Recep Tayyip Erdogan : une nouvelle victoire, quel avenir pour la Turquie ?

Recep Tayyip Erdogan : une nouvelle victoire, quel avenir pour la Turquie ? ERDOGAN. Au pouvoir depuis 2003 en Turquie, Recep Tayyip Erdogan a été réélu président, dimanche 28 mai 2023 pour un troisième mandat. Il l'a emporté avec 52% des voix face à son rival Kemal Kiliçdaroglu.

[Mis à jour le 29 mai 2023 à 11h45] Recep Tayyip Erdogan a été réélu président de la Turquie, dimanche 28 mai, pour un troisième mandat de cinq ans. Il souhaite ainsi créer une deuxième république dans le pays, plus religieuse et davantage tournée vers le Golfe, la Russie et la Chine, souligne Le Monde. Erdogan a été réélu pour un troisième mandat, bien que la Constitution en autorise deux. Parmi les défis qu'il devra relever, figure l'inflation, qui était de plus de 40% en avril, rappelle L'Obs. Les baisses régulières des taux d'intérêt, voulues par Erdogan, n'ont pas amélioré la situation. Le président n'a pas indiqué vouloir relever ces taux d'intérêt. L'homme politique devra aussi reconstruire le pays, touché par un grave séisme le 6 février, qui a fait 50 000 morts. Recep Tayyip Erodgan a promis de reconstruire 650 000 logements.

Lors du premier tour de l'élection présidentielle, le 14 mai dernier, se sont aussi déroulées les élections législatives. Erdogan a remporté une nette victoire. Sa coalition, composée de son Parti de la justice et du développement (AKP) et de ses alliés, a obtenu 322 sièges sur 600, contre 213 pour l'alliance dirigée par son rival Kiliçdaroglu, du Parti républicain du peuple (CHP).

Résultat d'Erdogan au 2e tour de la présidentielle

Selon les résultats du quotidien turc Sabah, au second tour de l'élection présidentielle, Recep Tayyip Erdogan a remporté 52,16% des voix face à Kemal Kılıçdaroglu, qui a obtenu 47,84% des voix.  Au premier tour, Recep Tayyip Erdogan a obtenu 49,5% des voix tandis que son rival Kemal Kiliçdaroglu a réuni 44,89% des suffrages. Les deux autres candidats ont été éliminés avec 5,2% des voix pour Sinan Ogan et 0,44% pour Muharrem Ince.

Erdogan soutenu par l'ultranationaliste Sinan Ogan, écarté au premier tour

Dans l'entre-deux-tours, Recep Tayyip Erdogan a bénéficié du soutien de l'ultranationaliste Sinan Ogan, défait au premier tour avec 5,2% des voix. Si son rival Kemal Kiliçdaroglu a adopté une posture beaucoup plus à droite depuis, tentant de séduire les électeurs d'Ogan, le soutien apporté par ce dernier à Erdogan pourrait être décisif. Signe du tournant nationaliste qui a caractérisé l'entre-deux-tours, Erdogan a choisi de se recueillir, samedi, sur la tombe d'Adnan Menderes, rapporte L'Obs. Ce nationaliste-islamiste émanant de la droite conservatrice turque avait remplacé au pouvoir, en 1950, le CHP laïque, parti du fondateur de la Turquie moderne, Mustafa Kemal Atatürk. Il avait ensuite été pendu à la suite d'un coup d'Etat militaire en 1960. Comme le rappelle L'Obs, Adnan Menderes, à l'instar d'Erdogan des années plus tard, avait placé l'islam au cœur de sa vision politique, en rétablissant par exemple l'appel à la prière en arabe.

La position souverainiste d'Erdogan confortée au premier tour

Le premier tour de la présidentielle turque a réaffirmé la position d'Erdogan : "Les électeurs ont validé le bilan des vingt années de pouvoir et la place que la Turquie a sur la scène internationale ", estime Yohanan Benhaïm, responsable des études contemporaines à l'Institut Français d'Etudes Anatoliennes (IFEA), auprès de France Culture, "malgré la crise économique, il faut comprendre que l'AKP, c'est aussi le développement des services publics et la fierté retrouvée d'un ancien empire".

L'expert poursuit son raisonnement : "Il y a une lame de fond en Turquie, une vraie volonté souverainiste, à la fois en politique étrangère par opposition aux puissances occidentales, et à l'intérieur par le développement d'un discours antikurde." Erdogan s'appuie sur cette analyse en étant souvent en contradiction avec les Occidentaux sur la scène internationale, notamment au sein de l'Otan avec sa réticence à ouvrir les portes de l'alliance à la Finlande par exemple.

