Reconnaissance de la Palestine : frontières, carte de l'Etat, autorités... Ce que la France a reconnu
"Je déclare que la France reconnaît aujourd'hui l'Etat de Palestine", a déclaré Emmanuel Macron, lundi 22 septembre 2025 à l'ONU. Lors de son discours, il a assuré qu’il s’agissait d’une "défaite pour le Hamas, comme pour les antisémites". "La paix est beaucoup plus exigeante, beaucoup plus difficile que toutes les guerres", a-t-il conclu. Au total, 180 chefs d'Etat et de gouvernement étaient présents à New-York (Etats-Unis) pour l'occasion. Au-delà de la reconnaissance l'Etat palestinien, cette annonce - censée préparer le terrain à la création d'un Etat palestinien - fait partie d'un plan diplomatique plus global pour la région.
Elle met l'accent sur le désarmement du Hamas et son isolement. "Le Hamas doit cesser d'exercer son autorité sur la bande de Gaza et remettre ses armes à l'Autorité palestinienne, avec le soutien et la collaboration de la communauté internationale, conformément à l'objectif d'un Etat de Palestine souverain et indépendant", peut-on lire dans la déclaration de l'ONU en date du 12 septembre dernier. Le projet vise enfin à soutenir une "mission de stabilisation" à Gaza, à laquelle pourraient participer certains pays européens, en plus des pays arabes, pour éviter le maintien des forces israéliennes sur place lorsqu'un cessez-le-feu sera prononcé.
"C'est une manière d'affirmer que le peuple palestinien n'est pas un peuple en trop, au contraire, celui qui ne dit jamais adieu à rien. Un peuple fort de son histoire, de son enracinement, de sa dignité. Et la reconnaissance des droits légitimes du peuple palestinien n'enlève rien au peuple israélien (...) Nous sommes convaincus que cette reconnaissance est la solution qui, seule, permettra la paix pour Israël", a également lancé le président français à l'ONU.
Le plan de Macron et de la France pour l'Etat de Palestine
Emmanuel Macron a détaillé un plan pour la paix entre Israël et la Palestine. Après un cessez-le-feu et la libération de "tous les otages", "une administration de transition intégrant l'Autorité palestinienne, la jeunesse palestinienne, accompagnée de forces de sécurité dont nous accélérons la formation, aura le monopole de la sécurité à Gaza", a indiqué le chef de l'Etat en mettant l'accent sur le "démantèlement et désarmement du Hamas". Le cessez-le-feu et la "libération des 48 otages" toujours retenus dans la bande de Gaza font même office de condition pour l’établissement d’une ambassade de France dans le futur Etat palestinien. Voici les points principaux à retenir :
- Instaurer une solution à deux Etats. La reconnaissance d'un Etat de Palestine pourrait être un moyen de redonner de l'allant à une option (la seule pour certains) en vue de la paix : la solution à deux Etats. C'est "le seul moyen de redonner espoir au processus de paix (...) Lorsqu'on parle d'une solution à deux Etats comme seule alternative à la guerre, il faut qu'il y ait deux Etats", assure Johann Soufi, avocat et ancien chef du bureau juridique de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens à Gaza, auprès de France 24. "Rien ne sera possible sans que les autorités israéliennes ne s'approprient pleinement notre ambition renouvelée de parvenir enfin à la solution des deux Etats", a dit Emmanuel Macron, lundi 22 septembre. La solution à deux États a également été défendue par le ministre saoudien des Affaires étrangères Fayçal ben Farhane, qui coprésidait la séance, ainsi que par António Guterres, le secrétaire général des Nations unies.
- Opter pour la démilitarisation. Selon Emmanuel Macron, "il faut enfin bâtir l'Etat de Palestine, assurer sa viabilité et permettre qu'en acceptant sa démilitarisation et en reconnaissant pleinement Israël, il participe à la sécurité de tous au Proche-Orient". Il explique que cela permettra de mettre fin à la guerre, et "que la population civile soit secourue". "Il s'agit d'un tournant majeur dans la mise en œuvre de la solution à deux Etats", a-t-il lancé, vendredi 12 septembre.
- Insuffler une dynamique diplomatique. Ce geste plus que symbolique de la part de la France, celui de reconnaître l'Etat palestinien, "pourrait entraîner une dynamique diplomatique avec d'autres Etats" en Occident, fait remarquer l'historienne Frédérique Schillo. "Cela donnerait de la légitimité aux Palestiniens dans le jeu des négociations avec Israël", poursuit-elle chez France Info. Cela pourrait également permettre de "pacifier les militants pro-palestiniens en Europe en essayant de donner une perspective autre que la destruction de la bande de Gaza", ajoute la sociologue à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, Sylvaine Bulle.
