Laurent Nuñez : quelles missions pour le préfet de police de Paris ?
NUÑEZ. Le nouveau préfet de police de Paris est donc Laurent Nuñez. Quelles missions lui ont été confiées ? Qui est-il ? Voici son portrait.
C'est "l'homme de la situation" selon Gérald Darmanin. Laurent Nuñez, 58 ans, est devenu jeudi 21 juillet 2022 le nouveau préfet de police de Paris, succédant ainsi à Didier Lallement, lequel est resté trois ans en poste. Celui qui est désormais chargé de la sécurité à Paris, et en petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne), mais qui a aussi autorité sur la brigade des sapeurs-pompiers de Paris s'est vu confier une feuille de route très claire et particulièrement chargée par Gérald Darmanin. Le ministre de l'Intérieur, supérieur hiérarchique du nouveau locataire de l'île de la Cité, a fixé le cap : moins de délinquance dans la capitale, fin de la crise du crack et objectif JO 2024, sur l'angle sécuritaire.
Ce spécialiste des questions de terrorisme siège donc à présent à un poste parmi les plus hauts de la République, chargé maintien de l'ordre public dans la capitale et ses alentours avec une équipe de plus de 40 000 agents. Déjà passé par de telles fonctions dans les Bouches-du-Rhône et ex-numéro 2 de la préfecture de police de Paris, Laurent Nuñez entame un mandat aux multiples défis.
Quelles missions pour Laurent Nuñez, préfet de police de Paris ?
Intronisé par Gérald Darmanin, Laurent Nuñez s'est vu confier de nombreuses tâches par le ministre de l'Intérieur, lequel les a déclinées durant son discours, jeudi 21 juillet. Le "premier flic de France" a sommé le nouveau patron de la "PP" de régler la crise du crack à Paris en un an, lui demandant, dans un premier temps, de "proposer, pour la rentrée, des solutions pour lutter définitivement contre ce fléau", tel qu'il l'a expliqué dans une interview donnée au Parisien. Un sujet épineux, source de batailles politique entre la préfecture de police et la mairie de Paris. Mais tous deux vont devoir se remettre autour d'une table pour avancer sur le sujet.
Plus globalement, Laurent Nuñez devra "lutter contre toutes les formes de délinquance, qui blessent tant de Parisiens, tant de Franciliens, tant de Français, tant de touristes" selon la ligne fixée par Gérald Darmanin. "Les mauvais citoyens, les délinquants, ne doivent plus connaitre aucun répit", a-t-il lancé, pointant notamment la délinquance dans les transports, les agressions contre les femmes et contre "les plus vulnérables d'entre nous." A cette fin, 1000 nouveaux postes de policiers seront créés à Paris d'ici cinq ans, dont 500 dans les deux ans à venir, accompagnés de l'installation de 500 nouvelles caméras. Par ailleurs, la préfecture de police disposera d'un centre de formation au maintien de l'ordre qui sera créé à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne).
En ligne de mire, la Coupe du monde de rugby en 2023, mais, surtout, les Jeux olympiques de 2024. Alors que l'organisation de la finale de la ligue des champions de football au stade de France a viré au chaos à cause de la préfecture de police selon un rapport sénatorial sur cette soirée cauchemardesque, Laurent Nuñez est missionné par Gérald Darmanin pour "bien organiser ces évènements." "L'organisation prochaine de la Coupe du monde de rugby (2023) et des Jeux olympiques et paralympiques constituent des enjeux majeurs et je vous demande dès aujourd'hui de veiller à la mobilisation générale de toutes les ressources de la préfecture de police", a exhorté le ministre de l'Intérieur, sans toutefois évoquer l'image dégradée qui colle à la peau de la préfecture de police (usage de la force, gaz lacrymogènes, tirs de LBD), sommant même son subordonné "d'appliquer le nouveau schéma de maintien de l'ordre" qui a tant fait débat.
Des avis élogieux et des réserves sur Laurent Nuñez
L'installation de Laurent Nuñez signifie-t-elle le début d'une nouvelle méthode à la préfecture de police de Paris ? Pour Rémi Feraud, sénateur PS de Paris et patron des conseillers municipaux de la majorité de la capitale, "Laurent Nuñez est un grand fonctionnaire, qui connaît la maison. Il saura revenir à une conception républicaine de la fonction", comme il l'a confié auprès de Public Sénat. Un homme "plus arrondi, plus humain, plus facile dans le rapport de force", selon le commentaire d'un policier ayant collaboré avec, rapporté par Europe 1. Des traits de caractères que confirme une source ministérielle à Libération, laquelle parle d'un " bon technicien, bosseur, intello, et il a déjà une connaissance fine de la maison."
