Le deuxième acte : Quentin Dupieux alerte sur l'état du cinéma français (critique) Dernière réalisation du cinéaste prolifique Quentin Dupieux, "Le deuxième acte" a été choisi pour faire l'ouverture du Festival de Cannes 2024.

"Continuez de rêver, c'est mieux". Cette phrase prononcée par Louis Garrel à deux figurantes pourrait presque être celle de Quentin Dupieux aux spectateurs qui découvrent Le deuxième acte en salles de cinéma. Présenté en ouverture du Festival de Cannes mardi soir, le dernier long-métrage du cinéaste prolifique est une comédie noire qui tacle le monde du cinéma et le star-system. Difficile de la résumer tant elle est égrainée de plusieurs twists successifs, mais le cinéaste nous plonge dans l'envers du décors peu reluisant du septième art en suivant des acteurs, qui jouent des acteurs, qui jouent dans un film. Vous suivez ?

Un film meta (l'important du film, c'est justement son deuxième acte) et une mise-en-abime comme Dupieux en a habitué les spectateurs, qui lui permet de déglinguer le star-system et d'alerter sur l'état du cinéma français actuel, alors qu'il en est devenu la nouvelle égérie et qui s'interroge, au fond, sur la capacité qu'a le cinéma à nous faire rêver, encore aujourd'hui. Il y a donc beaucoup de choses dans Le deuxième acte et Quentin Dupieux laisse peu de temps morts à son spectateur pour le digérer. 

En superposant les niveaux, et donc les niveaux de lecture et brouille la frontière entre cinéma et réalité, le réalisateur cherche à décontenancer et joue sur l'intelligence du spectateur sur le propos véritable de son film. Alors qu'on croit être dans la réalité, on découvre qu'on est dans une fiction, qui elle-même est une fiction imaginée par une IA sans pitié, le véritable ennemi du cinéma de demain. 

La véritable dénonciation du film (les dangers de l'IA, la capacité du cinéma à faire rêver, sa cruauté...) se dévoilent alors véritablement dans ce "deuxième acte" justement, après une première partie qui tacle les acteurs (leurs caprices, leur hypocrisie, leur bêtise même) de manière mordante mais artificielle, justement. Face à Vincent Lindon, Louis Garrel, Raphaël Quenard et Lea Seydoux qui s'en donnent à cœur joie en délivrant les répliques cinglantes, Manuel Guillot  incarne un personnage plus fragile, à l'écart du milieu, et donc plus authentique. C'est la véritable star du film, comme il le dit dans la bande-annonce mystérieuse du film mais qui racontait déjà tout : "le vrai héros, c'est moi".

Extrêmement satirique, des scènes font grincer des dents voire choquent (les acteurs du premier niveau multiplient les remarques transphobes, homophobes, validistes sous le regard médusé d'un autre qui ne veut pas être associé à ça, et une actrice menace un autre acteur de le "cancel" après qu'il tente de l'embrasser), mais sont à observer sous un nouvel angle après une heure de film, lorsque l'ensemble se dévoile  sous toutes ses strates et qu'on a, enfin, découvert ce deuxième acte. Mais alors que ces sujets restent encore très sensibles (et à raison), ces scènes restent maladroites et auraient gagné à faire preuve d'une clarté plus immédiate. Comme dans le reste du film, qui en multipliant les sujets et les points de vue, peut perdre le spectateur propos, et c'est dommage. Le deuxième acte est actuellement au cinéma.

Synopsis - Florence veut présenter David, l'homme dont elle est follement amoureuse, à son père Guillaume. Mais David n'est pas attiré par Florence et souhaite s'en débarrasser en la jetant dans les bras de son ami Willy. Les quatre personnages se retrouvent dans un restaurant au milieu de nulle part.