- Etablir des frontières claires. Dans sa stratégie, la France va tout d'abord s'attacher à reconnaître un territoire et des frontières, celles de 1967 établies après la guerre des six jours. Autrement dit : la bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est comme capitale. Paris va ensuite reconnaître la souveraineté de l'autorité palestinienne et les relations diplomatiques devraient se normaliser.
- Exiger une administration de transition avec de nouvelles élections. Cette reconnaissance n'est pas sans contrepartie. La France exige "un cessez-le-feu immédiat, le désarmement et l'exclusion du Hamas de tout processus, la libération de tous les otages et la fin de l'incitation à la haine dans les écoles", précise la diplomatie tricolore auprès de RTL. La France appellera enfin à de nouvelles élections présidentielle et législative pour mettre en place une nouvelle autorité locale, en reconnaissant l'existence de l'Etat d'Israël. "Une administration de transition intégrant l'Autorité palestinienne, la jeunesse palestinienne, accompagnée de forces de sécurité dont nous accélérons la formation, aura le monopole de la sécurité à Gaza", a assuré le président de la République, Emmanuel Macron, lundi 22 septembre à la tribune de l'ONU.
Juridiquement, la Palestine était jusqu'alors reconnue "comme un membre observateur de l'ONU et fait partie des organisations internationales", précisait Frédérique Schillo, historienne, au micro de France Info. Elle est par exemple membre de la Cour pénale internationale depuis 2015. En matière de droit international, la Palestine était déjà considérée comme un Etat. Comme le rappelait la docteure en droit international public, chercheuse associée du Centre Thucydide (université Paris-Panthéon-Assas) et à l'Institut français pour le Proche-Orient à Jérusalem, Insaf Rezagui, en 2024 sur France Culture, un Etat repose sur quatre critères précis : disposer d'un gouvernement, d'un territoire, d'une population et de la capacité à entrer en relation avec la société internationale, des Etats et des organisations internationales. Pour le dernier point, cela dépend sûrement d'une reconnaissance comme Etat.
Royaume-Uni, Canada, Portugal... Ils sautent le pas
En annonçant l'officialisation de la reconnaissance d'un Etat palestinien le 22 septembre 2025, Emmanuel Macron souhaite voir d'autres pays européens ou occidentaux suivre cet exemple. Une mission qui semble porter ses fruits, notamment depuis le dimanche 21 septembre : le Royaume-Uni, le Canada et l'Australie ont officiellement annoncé cette reconnaissance. Ces trois pays du Commonwealth l'ont annoncé de concert sur les réseaux sociaux. Mark Carney, Premier ministre canadien, écrit : "Le Canada reconnaît l'État de Palestine et propose son partenariat pour construire un avenir pacifique tant pour l'État palestinien que pour l'État israélien". Le Portugal leur a emboité le pas : "Reconnaître l’Etat de Palestine est (...) l’accomplissement d’une politique fondamentale, cohérente et largement acceptée", a déclaré le ministre portugais des Affaires étrangères Paulo Rangel. La Belgique, le Luxembourg, Malte et Monaco ont également reconnu l'Etat de Palestine aujourd'hui, ce lundi.
La France, elle, est le 148e pays à reconnaître un Etat palestinien, mais elle est la première nation membre du G7 et du conseil de sécurité permanent des Nations-Unies à prendre une telle décision. En représailles, Israël a menacé d'expulser le consul général français de Jérusalem et de fermer cette représentation consulaire de la République française. Emmanuel Macron, lui, a laissé plané la menace de sanctions économiques contre Israël si la nouvelle phase de l'offensive à Gaza, considérée comme "une énorme erreur", devait se poursuivre, toujours au micro de la Chaîne 12, à la télévision israélienne. Pour Jean-Noël Barrot, le danger pour l'existence d'Israël - plaidé par Benyamin Nétanyahou - est "un contresens absolu puisque la reconnaissance de la Palestine est un désaveu catégorique pour le Hamas", disait-il ce lundi 22 septembre.
10:56 - "La France devient un agent déstabilisateur au Moyen-Orient"
Le reconnaissance de l'Etat de Palestine a suscité de vives réactions à travers la planète et comme on s'en doutait, la colère d'Israël. "Ça ne sert absolument à rien (...) Ça ne va pas aider les relations entre nos deux pays. La France devient un agent déstabilisateur au Moyen-Orient", a lancé Joshua Zarka, ambassadeur d’Israël en France, ce mardi matin au micro de RTL. "C'est le plus gros gaspillage dans l'histoire de la diplomatie", a-t-il assuré.