Cependant, si Philippe Domknati, sénateur LR, parle d'un "homme convivial, agréable et à l'écoute des gens" auprès de Public Sénat, il note toutefois la volatilité constante d'un futur préfet de police "qui change de poste tous les deux ans. Dans ces conditions, nous n'avons jamais pu contrôler son action, ni vérifier son retour d'expérience." En 2018, dans un portrait dressé par Libération, un ex de la "PP" émettait également quelques réserves à son sujet : "Laurent Nuñez est assurément agréable et intello, mais il est aussi docile et déférent envers son autorité de tutelle. Il a trop le sens de l'Etat pour oser chier dans la colle. Or, dans ce milieu impitoyable, il faut savoir dire merde à son ministre."
Laurent Nuñez préfet de police de Paris
Dix ans après, Laurent Nuñez s'est donc à nouveau installé dans un bureau de la préfecture de police de Paris. Mais cette fois, ce n'est plus dans celui du directeur de cabinet mais bien dans celui du préfet de la capitale. Le quinquagénaire a en effet été nommé mercredi 20 juillet 2022 à la place de Didier Lallement. La décision a été officiellement entérinée lors du Conseil des ministres. C'est en effet par un décret signé par le président de la République, sur proposition de la Première ministre, qu'est actée une telle nomination.
Laurent Nuñez reprend les rênes d'un maintien de l'ordre particulièrement décrié dans la capitale ces trois dernières années où l'usage de la force n'a pas été faite avec parcimonie, les gaz lacrymogènes et tirs de LBD ayant été légion au cours des manifestations, notamment lors de celles des Gilets jaunes et de diverses descentes dans la rue. Une liste non exhaustive à laquelle s'ajoutent des évacuations de camps de migrants souvent musclées, ainsi que des petites phrases qui n'avaient pas manqué d'écorcher l'image de la "PP".
Surtout, Laurent Nuñez enfile le costume de préfet de police à deux ans d'une échéance particulièrement importante pour Paris et la France : celle des Jeux olympiques de 2024. Un sacré défi logistique et dont l'encadrement sécuritaire sera un très gros morceau. D'autant plus après le fiasco de l'organisation de la finale de la Ligue des champions au stade de France. Parmi les autres dossiers chauds, la contestation sociale qui devrait se faire entendre dans la rue à la rentrée contre la réforme des retraites ou encore la gestion des migrants et des crackés à Paris.
Biographie de Laurent Nuñez
Né en 1964, Laurent Nuñez est un serviteur de l'Etat, haut-fonctionnaire tout au long de sa carrière. Diplômé dans la gestion des collectivités locales, il travaille au service économique du conseil général du Cher à l'âge de 23 ans, avant de devenir inspecteur des impôts. Ce n'est que dix ans plus tard qu'il entre à l'ENA (promotion 97-99), se retrouvant aux côtés d'Alexandre Bompard, le PDG de Carrefour, mais aussi Chantal Jouanno, ex-ministre de Nicolas Sarkzoy, ou encore Claude Raynal, figure politique de la Haute-Garonne.
Nommé secrétaire général de préfecture de Haute-Saône, Laurent Nuñez reste en poste jusqu'en 2005 où il intègre le ministère de l'Intérieur, chargé de la gestion du corps préfectoral en tant que chef de bureau. Une fonctionne qu'il quitte trois ans plus tard pour devenir directeur de cabinet de Nacer Meddah, préfet de Seine-Saint-Denis. Lorsque le représentant de l'Etat dans le 93 plie bagage, Laurent Nuñez se retrouve propulsé à Bayonne, comme sous-préfet. Là encore, la mission est brève : en 2012, le voilà reparti pour Paris, direction la préfecture de police, nommé directeur de cabinet de Bernard Boucault. En 2015, il traverse à nouveau la France et prend du galon en devenant le préfet des Bouches-du-Rhône.
Emmanuel Macron le rappelle à la capitale après sa victoire à la présidentielle et le place à la tête de la DGSI. Il ne reste en poste qu'un an, devenant à l'automne 2018 secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, avant de prendre en charge la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme après le départ de l'ex-locataire de la place Beauvau. Une nouvelle fois, au bout de deux ans, il change donc de poste pour devenir le nouveau préfet de police de Paris.