Pétition contre la loi Duplomb : voici celle qui fait bouger le gouvernement, d'autres peuvent tromper
L'opposition à la loi Duplomb, adoptée le 8 juillet à l'Assemblée nationale, se fait entendre. Après les associations environnementales et les forces politiques de gauche, ce sont les citoyens qui dénoncent cette loi considérée comme un désastre écologique : plus d'un million et demi de personnes ont signé une pétition mise en ligne le 10 juillet. Il s'agit d'un record historique pour une pétition déposée sur la plateforme de l'Assemblée.
En signant cette pétition, plus de 1,5 million de personnes demandent "l'abrogation immédiate" de la loi Duplomb qui a pour but de réintroduire un pesticide interdit depuis 2018 et de favoriser l'élevage intensif ainsi que le stockage de l'eau dans les mégabassines. Des mesures prises pour calmer la récente grogne des agriculteurs. "La loi Duplomb est une aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire. Elle représente une attaque frontale contre la santé publique, la biodiversité, la cohérence des politiques climatiques, la sécurité alimentaire, et le bon sens", écrit Eléonore Pattery, étudiante de 23 ans et auteure de la pétition.
La pétition se trouve sur le site de l'Assemblée nationale, comme toutes les pétitions recueillant au moins 100 000 signatures, dans l'onglet "liste des pétitions" et s'appelle "Non à la Loi Duplomb - Pour la santé, la sécurité, l'intelligence collective". Pour la signer, les citoyens doivent s'identifier avec FranceConnect. Plusieurs autres pétitions contre la loi Duplomb ont également été déposées, mais aucune n'a dépassé quelques centaines de signatures au mieux. Seule la pétition signée par Eléonore Pattery peut avoir du poids dans le débat. Face au succès de la pétition, un autre manifeste favorable à la loi Duplomb a été déposé le 21 juillet. "Je souhaite soutenir le monde agricole et le maintien de la loi Duplomb qui est nécessaire si on veut que le monde agricole avance" écrit son auteur Alexandre Delmotte. Pour l'heure, le texte n'a obtenu que quelques dizaines de signatures.
Qu'est-ce que cette pétition peut changer ?
Avec autant de signatures, la pétition contre la loi Duplomb peut donner lieu à l'organisation d'un nouveau débat législatif sur le texte selon le règlement de l'Assemblée nationale : "La Conférence des présidents de l'Assemblée nationale peut décider d'organiser un débat en séance publique sur une pétition ayant recueilli au moins 500 000 signatures, issues d'au moins 30 départements ou collectivités d'outre-mer". La présidente de l'hémicycle s'est dite "favorable" à l'organisation d'un débat et a donné rendez-vous en septembre, à la rentrée parlementaire, dimanche 20 juillet au micro de Franceinfo. Mais si Yaël Braun-Pivet a promis un débat "que les Français veulent", celui-ci "ne pourra en aucun cas revenir sur la loi votée". À l'heure actuelle, la tenue d'un débat n'est pas garantie puisqu'elle dépend du vote de la Conférence des présidents.
La pétition contre la loi Duplomb a atteint tous les objectifs auxquels elle pouvait prétendre, mais elle conserve un intérêt symbolique. Plus il y a de signatures, plus elle pourra peser sur les décisions politiques, notamment celle du Conseil constitutionnel ou celle du président de la République. Le Conseil constitutionnel a été saisi par la gauche qui dénonce un vice de procédure à même d'invalider l'adoption de la loi s'il est confirmé par les Sages. Le texte a effectivement était adopté lors d'une commission mixte paritaire après une motion de rejet, déposé par LR, et ayant permis d'éviter un vote à l'Assemblée.
Si le Conseil constitutionnel n'invalide pas l'adoption de la loi Duplomb, seul Emmanuel Macron pourra encore renoncer à l'application de la loi qui a été adoptée, mais pas encore promulguée. Les écologistes ont demandé au chef de l'État de recourir à une "deuxième délibération" au Parlement, ce qui permettrait de retarder la promulgation du texte relatif à la loi Duplomb. Le président de la République peut également décider, face à l'opposition d'une partie de la classe politique et à la protestation citoyenne, de ne jamais promulguer la loi Duplomb. Des décisions qu'Emmanuel Macron pourrait être encouragé à prendre sous la pression d'une pétition signée par plus d'un million de Français. Elle est seulement la deuxième à avoir dépassé les 100 000 signatures à l'Assemblée, signe de l'intérêt accru des Français sur le sujet. Il n'y a toutefois aucune garantie, et même au contraire peu de chance pour que le chef de l'État renonce à une loi défendue bec et ongles par son camp et l'ensemble du socle commun.
