Le prix Nobel de la paix décerné à Maria Corina Machado : pourquoi ça ne va pas plaire à Mélenchon
Le prix Nobel de la paix 2025 n'est pas revenu à Donald Trump qui le réclamait depuis des mois. Le comité a décidé de décerner le prix à l'opposante vénézuélienne Maria Corina Machado, ce vendredi 10 octobre, pour saluer son combat "en faveur d'une transition juste et pacifique de la dictature à la démocratie". "Maria Corina Machado est l'un des exemples les plus extraordinaires de courage civique en Amérique latine ces derniers temps", a déclaré le président du comité Nobel norvégien, Jorgen Watne Frydnes, à Oslo.
La Vénézuélienne de 57 ans est une fervente opposante à Nicolas Maduro, président de la politique bolivarienne du Venezuela depuis 2013, dont la réélection en juillet 2024 est remise en cause par des soupçons de fraudes massives. A tel point que Maria Corina Machado vit recluse depuis la dernière élection présidentielle dans le pays d'Amérique du Sud. "J'écris ces lignes cachée, craignant pour ma vie, ma liberté et celle de mes compatriotes", déclarait la militante dans une tribune publiée dans The Wall Street Journal en août 2024, après avoir fait l'objet de menaces proférées par Nicolas Maduro. Quelques jours plus tôt, elle avait appelé les Vénézuéliens à descendre dans les rues contester la victoire jugée suspecte du président réélu : "Nous avons proposé au régime d'accepter démocratiquement sa défaite (...) mais il a choisi la voie de la répression, de la violence et du mensonge. Il nous appartient maintenant à tous de faire valoir la vérité. Mobilisons-nous", lançait-elle sur X.
Depuis, et après une répression policière violente organisée sur ordre de Nicolas Maduro, Maria Corina Machado qui vit toujours au Venezuela se cache par crainte d'être arrêtée par les autorités obéissant au régime. "Malgré des menaces sérieuses contre sa vie, elle est restée, un choix qui a inspiré des millions de personnes", loue le comité Nobel. "La démocratie repose sur ceux qui refusent de rester silencieux, qui osent se mobiliser en prenant de graves risques, et qui nous rappellent que la liberté ne doit jamais être prise pour acquise." Dans une vidéo diffusée par son équipe, la lauréate s'est dite "sous le choc" après cette annonce.
"J'espère que Maduro tienne" assurait Mélenchon en janvier 2019
Le choix de la personnalité récompensée du prix Nobel de la paix risque de questionner la position de certains politiques français, notamment de Jean-Luc Mélenchon. En attribuant le prix à Maria Corina Machado, le comité Nobel met en lumière l'aspect dictatorial du régime de Nicolas Maduro, lequel est dénoncé de longue date. Et le caractère héroïque de l'opposition. Un élément qui ne devrait pas vraiment plaire au chef de file de La France insoumise. Jean-Luc Mélenchon a plusieurs fois exprimé sa sympathie pour ce qu'incarne le président vénézuélien qui se présente comme l'héritier d'Hugo Chavez et réserve un traitement musclé aux oppositions.
En 2024, en plus d'une forte répression policière, Nicolas Maduro avait menacé d'emprisonner les deux chefs de l'opposition assurant que ses adversaires n'arriveraient "jamais au pouvoir". En 2017, des répressions similaires avaient été dénoncées par les Nations unies dans un rapport. De son côté, Jean-Luc Mélenchon semblait légitimer cette politique et la jugeait même "trop gentille" face à une branche de l'opposition qu'il qualifiait de "fasciste" et "violente". Le chef de file insoumis remettait également en cause les faits reprochés à Nicolas Maduro par les Nations unies sur le plateau de BFMTV. Refusant de condamner le régime vénézuélien, il assurait "condamner l'opposition".
María Corina Machado reçoit le Nobel de la paix pour son combat contre la dictature socialiste au Venezuela. En 2017, Mélenchon jugeait pourtant que la police de ce même régime était trop gentille avec l'opposition, malgré les assassinats et les tortures. https://t.co/tL4h762cM4 pic.twitter.com/SQJW4aXFKo
— Emmanuel Ruimy (@EmmanuelRuimy) October 10, 2025
Après la présidentielle de 2024 et son résultat très discuté, entre la victoire affirmée mais suspecte de Nicolas Maduro et l'auto-proclamation de Juan Guaido, Jean-Luc Mélenchon et le reste de LFI se sont très peu exprimés sur la situation au Venezuela. L'une des dernières mentions remonte à janvier 2019 après la demande formulée par plusieurs Etats européens sur l'organisation de nouvelles élections dans le pays. "Moi, j'espère qu'il tienne", déclarait alors l'insoumis en chef au sujet de Nicolas Maduro. Il accusait aussi l'Europe de vouloir "déstabiliser le Venezuela".
La position de Jean-Luc Mélenchon qui condamne les répressions policières musclées opposées par le pouvoir français aux mouvements sociaux depuis le début de l'ère Macron, au moins, peut surprendre. Challenges rapporte l'explication que le politique avait donnée en 2019 : il disait pouvoir "être dans mon pays engagé dans la contestation, et être engagé du côté de ce que je crois être la légalité contre les Etats Unis d'Amérique, qui sont une puissance barbare et envahissante et le Brésil dirigé par un homme d'extrême droite (Jair Bolsonaro, ndlr) qui soutiennent un putsch au Venezuela" contre Nicolas Maduro.
La position de Jean-Luc Mélenchon a toutefois évolué ces derniers mois et sa prise de distance est manifeste. "Je ne soutiens aucune dictature, nulle part dans le monde, je n'ai soutenu un dictateur", avait-il répondu à des journalistes de BFMTV qui l'interrogeait sur ce qu'il pensait du régime vénézuélien. "Expliquez-moi pourquoi vous et vos collègues dans tous les pays passez votre temps à interpeller les hommes comme moi, de ma famille politique, sur le Venezuela et Cuba ? Pourquoi vous ne parlez jamais du Yémen ?"