Alain Chamfort "L'expérience de la scène m'a beaucoup aidé"

Le chanteur incarne un mentaliste en pleine crise professionnelle et sentimentale pour son premier rôle au cinéma dans "Les Jeux des nuages et de la pluie". Rencontre.


L'Internaute.com : C'est votre premier long-métrage en tant qu'acteur. Comment avez-vous accueilli la volonté du réalisateur de tourner avec vous ?

Alain Chamfort : Au début, pour être franc, j'ai essayé de l'en dissuader parce que, comme c'était un premier film, je trouvais que ce n'était pas indispensable pour lui de prendre un risque en engageant un comédien qui n'en était pas un. Je lui ai dit que, personnellement, je prendrais un acteur confirmé, quelqu'un qui assurerait le personnage sans problème. Il m'a répondu qu'il tenait à ce que ce soit moi. Il y a donc eu un échange comme ça et puis, au bout d'un moment, je me suis dit que ça me plaisait d'avoir été choisi, donc j'ai fini par céder à son envie. Je savais aussi que, dans la mesure où il était prévenu, il allait être encore davantage dans l'observation et un secours si j'en avais besoin. Il était là pour m'aider, en réalité.
 

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Simon Yam et Audrey Dana © TS PRODUCTIONS Nicolas Lux

Y a-t-il un aspect en particulier qui vous a convaincu de vous lancer ?
Je ne trouvais pas non plus que le rôle semblait trop difficile. L'expérience de jouer est amusante, intéressante. En même temps, il ne faut pas s'imaginer meilleur que l'on peut être. Il faut quand même savoir un peu qui on est et ses compétences dans les domaines qu'on ne connaît pas très bien. Là, j'ai réussi à comprendre que le rôle n'était pas non plus trop compliqué à interpréter. Avec le temps, si jamais j'ai d'autres propositions et que j'ai la possibilité de jouer des personnages plus complexes, peut-être que je trouverai aussi une manière d'y arriver. Je ne suis pas plus bête qu'un autre après tout !

Vous interprétez donc un magicien...
Ce n'est pas un magicien, c'est un mentaliste. Il fait un numéro de music-hall qui avait lieu il y a quelques décennies. Je me souviens d'un couple célèbre qui s'appelait Myr et Myroska. Un des personnages reste sur scène les yeux bandés, en l'occurrence la femme, et l'homme se déplace dans le public et lui fait deviner des choses qui semblent impossible. On imagine que c'est une sorte de télépathie, mais en réalité c'est un code qu'ils mettent au point entre eux. Il arrive à lui transmettre les éléments qu'il a envie de lui faire dire, sans que personne ne s'en aperçoive, grâce à un calcul des mots qu'il emploie. Une astuce qui n'est pas expliquée dans le film, mais c'est le principe de ce numéro de music-hall. Bref, c'est un type qui est censé se produire en public avec sa femme et c'est une des raisons pour laquelle il a fait appel à moi. Il savait que jouer en public ne me semblerait pas trop compliqué.

 

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Alain Chamfort © TS PRODUCTIONS Mathilde Chapuis

Et comment vous êtes-vous préparé à ce rôle ?
On a fait des lectures, comme ça se passe habituellement. Le réalisateur me donnait la réplique, puis il me faisait répéter pour être sûr d'obtenir le ton juste, l'intention. C'est un travail. Il y a une technique à mettre au point parce qu'il ne faut jamais jouer. C'est l'inverse de ce qu'on prétend faire quand on n'est pas acteur. Il faut juste essayer de ressentir le plus possible les choses et puis les exprimer devant la caméra.

Avez-vous l'impression que votre expérience en tant que chanteur vous a servi pour faire l'acteur ?
Peut-être en partie parce que, quand je chante des chansons sur scène, j'essaie d'être dans la vérité de ce que je dis aussi, d'interpréter le texte de la manière la plus juste possible. C'est également de cette manière-là qu'on transmet l'émotion qu'une chanson doit contenir au public. Il y a une approche un peu comparable dans le fait d'exprimer les choses avec le plus de vérité possible.

