Envoyé spécial : un reportage sur l'affaire Bygmalion embarrassant pour Nicolas Sarkozy [VIDEO]

Envoyé spécial : un reportage sur l'affaire Bygmalion embarrassant pour Nicolas Sarkozy [VIDEO] AFFAIRE BYGMALION - Envoyé spécial s'attaquait jeudi soir sur France 2 à un sujet qui fâche. A l'occasion du lancement de la nouvelle formule d'Envoyé spécial, Elise Lucet s'est en effet penchée sur l'affaire Bygmalion, avec une enquête plus que gênante pour Nicolas Sarkozy...

[Mis à jour le 29 septembre 2016 à 23h34] ENVOYE SPECIAL BYGMALION - L'affaire Bygmalion a déjà fait coulé beaucoup d'encre. Et ce n'est pas fini. Pour le lancement de sa nouvelle formule d'Envoyé spécial jeudi soir sur France 2, Elise Lucet et son équipe se sont intéressés à cette fameuse affaire Bygmalion qui concerne directement l'ancien chef de l'Etat et actuel candidat à la primaire de la droite, Nicolas Sarkozy. Mis en examen dans l'affaire et soupçonné d'avoir tenté de dissimuler une partie de ses frais de campagne de 2012, Nicolas Sarkozy pourrait, avec treize autres personnes, être renvoyé en correctionnelle pour "financement illégal de campagne électorale". 

Plusieurs extraits compromettants figurent dans l'enquête menée par les journalistes d'Envoyé spécial. Voici les éléments qui pourraient compliquer sa campagne.

1- Le témoignage de Franck Attal dans Envoyé spécial. C'est le principal socle de l'émission. Envoyé spécial a interrogé Franck Attal, l'un des anciens cadres de la société Bygmalion, chargée d'organiser les meetings de Nicolas Sarkozy en 2012. Alors que l'ancien président de la République affirme ne pas le connaitre, on le voit sur les images de France 2 accompagner le candidat sur scène lors de plusieurs grands événements. Personnellement responsable de l'organisation des meetings à l'époque, Franck Attal établit pour l'émission une chronologie précise du dérapage du budget de campagne.

EN VIDEO - Un extrait de l'interview de Franck Attal

"Bygmalion : découvrez le premier extrait de l'enquête choc bientôt diffusée sur France 2 !..."

Un descriptif "implacable" selon Télérama qui a pu voir l'émission en intégralité avant sa diffusion. Du meeting du 19 février 2012, à Marseille, à celui du Trocadéro le 1er mai la même année, tout y passe : la déception des proches du candidat après les premiers rendez-vous, la commande d'événements "plus clinquants" et plus nombreux, les moyens déployés pour arriver à des "superproductions hollywoodiennes", la lumière, les caméras mobiles, l'embauche d'un réalisateur... Les meetings de Nicolas Sarkozy vont devenir de plus en plus grandioses et de plus en plus coûteux (lire ci-dessous).

Franck Attal affirme dans Envoyé Spécial que le sujet des coûts sera vite abordé par Jérôme Lavrilleux, le directeur adjoint de la campagne, qui craignait d'"atteindre très vite les plafonds". Franck Attal avoue aujourd'hui, face caméra et pour la première fois, avoir contribué à mettre en place un système de double facturation. Et il se dit certain que Nicolas Sarkozy ou Jean-François Copé devaient être au courant de ce système. Un autre dirigeant de Bygmalion, Guy Alvès, indique quant à lui avoir été contraint d'accepter ce système par des pressions menaçant de "couler" son entreprise...

2- Envoyé spécial enquête chez les prestataires. Autre extrait clé d'Envoyé spécial : la visite par un journaliste de plusieurs prestataires et sous-traitants, employés pour les meetings de Nicolas Sarkozy. Montages de scène, équipements de sonorisation, vidéo, installations d'écrans géants... Le reporter interroge plusieurs dirigeants de PME sur la façon dont leurs prestations étaient facturées. Et les réponses sont unanimes : c'est la "comptabilité Attal" qui était appliquée et non celle de la campagne officielle. L'émission démontre également que des factures concernant des t-shirts ou des certains billets de train, auraient été masquées.

