Coralie Dubost : dépenses abusives, mauvaise gestion... Pourquoi quitte-t-elle la politique ?

Coralie Dubost : dépenses abusives, mauvaise gestion... Pourquoi quitte-t-elle la politique ? CORALIE DUBOST. La députée LREM de l'Hérault annonce son retrait de la vie politique ce 2 mai. En cause, les révélations de Médiapart sur sa mauvaise gestion et ses dépenses abusives avec le portefeuille parlementaire. L'affaire a semble-t-il jeté un froid au sein de LREM.

[Mis à jour le 2 mai 2022 à 17h01] A trop dépenser, Coralie Dubost a tout perdu. La députée de l'Hérault encartée La République en Marche et décrite comme l'étoile montante du parti après seulement cinq ans de politique annonce son retrait de la vie politique ce 2 mai dans une lettre publiée sur Twitter. La Montpelliéraine aurait pu poursuivre son ascension si elle avait mieux géré son portefeuille parlementaire. Car plus qu'un choix personnel - la députée a confié son "envie de repartir" à Midi Libre le 6 avril - c'est la publication d'une enquête de Médiapart le 29 avril qui contraint l'élue à abandonner ses ambitions parlementaires. Le journal révèle chiffres et rapport du déontologue de l'Assemblée nationale à l'appui que les avances de frais de mandats accordées à Coralie Dubost ont été utilisées à des fins personnelles plus que parlementaires pourtant la députée dément ou se défend d'avoir réparé ses fautes. Dans sa lettre, elle dénonce des "attaques injustes qui desservent [son] groupe politique, les échéances électorales et plus globalement la démocratie", aussi pour ne pas porter atteinte à LREM et éviter de devenir un "instrument d'une cabale anti-parlementaire", Coralie Dubost indique qu'elle ne se représentera pas dans la troisième circonscription de l'Hérault lors des élections législatives de juin prochain.

D'après l'enquête du journal, les avances de frais de mandat mensuelles de 5 373€ remises à la présidente déléguée du groupe majoritaire, comme à tous les députés, ont plus souvent servi aux dépenses personnelles de Coralie Dubost qu'aux financements de projets parlementaires : achats vestimentaires, escapades à la plage et dans des lieux de détente haut de gamme sont pointés du doigt. Ce n'est pas la première fois que Coralie Dubost est épinglée par le déontologue de l'Assemblée nationale pour la mauvaise gestion et surtout le mauvais usage du budget parlementaire. Les révélations sur les pratiques de la députée interviennent à quelques semaines des élections législatives et coupent court à l'envie de l'élue de rempiler sur un nouveau mandat, d'autant que l'affaire aurait jeté un froid dans les rangs des députés de la majorité

En plus des factures astronomiques de la députée, qu'elle assure avoir en partie remboursé, ce sont aussi les comportements de Coralie Dubost vis-à-vis de ses collaborateurs qui sont mis en cause. Le rapport fait état de "demandes inappropriées" relevant de la sphère privée faites par Coralie Dubost auprès de son équipe parlementaire. Des faits que la politique dément.

Pourquoi Coralie Dubost quitte la politique ?

Elue en 2017 sous l'étiquette de La République en Marche pour siéger à l'Assemblée nationale, Coralie Dubost depuis présidente déléguée du groupe majoritaire ne retentera pas sa chance en juin 2022. La fin de son mandat de députée signe également la fin de la carrière politique de la jeune femme du moins pour un temps. Elle explique vouloir se "mettre en retrait de la vie politique", une décision surtout motivée par les accusations et les révélations sur ces dépenses abusives et personnelles réalisées avec le portefeuille parlementaire qui entachent son mandat. "Je refuse d'être l'instrument d'une cabale anti-parlementaire, de la même façon que je refuse de me prêter à un ping-pong de justifications qui confinent à un lynchage fantasmagorique", indique-t-elle pour expliquer son au revoir à l'Assemblée nationale sans mentionner les révélations de Médiapart.

La députée LREM avance sa grossesse comme une autre raison pour quitter la politique. A 39 ans, Coralie Dubost attend son premier enfant et dit souhaiter le tenir à l'écart des médias. Elle préfère "protéger l'enfant qu'[elle] porte de toutes les vicissitudes de l'exposition et de la vie politique". D'ailleurs l'ancienne compagne d'Olivier Véran ne s'étend pas sur sa vie privée avec son nouveau conjoint, un certain Stanislas. Dans le lot de justifications de son départ de la vie politique, l'élue indique avoir perdu son père il y a deux mois et regretter de ne pas avoir "consacrer plus de temps à ses derniers souffles, je veux en consacrer des paisibles à ceux de mon nouveau-né."

Vêtements et restaurants, des dépenses abusives

La députée de l'Hérault a pendant cinq ans bénéficié de l'indemnité mensuelle de député de 7 239,91€ et des avances de frais de mandat (AFM) de 5 373€ livrées là encore tous les mois par l'Assemblée nationale. Si la première somme peut servir aux achats personnels, ce n'est pas le cas du second montant exclusivement réservé aux dépenses liées à l'exercice du mandat de député. Le déontologue de l'Assemblée nationale admet que parmi ses dépenses peuvent figurer des achats vestimentaires "raisonnables" notamment pour les costumes ou encore les chaussures susceptibles d'être utilisés dans le cadre du mandat. Or, les montants dépensés par la parlementaire dépassant régulièrement les 2 500 euros jusqu'en 2019 et compris dans une "fourchette allant de 1 500 à 2 000 euros" selon le rapport d'avril 2021 ont largement dépassé le cadre. "Il y a des tenues mandat et les tenues perso [...], je ne mets pas les mêmes affaires dans ma vie perso et dans ma vie de mandat", a expliqué Coralie Dubost à Médiapart, un argument pas suffisamment convainquant au goût de l'Assemblée nationale.

