Affaire Baupin : ce que Duflot, Pompili et de Rugy savaient des harcèlements
[Mis à jour le 9 mai 2016 à 14h33] Dernière info - L'avenir de Denis Baupin s'assombrit. Claude Bartolone a obtenu de Denis Baupin sa démission de sa fonction de vice-président de l'Assemblée nationale. Le député écologiste est ce lundi accusé de harcèlement sexuel grave sur plusieurs élues et collaboratrices, mais "conteste" les faits qui lui sont reprochés, tout en affirmant, via ses avocats, qu'il ne permettra pas que soit remise en cause sa présomption d'innocence.
"On n'avait pas toutes les pièces du puzzle, on n'avait pas mesuré l'ampleur, on ne s'imaginait pas que c'était industriel", a réagi ce matin auprès des journalistes du Parisien un ancien dirigeant d'EELV. Le député Denis Baupin - mari de la ministre Emmanuelle Cosse - est accusé de gestes déplacés, de harcèlement et d'agressions sexuels par quatre femmes, qui livrent des témoignages édifiants, mis en ligne ce matin sur Mediapart et France Inter. Ces deux médias révèlent que le comportement de l'élu parisien avait fait l'objet de dénonciations internes au sein du parti ces dernières années. Cécile Duflot, qui a réagi auprès de Mediapart, était au courant de certains agissements : "Les langues ne se délient pas facilement sur ces sujets. Il y avait une zone de flou sur ces comportements. Il y avait aussi des liens amicaux profonds avec ses proches qui compliquaient énormément la situation", dit-elle, ajoutant qu'il était "difficile d'agir sans savoir précisément. Rien n'était avéré".
Selon Cécile Duflot, Denis Baupin avait "pris conscience de ses actes"
L'ancienne ministre a été mise au courant lorsqu'elle était secrétaire nationale d'EELV : "Quand on en parlait, certains disaient d'ailleurs qu'il ne fallait pas l'accabler parce qu'il avait pris conscience de ses actes et se soignait. Mais comment imaginer la vérité ?". Cécile Duflot explique avoir été alertée à plusieurs reprises, mais "souvent indirectement", et "longtemps après" les faits.
Qui d'autres étaient au courant ? Au moins les deux ex-coprésidents du groupe EELV, Barbara Pompili - aujourd'hui membre du gouvernement - et François de Rugy. Ce dernier a admis sur France Inter "avoir été saisi par une collaboratrice qui nous a parlé de propos équivoques envoyés par SMS". Il assure par ailleurs ne pas avoir pris ces accusations à la légère : "Comme il y a un lien hiérarchique entre salariés et députés, il n'était pas question d'étouffer. Par la suite il n'y a jamais eu de problème avec cette collaboratrice ni avec d'autres".
Pour Barbara Pompili, qui connaît Denis Baupin "depuis plus de 15 ans", ces accusations sont également très étonnantes. Sur France 3, elle se dit surprise par le portrait qui est fait de lui depuis ce lundi 9 mai : "Qu'il soit un dragueur réputé parfois lourd, oui. Je n'ai jamais entendu dire que c'était un agresseur", a-t-elle réagi, en prenant très au sérieux les témoignages : "Là on a attend une limite".
Affaire Denis Baupin : une omerta chez les écologistes ?
L'une des présumée victime, Elen Debost, n'a pas apprécié la réaction de François de Rugy, qui a déclaré ce lundi être "abasourdi" des accusations. La secrétaire régionale EELV des Pays de la Loire a posté sur Twitter, en réaction à son interview : "L'omerta et les petits arrangements entre "amis", il savait".
L'omerta et les petits arrangements entre "amis" il savait. https://t.co/JbQ03mSw2R
— debost elen (@debostelen) 9 mai 2016
Ce matin, invité par BFMTV, le député écologiste de Gironde, Noël Mamère, a regretté que le silence ait si longtemos perduré : "J'éprouve un profond sentiment de malaise et de honte. Toutes ces femmes n'ont rien dit pendant longtemps ; c'est lié sans doute au fait que nous étions dans un parti relativement petit qu'il n'était pas question de fragiliser".
Parmi les témoignages recueillis ce matin par France Inter, celui d'Isabelle Attard, députée du Calvados, est éclairant : "Je savais que nous étions plusieurs députées et une collaboratrice à en recevoir. Beaucoup se sont tus pour ne pas blesser sa compagne". Elen Debost, qui assure avoir subi un harcèlement sexuel durant plusieurs mois, affirme en avoir parlé "à plusieurs personnes. "Mais comme on nous dit que ça nous détruira et qu'en plus on abîmera le parti et puis que c'est un mec formidable, [...] et que les intérêts du parti doivent passer avant le reste, eh bien on se tait. moi je me suis tu en tout cas".
Emmanuelle Cosse accusée d'avoir protégé son mari
L'accusation la plus frontale vient du député EEVL Yves Contassot, qui a assez clairement sous-entendu sur RMC qu'Emmanuelle Cosse aurait été au courant du comportement de son mari et de ses dérapages. "Quand il y a eu des allusions à ça, assez récemment lors d'un conseil fédéral, à la surprise générale, la personne qui est montée à la tribune pour demander qu'on arrête de discuter de ça, c'est sa compagne, c'est Emma Cosse qui a dit : 'stop, j'ai interdit qu'on poursuive ce débat. On réglera ça ailleurs et dans d'autres conditions Il y a eu une sorte de stupéfaction, même si le nom de Denis n'était pas évoqué".
En vidéo - Mediapart et France Inter ont recueilli des témoignages de quatre femmes qui accusent Denis Baupin de harcèlement sexuel :