 

Dans le film, lorsque votre personnage n'arrive plus à travailler avec sa femme, cela met en danger le couple lui-même...
Lui, comme il trompe sa femme, il a l'impression qu'elle s'en est rendue compte et qu'elle est en train de sabrer leur numéro. Il trouve cela dommage parce qu'évidemment c'est de ça qu'ils vivent et ça ne fait qu'accentuer son éloignement vis-à-vis d'elle. Finalement, il réalise qu'elle est atteinte d'une maladie qui occasionne des troubles de capacités intellectuelles et cela les rapproche à nouveau. C'est certainement un problème pour les couples qui partagent leur vie privée et leur vie professionnelle parce qu'ils ne se quittent jamais. Ils sont toujours l'un sur l'autre. Les ressentiments liés à ce qui peut se produire dans la vie professionnelle retombent sur la relation de couple. Il n'y a plus de moment où chacun a son espace à lui pour se ressourcer, et pouvoir après de nouveau échanger et apporter quelque chose à l'autre. C'est ce qui peut arriver de pire, je pense.

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Hiam Abbass © TS PRODUCTIONS Mathilde Chapuis

Le casting du film est vraiment international puisqu'il réunit l'acteur hongkongais Simon Yam, l'actrice israélienne Hiam Abbass, l'actrice chinoise Li Heling, l'acteur américain John McLean... Comment cela s'est-il passé sur le tournage ?

C'était assez agréable justement. Je n'ai pas eu la chance de tourner avec l'acteur hongkongais parce qu'on n'avait aucune scène en commun, mais j'ai tourné essentiellement avec Hiam Abbass qui a été vraiment très agréable. C'est une femme extrêmement intense, avec une personnalité très affirmée dans la vie. Elle est très chaleureuse et m'a évidemment beaucoup aidé parce que, quand on fait des scènes avec un partenaire, il faut qu'il soit présent, même quand il n'est pas en face de la caméra. Il y a des gens qui sont plus ou moins généreux par rapport à ça et, elle, elle était très solidaire. Elle m'a beaucoup soutenu. C'est amusant parce que ce sont des amitiés très fortes sur le moment qui s'installent. Le jeu rapproche beaucoup, les moments d'attente aussi, et puis, une fois que le tournage s'arrête, chacun reprend sa propre vie. C'est un peu étrange : très intense et avec une fin un peu brutale.

 

C'est donc votre premier long-métrage au cinéma. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?
Je n'ai pas été au-devant des gens du cinéma parce que j'estimais ne pas être légitime pour ça. Ce n'est pas une vocation chez moi de jouer la comédie. En même temps, les gens me connaissent donc j'attendais et j'espérais effectivement que quelqu'un, un jour, frappe à ma porte et me propose quelque chose. Ça a mis du temps, mais c'est une première expérience et peut-être qu'il y en aura d'autres. J'aimerais bien ! Si un jour je me sens un peu plus sûr de moi par rapport à cet univers-là, peut-être que je prendrai le risque d'aller faire des castings. Pour l'instant, j'estime que je n'ai pas encore les qualités nécessaires pour pouvoir prétendre à ça.

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Li Heling et John McLean © TS PRODUCTIONS Mathilde Chapuis

Qu'avez-vous retenu de cette expérience finalement ?
Evidemment, le réalisateur m'a appris certaines choses, comme le fait qu'on n'est pas dans le jeu, dans le faire-semblant, mais dans le ressenti. Il y a aussi la gestion de la concentration parce que, pour des raisons d'installation, de technique, de champ et de contre-champ, on fait deux ou trois prises, puis on a 20 min de pause où on retourne dans sa loge. Après vous revenez sur le lieu de tournage et vous devez retrouver exactement la même humeur, la même intensité et la même sensation que 20 min auparavant. Vous faites souvent des allers-retours comme ça et, quand on n'est pas habitué, c'est extrêmement perturbant et très fatigant. C'est cet aspect que j'ai trouvé le plus difficile à gérer. 


 

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