Dans le viseur du déontologue se trouvent aussi des réservations passées dans des établissements du bord de mer et autres lieux de loisirs haut de gamme. Des déjeuners et après-midis passés au bord de l'eau ou d'une piscine dans le cadre de "rendez-vous de mandat", justifie l'élue qui décrit des "temps de travail comme de team building en équipe". D'après le rapport du déontologue remis à l'Assemblée, les confortables avances de frais de mandat n'ont pas suffi à financer le niveau de vie de Coralie Dubost qui a eu recours à des "demandes de prêts complémentaires" pour combler des découverts de plusieurs milliers d'euros, notamment en 2017 et en 2019. C'est auprès de la Banque Postale, en charge de tous les comptes AFM des parlementaires que la député a contracté ces prêts prétextant la réalisation de nouveaux travaux fictifs dans sa permanence, toujours selon Médiapart.

Des dépenses toutes remboursées ?

Les recours abusifs au budget parlementaire révélés au grand jour par Médiapart sont en réalité ceux observés et répertoriés par le déontologue de l'Assemblée nationale en avril 2021. Mais ce n'est pas la première fois que l'élue est rappelée à l'ordre pour ses dépenses excessives et déraisonnables. En 2018 et 2019, déjà le déontologue avait noté des abus injustifiables, notamment en octobre 2018 avec un record de 3 300 euros dépensés en vêtements sur des sites de vente en ligne, mais aussi dans des enseignes comme Sézane ou The Kopples les mois précédents ou encore auprès de marques de lingerie. La députée a présenté ces frais comme des "avances de trésorerie, quand vous avez besoin d'un truc en dernière minute et que vous n'avez pas votre carte perso sur vous". 

Coralie Dubost assure au journal avoir remboursé tous les frais indus après ses contrôles consécutifs en 2018 et 2019. Qu'en est-il des dépenses effectuées en 2020 et 2022 ? Vraisemblablement l'élue est actuellement en train de rembourser une partie des frais mais elle refuse de préciser le montant dont elle s'est déjà acquittée. Elle indique avoir "contracté un prêt personnel" pour effacer l'ardoise auprès de l'Assemblée nationale.

Assistants parlementaires assignés aux "tâches domestiques"

Confondre les dépenses parlementaires et privées n'a pas été la seule erreur de Coralie Dubost. L'élue a aussi entretenu le flou entre la sphère professionnelle et personnelle avec ses collaborateurs. D'anciens salariés de la parlementaire ont indiqué avoir eu à "surveiller [son] personnel de maison" ou "effectuer des tâches domestiques [à son] domicile". Des tâches "relevant de la sphère personnelle ou en limite des sphères professionnelles et personnelle régulièrement demandées, et ne rentrant pas dans les attributions récurrentes, normales et attendues d'un poste de collaborateur et collaboratrice de député" selon le rapport. Interrogée sur ces points, l'élue de l'Hérault dit ne pas avoir de souvenir : "Cela ne me dit absolument rien, vous me parlez d'une période qui est révolue".

D'autres assistants parlementaires ont dénoncé les propos et les comportements "dévalorisants" de la députée à leurs égards. Le rapport du déontologue précise qu'au cabinet RH les anciens salariés se sont plaints d'"injonctions paradoxales", de "consignes contradictoires", d'une "gestion désordonnée et confuse du temps" et enfin d'un dialogue "très difficile" avec Coralie Dubost. Des propos remontés selon différents termes par cinq assistants sur les quinze engagés par la députée en cinq ans. Ce sont d'ailleurs ces signalements qui sont à l'origine de l'enquête par la cellule anti harcèlement puis du déontologue sur les actions de la députée.

L'affaire Coralie Dubost jette un froid au sein de LREM ?

A quelques semaines des élections législatives auxquelles Coralie Dubost comptait apparemment se représenter, les révélations sur la député tombent au mauvais moment, notamment pour La République en Marche qui craint de pâtir de cette affaire. Durant son mandat de députée, l'élue a gravi les échelons jusqu'à devenir vice-présidente déléguée du groupe LREM à l'Assemblée nationale en septembre 2021. Elle s'est illustrée comme une voix de la majorité y compris sur le projet de loi bioéthique, la PMA pour toutes ou encore la loi Pacte. Sa présence était aussi remarquée sur les plateaux de télévision pour défendre les positions de La République en Marche. Pourtant après les annonces de Médiapart et selon Le Monde, Coralie Dubost n'a reçu que très peu de messages de soutien de ses collègues parlementaires tandis que le malaise dans les rangs de la majorité était lui bien présent. Les députés craignent-ils que l'affaire leur porte préjudice lors des scrutins des 12 et 19 juin ? Une chose est sûre Coralie Dubost ne sera pas des leurs pour le prochain quinquennat. Depuis samedi les militants LREM recherchent activement une remplaçante à la députée pour se présenter aux élections législatives dans la troisième circonscription de l'Hérault.

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