L'homosexualité chez les animaux : de nombreuses espèces concernées

L'homosexualité chez les animaux : de nombreuses espèces concernées Les comportements homosexuels ne sont pas réservés qu'aux humains. Voici une liste non-exhaustive des espèces concernées et des manifestations observées...

C'est un sujet scientifique aussi méconnu que brûlant, alors que l'homosexualité est régulièrement présentée par les homophobes comme "contre nature". Tous les animaux ou presque sont susceptibles de montrer des comportements homosexuels, y compris dans leur milieu naturel. Ce sont des éthologues, ces scientifiques spécialistes des animaux, qui le disent. Pour la plupart des bêtes, il s'agirait même de phénomènes "naturels", autrement dit à nuancer par rapport à ce qui se passe dans la société humaine : les animaux n'ont pas la même conscience que nous, ni la même perception du regard de l'autre. Pour autant, les observations de relations bisexuelles ou homosexuelles, qu'il s'agisse de parade amoureuse, d'affection rapprochée, de vrai rapport ou même de vie parentale, ont été documentées pour au moins 450 espèces. Pour en savoir plus, cliquez sur l'image ci-dessous :

Des hypothèses multiples

Léchage des parties génitales chez les femelles hyènes, pénétration anale entre des girafes mâles ou couvée commune pour les papas pingouins... Les éthologues ne sont pas tous d'accord sur la signification des comportements homosexuels observés chez les animaux non-humains. En tout cas, ces phénomènes sont chose courante pour plusieurs dizaines d'espèces. Il a donc bien fallu pour les chercheurs émettre des hypothèses sur la ou les raisons de ce que le biologiste Bruce Bagemihl qualifie d'"exubérance biologique". Voici les principales de ces hypothèses, dans un ordre chronologique, recensées par Frank Cézilly, professeur d'écologie comportementale et auteur de La Sexualité animale :

  • Au XVIIIe siècle, les phénomènes homosexuels chez les animaux non-humains, considérés comme une sorte de déviance, sont attribués à des éléments externes ou internes néfastes aux bêtes. Comme la promiscuité pour les animaux élevées en captivité ou encore un dérèglement hormonal précoce.
  • En observant des manifestations homosexuelles animales répétées dans la nature et plus seulement de façon anecdotique ou en captivité, la communauté scientifique doit bien se faire à l'idée, pas très darwinienne - les rapports sexuels, faits "uniquement pour procréer" -, qu'il ne s'agit pas de simples dysfonctionnements. En 1999 paraît un ouvrage de poids qui confirme cette piste, "Biological Exuberance : Animal homosexuality and natural diversity" de Bruce Bagemihl. Encyclopédique, il compile les comportements homosexuels constatés dans des centaines d'espèces (mammifères, reptiles, oiseaux, poissons et même invertébrés). Des cas loin d'être toujours anecdotiques : chez certaines espèces, l'homosexualité animale prend le pas sur l'activité hétérosexuelle...
  • Une hypothèse se répand dans le milieu des éthologues : l'homosexualité chez les animaux découlerait d'un déséquilibre sociodémographique. En effet, s'il naît en général au sein des espèces un nombre égal de mâles et de femelles, un sexe peut se mettre à dominer l'autre en nombre. Un déséquilibre parfois causé dès la gestation, par exemple, par des perturbations environnementales : les pesticides ont potentiellement une action féminisante sur les embryons, chez les mouettes et les goélands. Il arrive aussi que la mortalité soit plus élevée pour l'un des deux sexes à l'âge adulte. En parallèle, le rôle joué par le mode de vie inhérent à une espèce se fait jour : du côté des gorilles ou des bisons, la ségrégation spatiale en cours entre les sexes irait de pair avec des comportements homosexuels. "Mais on n'explique pas ainsi toute l'étendue de l'homosexualité animale", relativise Frank Cézilly dans son article scientifique "Gays, les bêtes !" publié par la revue Sciences Humaines. "Car un déséquilibre des sexes n'induit pas systématiquement l'apparition de conduites homosexuelles, et ces conduites peuvent exister sans qu'il y ait déséquilibre. De plus, [ces hypothèses] n'explique[nt] aucunement pourquoi les individus préféreraient l'homosexualité à l'abstinence."
  • D'autres hypothèses sont apparues au fil du temps. L'une d'entre elles pointe l'existence de "bénéfices adaptatifs" associés aux conduites homosexuelles. Le principal de ces bénéfices ? Celui d'une dominance sociale qui met tout le monde d'accord, stabilise les hiérarchies et diminue l'agressivité. Pour Frank Cézilly, cette thèse est hâtive : "Dans la nature, ce n'est pas si clair (...) il n'est pas rare que la hiérarchie soit renversée. (...) L'hypothèse de dominance sociale fait par ailleurs fi des conduites homosexuelles où aucun rôle particulier ne peut être assigné aux protagonistes, comme dans les cas de stimulations sexuelles réciproques ou de parades homosexuelles, observées, par exemple, chez les oies cendrées."
  • Une thèse alternative donne aux comportements homosexuels chez les animaux non-humains un rôle central de "régulateur des tensions sociales" (pour obtenir de la nourriture, mettre fin à une dispute ). Mais "dans beaucoup d'espèces, les comportements homosexuels se manifestent indépendamment de tout contexte agressif.", tempère là encore Frank Cézilly. Alors ? Alors, selon le bon vieux principe de l'entonnoir, il reste l'hypothèse, affinée, d'un comportement homosexuel renforçant positivement les relations entre les individus d'une espèce. Notamment chez les singes, espèce la plus proche de la notre, ou les stimulations entre deux primates du même sexe serait un témoignage de confiance et d'une coopération à venir, notamment contre d'autres primates du sexe en question. Pas si vite ! "L'homosexualité animale n'est pas l'apanage des espèces sociables." nous asticote Frank Cézilly. Et tire sa source, parfois, de besoins purement pratiques : "Elle est fréquente, par exemple, chez le tribolium rouge de farine, un petit coléoptère ravageur des denrées alimentaires. Une hypothèse récente considère que, chez cette espèce, les accouplements homosexuels permettraient aux mâles de se débarrasser d'un sperme ancien aux performances réduites pour disposer de sperme frais lors des accouplements hétérosexuels…".

Bref, il n'y a pas d'explication universelle non plus pour l'homosexualité animale, dont forme, intensité, fréquence ou fonction varient d'une espèce à l'autre. Le travail des éthologues ne fait en réalité que commencer...