Mélinée Manouchian : qui était la résistante compagne de Missak Manouchian ?

Mélinée Manouchian : qui était la résistante compagne de Missak Manouchian ? Son histoire d'amour et son parcours sont intimement lié à son combat militant. La résistante communiste arménienne Mélinée Manouchian va être inhumée au Panthéon avec son mari, Missak Manouchian, ce mercredi 21 février.

Missak Manouchian ne va pas entrer au Panthéon seul le mercredi 21 février, il sera accompagné de sa femme, la résistante d'origine arménienne Mélinée Manouchian. Le couple, dont la relation était "très fusionnelle" selon l'historien Denis Peschanski, interrogé par TF1Info, restera uni jusque dans la mort. Si elle n'est pas panthéonisée comme son mari, Mélinée Manouchian va être inhumée dans le temple républicain et mise à l'honneur pour sa participation à la Résistance française.

Les vies de Missak et Mélinée Manouchian, née Soukmémian, sont jalonnées des mêmes grands traumatismes et étapes, à commencer par le génocide arménien qui touche le pays à partir de 1915. Lui né à Adiyaman, en Anatolie, en 1906, tandis qu'elle voit le jour à Constantinople en 1913, mais tous les deux deviennent orphelins après le génocide. Lui rejoint un orphelinat au Liban, tandis qu'elle échoue dans un orphelinat en Grèce. Mais c'est en France que leur vie les conduit en 1924 pour Missak et son frère, venus profiter de la recherche de main d'œuvre en France, et en 1926 pour Mélinée et sa sœur. La jeune fille, alors âgée de 13 ans et apatride, termine sa scolarité dans un pensionnat pour jeunes filles arméniennes et commence des études pour devenir secrétaire comptable et sténodactylographe.

"Nous ne pouvions pas rester insensibles à tous ces meurtres" 

Il faut attendre les années 30 pour que Missak et Mélinée se rencontrent. Tous les deux engagés auprès du Comité de secours pour l'Arménie (HOC), une organisation communiste pro-soviétique qui milite pour un rapprochement entre la diaspora arménienne de France et l'Arménie soviétique, ils s'aperçoivent en 1934. Mais c'est en 1935 qu'ils échangent pour la première fois lors d'une danse en 1935, ils se marient quelques mois plus tard en 1936. Leur relation débute donc sur fond d'engagement communiste et est intimement liée à leur implication respective dans la Résistance française, car si les actions de Missak Manouchian sont connues et saluées, Mélinée Manouchian a également été pleinement investie dans cette période de l'histoire.

Dès 1939, le couple vit au rythme de la résistance et le plus souvent séparé. Alors que Missak est arrêté puis relâché, car volontaire pour rejoindre l'armée, puis assigné comme travailleur étranger dans une usine de la Sarthe, Mélinée Manouchian reste à Paris, y compris lorsque la ville est occupée, et poursuit ses actes militants. Utilisant sa formation, elle dactylographie et distribue des tracts et des journaux clandestinement. Leur engagement monte d'un cran en 1941 quand le couple rejoint le groupe résistant de la Main-d'œuvre immigrée (MOI), une branche du syndicat CGTU. Au sein du groupe, Mélinée et son mari sont chargés de ce qu'ils appellent le Travail allemand, c'est-à-dire l'organisation des désertions ou de l'enrôlement des soldats de l'armée allemande dans la Résistance.

Le couple passe, à contrecœur, à la résistance armée en 1943 en rejoignant les Francs-tireurs et partisans de la Main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI) pour lesquels Mélinée devient agent de liaison, contre l'avis de son époux qui veut la tenir à l'abri et loin du terrain. A la même période, elle décide d'avorter de l'enfant qu'elle attend avec Missak pour s'impliquer entièrement dans son combat militant, à nouveau en opposition avec la volonté de son mari. "Nous aurions pu rester cachés, mais nous ne pouvions pas rester insensibles à tous ces meurtres, à toutes ces déportations de Juifs par les Allemands, car je voyais la main de ces mêmes Allemands qui encadraient l'armée turque lors du génocide arménien", avait-elle écrit après la guerre comme le rapport TF1Info.

"Ma vie, je n'ai pas pu la refaire : d'ailleurs une vie se refait-elle ?"

Entre novembre 1943 et le début d'année 1944, c'est un nouveau traumatisme pour Mélinée : celui de perdre l'homme qu'elle aime. Le couple se voit pour la dernière fois le 15 novembre 1943 avant la dernière arrestation de Missak Manouchian. L'homme est exécuté sur le Mont-Valérien le 21 février 1944, mais sa femme ne le découvrira que plusieurs semaines après. Dans la dernière lettre adressée à sa femme, le poète écrit : "Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d'avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu'un qui puisse te rendre heureuse". Mais Mélinée Manouchian ne refera jamais sa vie, accrochée au souvenir de son mari et à leur combat pour la liberté : "En le perdant, j'ai perdu le bonheur", avait-elle écrit ajoutant : "Je suis dès lors perdue, ne survivant que d'un passé qui ne me donne aucune tranquillité".

Mélinée Manouchian poursuit ses actes de militantisme jusqu'à la fin de la guerre malgré les risques, elle se cache d'ailleurs un temps chez les Aznavourian, parents de celui qui deviendra Charles Aznavour. Elle finit par être naturalisée française en 1946, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, et se porte volontaire pour un programme de l'URSS visant à repeupler l'Arménie, conformément aux idées qu'elle défendait avec le HOC, en 1948. Mais une fois à Erevan, Mélinée Manouchian est désillusionnée par la politique soviétique. Elle doit attendre le début des années 1960 pour rentrer à Paris et se faire soigner d'un cancer. De retour en France et bénéficiant de statut de veuve de guerre, Mélinée Manouchian poursuit ses actions pour la diaspora arménienne et se fait un devoir d'œuvrer à la mémoire des résistants, dont celle de son mari. Elle publie d'ailleurs les poèmes de Missak Manouchian dans les années 1950, comme il lui avait demandé dans son ultime lettre et écrit la première biographie de son mari. Faites Chevalier de la Légion d'honneur en 1986, elle meurt en 1989 et rejoint celui qu'elle a aimé toute sa vie dans le cimetière parisien d'Ivry.