TWEET - Laurent Ferlet, compositeur de la musique de campagne, a par exemple été interrogé par Envoyé Spécial

3- Copé et Lavrilleux dans Envoyé spécial. Ce n'est pas nouveau : Jean-François Copé et Jérôme Lavrilleux chargent tous les deux Nicolas Sarkozy d'une manière ou d'une autre dans l'affaire Bygmalion. Et Envoyé spécial a aussi posé des questions à ces deux protagonistes clés, patron de l'UMP en 2012 pour l'un et directeur adjoint de la campagne pour l'autre. Jean-François Copé était le premier visé dans cette affaire et fut même un temps soupçonné d'enrichissement personnel, mais il est désormais libéré de toute poursuite après une enquête. Face à Envoyé spécial, le candidat pour la primaire de la droite nie avoir été informé du paiement par l'UMP de plusieurs millions d'euros de facture et soupçonne aujourd'hui l'ancien chef de l'Etat d'avoir fomenté un complot politico-judiciaire, avec François Fillon, pour lui faire porter le chapeau.

Jérôme Lavrilleux refait quant à lui une apparition remarquée dans Envoyé spécial depuis ses aveux, en sanglots, sur BFMTV en mai 2014. "L'important, c'était de gagner sans respecter la législation sur les comptes de campagne", résume-t-il aujourd'hui, après avoir assumé le système de fausses factures. "En mars 2012, les comptes sont déjà dépassés, mais je fais quoi ?", s'interroge-t-il faussement, certain qu'il aurait pris un risque trop grand à tout déballer à l'époque et donc à faire "péter la campagne". "Je ne veux pas finir comme ce ministre sous Giscard, Robert Boulin, qui s'est noyé dans dix centimètres d'eau… ", souffle-t-il.

TWEET - Copé-Lavrilleux : deux témoignages clés

4- Marseille, Villepinte et les meetings pharaoniques. Mais outre les témoignages, ce sont les images diffusées par Envoyé spécial et le rappel des sommes évoquées dans ce dossier qui ont fait bondir les téléspectateurs. Le meeting de Marseille, le 19 février 2012, aurait coûté 770 000 euros alors qu'il aurait été facturé 100 000 euros dans les comptes de campagne. Celui de Villepinte, le 1er avril 2012, sera encore plus pharaonique, avec écran de 120 mètres de long et des dizaines de milliers de personnes acheminées des quatre coins du pays. Pour ce meeting, comme pour celui de la Concorde ou du Trocadéro, la somme de 1,8 à 1,9 million d'euros aurait été atteinte, hors frais de communication, qui était assurée par Publicis. Pire : le nombre de meetings lui-même va exploser. De 15 meetings programmés en début d'année, on passera à 44 à la fin de la campagne.

Un peu moins d'un mois avant Villepinte, le plafond légal de dépense pour une campagne électorale, fixé à 22,5 millions d'euros, aurait été dépassé. Dès le 7 mars 2012, ce sont près de 650 000 euros qui ont été dépensés en trop. Le directeur de campagne Guillaume Lambert reçoit alors une note d'avertissement des experts comptables. Las, selon Lavrilleux, des "conventions fictives" auraient été facturées à l'UMP plus de 23 millions d'euros. On évoque aussi 10 millions d'euros qui auraient disparu. Pour Lavrilleux toujours, ils auraient été mobilisés pour affréter des trains de militants. "Un train spécial, ça coûte 150 000 euros. Vous pensez qu'on a rempli Villepinte comment ? En disant aux gens "venez en auto-stop !", s'amuse-t-il aujourd'hui devant les caméras de France 2. Envoyé spécial parle d'une "machine à faire des super meetings au prix d'une kermesse" et de près de 18 millions d'euros de dépassement dissimulés.

EN VIDEO - Le 1er mai 2012, pour la "vraie fête du travail", Nicolas Sarkozy scande "vous êtes 200 000" à ses militants au Trocadéro lors d'un meeting pharaonique. Les images sont fournies clé en main par l'UMP.

"Sarkozy aux syndicats: "Posez le drapeau rouge!""

5- Polémique autour de la diffusion de l'émission. Un dernier élément pourrait venir ternir l'image de Nicolas Sarkozy. Et il ne figure pas cette fois dans l'émission en elle-même. L'ancien chef de l'Etat aurait fait pression sur France Télévisions pour annuler la diffusion d'Envoyé spécial.  Une polémique, lancée par le Canard Enchaîné, qui gagnera jusqu'au directeur de l'information de France 2 Michel Field et la patronne de France Télévisions Delphine Ernotte. Selon le Canard, Nicolas Sarkozy aurait notamment menacé la chaîne de ne pas participer à sa nouvelle émission politique à la rentrée. Après le tollé et la résistance d'Elise Lucet, "Envoyé spécial - Affaire Bygmalion : révélations d'un homme de l'ombre", sera finalement diffusé ce soir. Et "malgré leurs nombreuses sollicitations", le magazine précise que Nicolas Sarkozy n'a pas souhaité répondre aux questions des journalistes sur l'affaire.

Pressions, polémiques... Une guerre en coulisses entre Nicolas Sarkozy et France Télévisions ?

© Christophe Ena/AP/SIPA