18:54 - Peut-on signer la pétition plusieurs fois ? La réponse est non
Certaines rumeurs commencent à fleurir sur les réseaux sociaux, affirmant qu'il est possible pour une même personne de signer plusieurs fois la pétition contre la loi Duplomb, et donc de gonfler le chiffre total. En réalité, il n'en est rien. Il est obligatoire de se connecter via France Connect et de facto, de posséder un compte sur l'une des plateformes autorisées par le gouvernement (Impots.gouv.fr ou Ameli.fr, par exemple). Si vous tentez de signer une seconde fois, le site indique formellement que la pétition a déjà été signée. En revanche, il est possible de retirer sa signature.
18:29 - Le texte balaye les "principes de la déclaration de Rio de 1992", assure un député communiste
Le texte relatif à la loi Duplomb contrevient à "la Charte de l’environnement de 2005" et aux "principes de la déclaration de Rio de 1992", indique le député communiste Stéphane Peu, président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR), dans une lettre adressée à la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, apprend-on dans les colonnes de l'Humanité. Voilà pourquoi, la pétition qui totalise plus d'1,6 million de signatures, doit "faire l’objet d’un rapport de la commission (parlementaire) compétente qui devra entendre des acteurs de la santé, de l’agriculture, de l’écologie et du droit", précise-t-il.
18:01 - "Certains politiques jouent sur la peur pour que les gens signent la pétition", jugent Les Républicains
Pour Céline Imart, vice-présidente LR et eurodéputée, la loi Duplomb "est un cas d’école de la désinformation. Certains politiques jouent sur la peur pour que les gens signent la pétition contre la loi Duplomb. Ça met des agriculteurs sur la paille, parce qu’ils se font prendre des marchés (...) On ne fait pas confiance aux agriculteurs. Toute la France rurale passe son temps à recevoir des leçons de la France des métropoles. On compare la rentabilité des agriculteurs à la santé, et c’est complètement faux", assure-t-elle. "La production alimentaire est un secteur stratégique. Toutes les puissances mondiales savent qu’elle est une arme. Aujourd’hui, il faut être souverain sur la production de notre propre alimentation", martèle-t-elle ce mardi au micro de Sud Radio.
17:23 - L'UFC-Que Choisir promet "d’agir pour lutter contre ces inadmissibles régressions"
"Ce n’est clairement pas en cédant à une fuite en avant sur les pesticides ou l’eau que se résoudra le problème de fond de l’agriculture française… Si les difficultés du monde agricole sont réelles, elles sont avant tout dues à un partage inéquitable de la valeur avec les industriels et la distribution", lance ce mardi 22 juillet, la présidente de l’UFC-Que Choisir, Marie-Amandine Stévenin. "Que les députés qui ont voté pour (et nous saurons nous rappeler de ce vote) soient assurés que contrairement à eux, l’UFC-Que Choisir n’entend pas renoncer et continuera de proposer des alternatives à un modèle productiviste mortifère, et ne manquera pas d’agir à chaque fois que cela sera possible pour lutter contre ces inadmissibles régressions environnementales et sanitaires", met-elle en garde dans son billet.
16:47 - Le nombre de signatures qu'il faudrait pour déclencher un référendum d'initiative populaire
En France, une pétition recueillant 500 000 signatures permet uniquement d'ouvrir un débat à l'Assemblée nationale sur le sujet de la pétition, sans pouvoir contraignant. Alors qu'en Italie, la mobilisation de 500 000 citoyens sur un texte de loi, pour ou contre, suffit à déclencher un référendum d'initiative populaire (RIP). Selon la loi française, le seul moyen pour la population d'imposer une consultation du peuple par le vote et de voir une proposition de loi soutenue par un cinquième du Parlement (195 élus, députés ou sénateurs) et par 4,9 millions de Français se mobilisant sur ce texte pour obtenir l'organisation d'un RIP. Reste que plus la pétition est soutenu, plus elle peut faire pression sur les parlementaires et les autorités pour influencer le débat.