Quelle est la stratégie zéro Covid qui divise la Chine ?
"Nous sommes torturés par un petit rhume". En Chine, les mesures sanitaires très strictes imposées par la stratégie zéro Covid sont comparées à de la torture et parfois à des mesures dictatoriales. L'expression prononcée par un citoyen habitant dans la ville Zhengzhou où six millions de personnes ont été confinées le jeudi 24 novembre 2022 est depuis reprise comme un slogan et montre le refus de la population de continuer à vivre au rythme de restrictions sanitaires. Le rejet de la stratégie zéro Covid, en place depuis trois ans dans le pays d'Asie, est au cœur des manifestations qui bousculent la Chine et le gouvernement de Xi Jinping depuis le dimanche 27 novembre. Quelles sont ces restrictions décriées par les citoyens chinois ? Le soulèvement d'une partie de la population peut-elle mettre fin à la politique sanitaire du Parti communiste chinois ?
De nombreux confinements depuis 2020
La Chine, et la ville de Wuhan, ont été le point de départ de la pandémie de Covid-19 en fin d'année 2019. Si dans les premiers mois de l'épidémie, la Chine a été l'une des premières nation à faire le choix du confinement, sur des zones très localisées uniquement, pour empêcher la circulation du virus, trois ans après, elle est le seul pays à toujours recourir au système de quarantaine contre le covid-19. Une situation due à la stratégie zéro Covid dont l'objectif est de faire disparaitre la maladie en empêchant le virus de circuler via la méthode du "tester, tracer, isoler". Le 24 novembre 2022 alors que 675 cas de coronavirus avaient été détectés en plus de nombreux cas de personnes asymptomatiques à Zhengzhou, dans le centre du pays, le gouvernement a décrété le confinement de six millions de personnes.
Confinements et bulles sanitaires pour la stratégie zéro Covid
En cas de confinement, le gouvernement de Xi Jinping délimite la zone confinée via des barrières et interdit l'accès au périmètre. Les habitants de cette zone sont fortement invités à ne pas quitter leur domicile "sauf si c'est nécessaire" et beaucoup sont contraints d'arrêter de travailler. La sortie des personnes forcées à la quarantaine n'est possible que sur présentation d'un test négatif quotidien aux autorités postées autour de la zone confinée. Outre les confinements mis en place lorsqu'un possible foyer épidémique est découvert, une partie de la Chine vit aussi dans des bulles sanitaires. Ces bulles sont utilisées par certaines infrastructures pour éviter aux personnes présentes d'être en contact avec des individus positifs au covid-19 et de contaminer à son tour son entourage. Des bulles sanitaires avaient été mises en place dans certaines universités chinoises, mais la dernière a vu le jour à Foxconn, la plus grande usine d'iPhone au monde, toujours à Zhengzhou. Sur place, des centaines de milliers d'employés sont empêchés de quitter les lieux : après leur journée de labeur à l'usine, les ouvriers sont logés dans des immeubles mis à disposition.
Pourquoi la Chine défend encore une stratégie zéro Covid ?
En adoptant la stratégie zéro Covid et en persistant avec ces restrictions sanitaires pour lutter contre le covid-19, la Chine est le seul pays à ne pas avoir accepté de vivre avec le virus. La stratégie a semblé être le choix gagnant dans les premiers temps et aux moments forts de l'épidémie avec un nombre de cas bien inférieur à celui de pays dix fois plus petits que le géant asiatique. Mais en 2022, la tendance s'inverse et la Chine subit les conséquences de la stratégie zéro Covid avec une population très peu immunisée contre le virus. Le recours aux confinements est devenu l'un des seuls moyens de préserver le pays d'un nouvel épisode épidémique.
En plus d'une faible immunité normalement acquise lors des contaminations, les populations vulnérables face au covid-19 comme les personnes âgées ou les personnes avec des problèmes de santé sont peu vaccinées en Chine. Une conséquence de la stratégie vaccinale gouvernementale qui a privilégié la vaccination des citoyens actifs plutôt que celle des personnes qui ne se déplacent plus, sans tenir compte des risques et de la virulence du virus chez les personnes fragiles. Et même si une majorité de Chinois sont vaccinés, la couverture vaccinale est insuffisante pour permettre de limiter effectivement la circulation du virus sans confinement. D'autant plus que l'efficacité des vaccins chinois n'atteint celle apportée par les vaccins à ARn messager.
La Chine peut-elle abandonner la stratégie zéro Covid ?
La stratégie zéro Covid ultra restrictive peut-elle durer en Chine ? Après trois ans de confinements localisés à répétition, des manifestations s'organisent dans toutes les grandes villes du pays pour dénoncer la politique sanitaire. Le mouvement est d'une ampleur inédite depuis les manifestations de Tiananmen en 1989 et exerce une pression sur la Parti communiste chinois. Mais selon Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique et spécialiste de la Chine interrogé par TV5 Monde, les contestations sont localisées dans les régions et les villes affectées par les mesures restrictives. "Ce sont des phénomènes hyper localisés qui seront gérés, mais cela ne remettra pas en question la stratégie du PCC, tant que ça ne se généralisera pas à l'ensemble du pays, et pour l'instant, ça n'est pas le cas", analyse-t-il.
D'autres arguments laissent penser que le gouvernement de Xi Jinping n'abandonnera pas la stratégie du zéro Covid. D'abord des éléments sanitaires : compte tenu du taux de vaccination insuffisant, la fin des confinements entrainerait une augmentation des cas sans précédent, or les infrastructures hospitalières chinoises ne sont pas en mesure d'assurer la prise en charge massive des patients. Le dernier argument est plus politique. Dans les premiers mois de l'épidémie, le pouvoir chinois a vanté sa victoire face au covid-19 et les bien faits de sa stratégie zéro Covid plus efficace que les méthodes occidentales, changer d'avis aujourd'hui serait un aveu de faiblesse pour le pays qui s'est présenté comme celui qui "sauve les gens, qu'il les protège, contrairement aux occidentaux qui les ont laissés mourir". Surtout, termine Antoine Bondaz : "S'il commence à relâcher les mesures sanitaires, il y aura énormément de morts et cela paralysera également l'économie du pays".