De nombreux opposants politiques ont été emprisonnés, tandis qu'une purge a été menée dans les services de l'Etat. Erdogan a également pris un virage autoritaire, en replaçant la religion au cœur de son projet politique. Les contestations sont réprimées, les droits des femmes et la liberté de la presse sont restreints. Les Kurdes sont devenus la cible du président turc, notamment depuis le coup d'État raté de 2016. Après un référendum en 2017, Erdogan a instauré un régime présidentiel qui a renforcé considérablement ses pouvoirs. Le poste de Premier ministre a été supprimé et ses prérogatives ont été transférées au président.

Une troisième candidature présidentielle contestée

Le président sortant reste toutefois confronté à une forte impopularité nouvelle : l'agrégateur de sondages du média Politico estime qu'Erdogan sera gagnant, mais qu'avec 51% des voix. Cette montée de l'opposition est due en partie à la gestion controversée du gouvernement à la suite du séisme survenu en février 2023. Mais c'est surtout la situation économique du pays qui fait monter la grogne. Les prix ont aussi explosé dans le pays, avec une inflation de 50% en mars 2023, selon franceinfo.

Erdogan était loin d'imaginer que l'élection présidentielle serait aussi délicate pour lui. En 2014 et 2018, il avait facilement été élu dès le premier tour. Sa candidature est controversée, car la constitution turque limite à deux le nombre de mandats présidentiels possibles. Son parti explique que la révision constitutionnelle de 2017 a remis à zéro le compteur de mandats. 

Recep Tayyip Erdogan est né le 26 février 1954 à Rize, une ville située dans le nord-est de la Turquie, près de la mer Noire. Dès son adolescence, il se fait connaître comme un fervent défenseur de l'islam politique. En plus de jouer dans un club de football professionnel, Erdogan étudie à l'université de Marmara. C'est à cette époque qu'il fait la rencontre de Necmettin Erbakan, un leader islamiste historique, et qu'il commence à militer au sein des mouvements dirigés par Erbakan, malgré l'interdiction des partis politiques religieux.

En 1994, Erdogan est élu maire d'Istanbul sous l'étiquette du Parti de la prospérité. Cette victoire sans précédent d'un candidat islamiste au poste de maire provoque des réactions hostiles de la part des cercles laïques. Toutefois, Erdogan se révèle être un gestionnaire compétent et prudent. Il abandonne le projet controversé de construction d'une mosquée sur la place centrale de la ville, mais réussit à faire interdire la vente d'alcool dans les cafés municipaux. En avril 1998, il est accusé d'incitation à la haine religieuse en raison de la récitation d'un poème dans lequel les mosquées étaient comparées à des casernes, les minarets à des baïonnettes et les croyants à une armée. Condamné à dix mois de prison, il démissionne de son poste de maire.

Les dates-clés :

  • 27 mars 1994 :  Il est élu maire d'Istanbul sous l'étiquette du Parti de la prospérité. Il doit cependant abandonner son poste quatre ans plus tard en raison de son incarcération pour avoir récité un poème nationaliste durant un meeting.
  • 14 mars 2003 : Recep Tayyip Erdogan est officiellement nommé Premier ministre de la Turquie. Il conserve ce poste jusqu'en 2014 où la Constitution turque est modifiée. Il devient alors président de la République mais il cumule les pouvoirs car le rôle de Premier ministre disparaît.
  • 15 juillet 2016 : Une tentative de coup d'État est menée par une partie de l'armée pour renverser le gouvernement d'Erdogan. Les putschistes échouent et la réponse d'Erdogan est cinglante : plus de 18 000 personnes travaillant pour le secteur public sont emprisonnées.

Après une libération anticipée au bout de quatre mois, Recep Tayyip Erdogan reprend ses activités politiques. Lorsque le Parti de la prospérité de Necmettin Erbakan est interdit en 2001, Erdogan rompt avec lui et participe à la création du Parti de la justice et du développement (AKP). Ce nouveau parti remporte les élections législatives de novembre 2002. Toutefois, Erdogan ne peut pas être élu député ni devenir président du Conseil, c'est-à-dire Premier ministre, en raison de sa condamnation en 1998. Un amendement constitutionnel adopté en décembre 2002 permet d'annuler son inéligibilité. Le 9 mars 2003, Recep Tayyip Erdogan remporte une élection législative partielle. Quelques jours plus tard, le président Ahmet Necdet Sezer lui confie la tâche de former le gouvernement. Erdogan prend ses fonctions de Premier ministre le 14 mai 2003. Il est au pouvoir depuis cette date mais devient président de la République en 2014.

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