpital Mustapha-Pacha d'Alger où il recevait un traitement pour son cancer de la prostate.
Arrivé mercredi soir à Berlin (Allemagne) pour y recevoir des soins médicaux, l'écrivain franco-algérien s'est exprimé dans les colonnes du Point. "Je vais être à Paris demain (vendredi) ou dans deux jours", confie-t-il. Il s'est également étendu sur ses conditions de détention en Algérie. S'il affirme ne "pas être détruit par une petite année de prison", il concède avoir été "coupé du monde, sauf les visites de Naziha (son épouse)".
"Isolement" et interdiction formelle de lire
"J'étais dans un quartier de très haute sécurité. Je n'avais pas vraiment le droit de parler souvent aux autres prisonniers", raconte Boualem Sansal. Romancier, essayiste... Ce dernier n'avait pourtant aucun droit de lire en prison. "C'est interdit. Des livres de religion ou en arabe. C'est tout ce qu'il y a là-bas. Mais il y a un trafic de livres en cachette, tu les payes avec des cigarettes ou avec des gâteaux. Avec ça, tu peux en avoir", explique-t-il.
L'octogénaire met également en avant "l'isolement" dont il a été victime dans sa cellule. "Quand tu es là-bas, on te prend ta carte, tes papiers, ton téléphone". Puis le moment de la libération s'est approché. Mais là encore, l'inconnu demeure. "On m'a déplacé d'une prison à une autre, puis l'hôpital. Quelqu'un est venu me voir. Il y avait quelque chose, une hésitation. On va le libérer, on ne va pas le libérer, c'était très mystérieux", dit-il.
"Une prison du Moyen Âge"
Boualem Sansal a ensuite été transféré à "maison Carré, une prison du Moyen Âge". "Dans la même journée, on m'a déplacé à l'hôpital Mustapha, je n'étais plus un prisonnier mais un malade gardé", se rappelle-t-il. Le soir avant sa libération, il y eut le "visiteur du soir", comme il l'appelle. "Vous devez mettre de l'eau dans votre vin", lui dit-il.
"Vaut mieux me garder encore vingt ans dans ce cas. Si je n'ai pas le droit de parler alors qu'est-ce que je fais sur terre ? Je pourrai être d'accord avec vous si vous faites la paix, si les relations évoluent dans le bon sens parce que la France est l'amie de l'Algérie et c'est vous qui en avez fait un ennemi", lui rétorque le prisonnier Sansal. Désormais, le lauréat du grand prix du roman de l'Académie française 2015 n'a qu'une hâte, retrouver la France. "Bonjour la France, je reviens, on va gagner !", lance-t-il dans Le Point.