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 INTERVIEW 
Février 2006

Richard Tardits : « Au football américain, il y a toujours un point d’interrogation »

Avant de s'envoler pour Détroit, où il commnentera en direct le Superbowl pour France 2, l'ancien joueur de NFL revient sur son parcours et nous fait partager sa passion pour le football américain.
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Ancien rugbyman, natif du Pays basque, Richard Tardits a été professionnel de football américain jusqu'en 1992, aux Etats-Unis.

© France 2

Commenter un sport dont peu de téléspectateurs connaissent les règles ne sera pas facile : comment allez-vous vous y prendre avec votre collègue ?
Richard Tardits
: D'une manière très simple : nous expliquerons le principe du jeu et ses règles de base et nous commenterons ce qui se passe sur le terrain sans rentrer dans les détails et les points théoriques. On pourra ainsi très bien suivre, d'autant que des résumés de matchs, des films vont être diffusés avant le Superbowl. C'est une expérience toute nouvelle pour France 2 qui est encore à l'état d'expérimentation : le contrat de retransmission a été signé pour un an seulement et n'est renouvelable que si France 2 réalise une audience "acceptable" de l'ordre, je crois, de 500 000 téléspectateurs.

Quelle est la clé pour comprendre ce jeu et l'apprécier ?
La clé de ce jeu est assez comparable à celle du rugby à 13 : garder le ballon pendant plusieurs tentatives avec la possibilité ou non de dégager. La base du football américain est un peu la même : comment une équipe arrivera à progresser de 10 yards sur le terrain ? Décidera-t-elle ou non de dégager après trois tentatives ?

"Vouloir comparer le football américain et le rugby est une erreur."

Vous avez pratiqué le rugby "classique" et le football américain : ces deux sports sont-ils comparables ?
On les compare souvent parce qu'ils partagent le concept du placage. Il est certain que les gens vont vouloir les comparer pendant le Superbowl mais c'est une erreur ! La plus grosse différence, c'est qu'au rugby on ne peut être plaqué que quand on a le ballon, alors qu'au football américain 10 joueurs sont consacrés à bloquer les autres joueurs, pour éviter une passe par exemple. Autre différence : au rugby tout le monde peut toucher le ballon. Ce n'est pas le cas dans le football américain où tous les joueurs sont très spécialisés.

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Pendant un match de football américain, l'action est sans cesse interrompue : les spectateurs français ne risquent-ils pas d'être déroutés ?

Si certainement, mais cela va les surprendre agréablement. Il n'y a pas cette continuité un peu ennuyante à laquelle nous sommes habitués. Quand je regarde des matchs de rugby il m'arrive de tomber dans un terrible ennui : c'est toujours la même chose et on peut savoir à l'avance sans difficulté ce que l'équipe va faire en fonction des joueurs en présence, des conditions météo... Au football américain, au contraire, il y a toujours un point d'interrogation : qui va courir ? Va-t-il y avoir une passe, un touch down… ? Et puis il n'y a pas de petits scores ! Il se passe toujours quelque chose.

© France 2/DR

Pourquoi décrivez vous le football américain comme un "jeu d'échecs" ?
J'ai l'habitude de comparer le football américain à un "jeu d'échec avec des pions animés" car il y a assez peu de spontanéité dans ce jeu : les joueurs exécutent des tactiques préétablies plusieurs semaines à l'avance. Pendant un match, chaque équipe est dirigée par 16 entraîneurs : 8 sur le terrain et 8 dans les loges qui étudient les statistiques de l'équipe adverse en fonction des joueurs en position, du score... Ils essayent de déterminer la probabilité qu'elle a de courir ou de lancer, quel sera le coureur ou le receveur. Mais malheureusement --ou heureusement !-- il y a toujours une erreur humaine qui se glisse dans cette stratégie : l'équipe qui perd est celle qui a commis le plus d'erreurs, comme aux échecs…

"J'ai l'habitude de comparer le football américain à un jeu d'échecs avec des pions animés"

Vous parlez de jeux d'échecs, mais vu de loin ça ne ressemblerait pas plutôt à un match de boxe très violent ?
Je ne parlerai pas de violence mais plutôt d'un engagement physique extrême. Cela paraît violent, mais nos équipements ne sont pas des armes : ce sont des protections pour pouvoir jouer sans retenue. Chaque choc est préparé : on sait exactement qui va nous bloquer et comment. C'est un défi physique à chaque positionnement. On veut gagner sa bataille pour gagner la guerre, mais il n'y a pas plus de blessés qu'au football ou au rugby. N'oublions pas que c'est l'un des rares sports où il y a plus de temps de préparation physique (7 mois) que de jeu (4 mois).

Vous êtes le seul Français à avoir jouer aux USA : comment avez-vous découvert ce sport ?
C'est un hasard extrême : je faisais partie de l'équipe de France junior de rugby quand je suis parti pendant un mois aux Etats-Unis pour perfectionner mon anglais, après mon bac. Ma famille d'accueil m'a alors expliqué le système universitaire américain qui permet de faire des études et du sport de haut niveau. J'ai obtenu une bourse d'études et comme le football américain était le sport qui ressemblait le plus au rugby, je l'ai choisi. J'ai passé des sélections universitaires et j'ai été pris à Augusta, dans le Maine. J'y suis resté 4 ans, le temps de faire un MBA. Puis j'ai été pris dans l'équipe professionnelle des Cardinals de Phoenix, puis en NFL dans l'équipe des New England Patriots pendant 4 ans.

Quel est le souvenir le plus marquant de cette expérience ?
C'est mon premier match universitaire : se retrouver à 10 devant, dans un chaudron de 100 000 spectateurs, habillés en rouge et blanc, alors qu'il n'y avait que trois pelés aux matches de rugby en France ! Un autre souvenir est la préparation physique : pendant ces années, je savais que j'étais le meilleur que je puisse être.

"Pour développer ce sport en France, il faudrait qu'il soit enseigné dans les écoles élémentaires comme le basket"

Pourquoi est-ce si difficile pour les joueurs français de jouer aux USA ?
Il n'y a pas de créneau organisé. Aujourd'hui les joueurs français peuvent passer par la NFL Europe mais c'est très difficile. L'option américaine que j'ai prise reste la meilleure, mais les Français ont encore du mal à s'exporter parce que les Etats-Unis font peur : c'est loin, ils pensent que c'est cher… Mais si on grattait un peu, on se rendrait compte que les Français sont aussi compétitifs physiquement et sportivement que les Américains. On a des cartes à jouer.

Vous pensez que la retransmission du Superbowl va créer des vocations ?
Pas vraiment : à 23h30 le marché est limité. Ceux qui regarderont le match connaîtront déjà sans doute le football américain, et je ne pense pas que la majorité des écoliers sera encore debout à cette heure-là ! Donc nous n'allons pas attirer beaucoup de nouveaux fans ! Pour développer ce sport en France, il faudrait qu'il soit enseigné dans les écoles élémentaires comme le basket. On pourrait alors développer une petite audience et de nouveaux joueurs de football américain. Sans cela, on ne pourra pas ancrer ce sport dans notre culture.

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Pittsburgh ou Seattle : qui sera le favori dimanche selon vous ?
J'ai dû mal à me prononcer car ce sera un match très équilibré. Les deux équipes ont les mêmes forces, leurs joueurs sont complets et elles ont de bons coachs. Mais pour une raison sentimentale, je préfèrerais que ce soit Seattle qui gagne. Le quarterback de l'équipe est le fils d'un de mes co-équipiers des New England Patriots : petit, il ramassait les ballons pendant nos matchs !

 
 Claire Planchard, L'InternauteSport
 
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